Ayahuasca : des scientifiques tchèques au Pérou pour tester ses vertus thérapeutiques
Bien que la substance connue sous le nom d’ayahuasca soit illégale en Tchéquie, certaines études scientifiques ont montré qu’elle pourrait être utilisée pour traiter la dépression. Afin de tester ses possibilités thérapeutiques, des chercheurs tchèques se sont rendus au Pérou pour participer à une cérémonie traditionnelle et essayer eux-mêmes ce breuvage à base d’écorces de lianes.
Les touristes occidentaux en quête d’expérience spirituelles et d’états modifiés de conscience se rendent depuis longtemps en Amérique du Sud pour participer au rituel chamanique indigène qui implique de boire la fameuse tisane d’ayahuasca, contenant une substance psychédélique et capable d’induire un état semblable à une transe. Mais plus récemment, des études ont montré que le médicament pourrait avoir des usages thérapeutiques, notamment pour traiter la dépression.
Le groupe de scientifiques tchèques qui s’est rendu en Amazonie pour participer à la cérémonie souhaite déterminer dans quelle mesure l’aspect rituel est important pour le traitement des troubles de santé mentale par rapport à la prise de l’ayahuasca en lui-même dans un cadre différent, comme l’explique Tomáš Páleníček du Centre de recherche psychédélique:
« L’ayahuasca contient de la diméthyltryptamine, ou DMT, qui est très similaire à la psilocybine, l’ingrédient actif des champignons hallucinogènes. La DMT a déjà été testée comme traitement contre la dépression et a montré un grand potentiel thérapeutique. Ce que nous essayons de faire avec nos expéditions, c’est de voir si ces substances actives produisent les mêmes effets ou différents lorsqu’elles sont utilisées pendant un rituel chamanique par rapport à des structures médicales, des laboratoires et des contextes thérapeutiques. »
Bien que la substance soit illégale en Tchéquie, le ministère de la Santé a accordé une autorisation spéciale pour son utilisation dans les locaux de l’Université de chimie et de technologique (VŠCHT). L’un des chercheurs de l’université, le chimiste Martin Kuchař, fait partie de l’expédition et a lui-même participé à la cérémonie de l’ayahuasca. Il affirme que le cadre peut jouer un rôle important dans l’expérience :
« La région est pleine de sources thermales et le paysage est tout simplement magnifique. Bien sûr, les sons de la jungle et le chant du chaman créent une atmosphère mystique particulière, qui se manifeste ensuite également dans l’expérience psychédélique. »
La tisane peut également être préparée de différentes manières et à différentes concentrations, de sorte que deux préparations ne seront jamais exactement identiques, ce qui produit naturellement des effets et des expériences différents:
« La tisane d’ayahuasca contient au moins deux types d’ingrédients naturels différents. L’un d’eux s’appelle la banisteriopsis caapi, qui est une plante liane, une sorte de vigne grimpante. L’autre est la psychotria virdis, également connue sous le nom de chacruna ou chacrona. Ce sont les feuilles qui contiennent de la DMT. Nous avons préparé au moins 10 variations différentes de la boisson car chaque chaman la prépare légèrement différemment. »
Afin de tester empiriquement les effets du médicament sur l’activité cérébrale, les scientifiques ont apporté des dispositifs portables pour mesurer l’activité cérébrale à l’aide d’enregistrements EEG. Tomáš Páleníček du centre de recherche psychédélique décrit quelques-uns des résultats préliminaires:
« La cérémonie dure environ 3 à 4 heures. Pendant la majeure partie de ce temps, le chaman est assis là, chantant et bien sûr, buvant l’ayahuasca. Si vous observez le tracé de l’électroencéphalogramme, vous pouvez constater qu’au cours de la cérémonie, il y a une plus grande quantité d’activité synchrone qu’au début ».
Mettre en place des électroencéphalogrammes pour vingt participants à la cérémonie en même temps n’est pas facile et nécessite une préparation technique exigeante. Les scientifiques ont donc principalement testé la boisson sous la guidance des chamans sur eux-mêmes. Les effets peuvent être impressionnants, mais aussi désagréables, déclare T. Páleníček.
« Vous voyez des choses que vous ne verriez pas dans des circonstances normales. Si vous avez les yeux fermés, vous pourriez vivre des états oniriques, des visions d’espace, ou avoir l’impression de vivre la non-existence ou la mort. Vous transpirez également, vous pouvez ressentir différents symptômes physiques désagréables, comme des vomissements, des vertiges. Chaque expérience est différente. »
Les scientifiques sont actuellement en train de traiter les données, les résultats étant attendus d’ici la fin de l’été, avec un autre voyage de recherche prévu pour l’année prochaine.