« Quand j’ai appris le décès de Milan Kundera, j’ai pensé à une vie accomplie »
« Nesmrtelný » (Immortel), titre ce jeudi le quotidien tchèque Lidové noviny, couvrant sa Une, comme tous les journaux tchèques d’ailleurs, d’un grand portrait en noir et blanc de Milan Kundera.
Partout dans le monde, les personnalités culturelles et politiques continuent à rendre hommage à ce « romancier absolu » pour citer l’ancien ministre français de la Culture et ami du couple Kundera, Jack Lang.
Voici un témoignage de Jiří Hnilica, historien spécialiste des relations franco-tchèques et directeur du Centre tchèque de Paris, institution qui a participé, en 2022, au transfert des archives personnelles de Milan Kundera dans sa ville natale de Brno, où elles sont désormais abritées par sa bibliothèque, aménagée dans les locaux de la Moravská zemská knihovna – la Bibliothèque régionale de Moravie.
Lorsque vous avez appris la nouvelle du décès de Milan Kundera, à quoi avez-vous pensé ?
« A ce moment-là, j’ai pensé à une vie accomplie. Pour moi sa disparition était plus ou moins attendue en raison de son âge plutôt avancé. C’est donc la vie d’un grand homme de lettre qui vient de s’accomplir.
Personnellement j’ai aussi repensé aux trois dernières années de coopération avec la Bibliothèque nationale de Moravie sur le transfert des archives à Brno.
J’ai enfin pensé à sa femme, Věra Kunderová, avec qui j’ai passé beaucoup de temps dernièrement. »
Avez-vous un souvenir particulier de ce transfert d’archives entre Paris et Brno ?
« Pas en particulier non, c’est surtout l’ensemble qui m’a marqué car c’était beau d’une certaine manière : Milan Kundera a eu le temps d’achever son œuvre dans le sens où il est revenu à Brno où la Bibliothèque Milan Kundera a pu ouvrir ses portes au public cette année. »
Qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans l’œuvre de Milan Kundera ? Qu’aimez-vous lire de lui et pourquoi ?
« Ce que j’aime beaucoup dans ses écrits c’est son esprit essayiste. J’apprécie sa narration, les histoires de ses personnages, sa capacité à rebondir sur des réflexions plus générales et universelles sur la musique, l’art, la pensée européenne. C’est vraiment cette ouverture sur la culture en général qui m’a toujours inspiré et séduit quand je le lisais. »
Parmi les nombreux témoignages, souvenirs et hommages que l’on a trouvés dans la presse tchèque, française et à l’étranger, y a-t-il quelque chose qui vous a touché ?
« C’est justement cette avalanche d’informations qui m’a impressionné. Le jour de son décès, on pouvait entendre toutes les heures dans les flash info des émissions de Radio France l’annonce de la nouvelle. Je savais que cette actualité allait faire le tour de la planète mais le fait que tout le monde félicite son œuvre m’a beaucoup marqué. »
La présidente du PEN club tchèque Markéta Mališová a remarqué, et elle n’était pas la seule, que parmi toutes les récompenses attribuées à Milan Kundera, il manquait sans doute un prix, le prix Nobel de littérature… Etes-vous d’accord ?
« Le philosophe tchèque Miroslav Petříček a dit un jour que de toute façon, tous les prix étaient immérités. Dans le sens où un prix récompense un travail accompli, mais on aurait peut-être aimé faire ce travail mieux. Bien sûr que Milan Kundera aurait mérité le prix Nobel, mais je pense qu’il n’en avait pas besoin pour illustrer sa gloire. »
Comment le Centre tchèque de Paris va-t-il rendre hommage à Milan Kundera ? Est-ce que vous allez organiser des événements spéciaux ?
« Nous proposons au public en ce moment même une exposition rétrospective, récapitulative sur la vie de Milan Kundera. Les visiteurs peuvent aussi consulter son œuvre complète, en tchèque et en français, dans notre bibliothèque. D’autres événements seront programmés à partir de la rentrée. »