Immobilier : « Je suis convaincu que les prix vont augmenter partout à Prague »
Omar Koleilat est le fondateur de Crestyl, un groupe tchèque spécialisé dans l’immobilier devenu un acteur majeur dans le pays et qui s’est implanté récemment en Pologne. Né d’une mère tchèque et d’un père libanais, cet ancien basketteur explique que l’ambition est désormais de s’attaquer bientôt au marché allemand. Dans cet entretien accordé en français (une langue qui l’a « beaucoup aidé au début de sa carrière »), Omar Koleilat raconte comment le quartier de Libeň a pu être transformé pour être aujourd’hui méconnaissable et évoque les détails du très ambitieux projet Savarin au centre de Prague, où la célèbre Épopée slave d’Alfons Mucha est prévue d’être exposée.
Il sera aussi notamment question de l’évolution de l’environnement juridico-légal ces vingt dernières années en Tchéquie et de la pertinence de l’investissement dans l’immobilier à Prague aujourd’hui. Sans oublier l’impact de la guerre en Ukraine, évoqué par cet entrepreneur qui a dû quitter à trois reprises un Liban déchiré par des conflits armés.
Extraits de cet entretien à écouter dans son intégralité en appuyant cliquant sur lecture :
« J’ai habité à Prague de 1997 à 2020 et j’ai déménagé avec ma famille en Grèce il y a trois ans. Je suis désormais PDG du groupe Crestyl pour la Tchéquie et la Pologne mais en juin Simon Johnson va prendre ma place et une fois que nous serons implantés en Allemagne je deviendrai le président du conseil d’administration. »
Quel est votre endroit préféré à Prague ?
« Les Docks, c’est sûr ! C’est notre projet à Prague 8, l’atmosphère est fantastique, il y a de l’eau, on a l’impression d’être à Ibiza au milieu de l’Europe. Crestyl a acheté en 2006 ces anciens docks, où étaient réparés les grands bateaux sous le communisme. C’est à 2,5 km du centre-ville et on a transformé cet endroit en espace multifonctionnel avec logements, bureaux, commerces, restaurants, un grand parc et de la vie. Avant les gens avaient peur de venir ici, aujourd’hui on s’y sent bien. Et beaucoup d’entreprises françaises, dont BNP, Publicis ou Saint-Gobain ont leurs bureaux ici. »
« J’ai vu que cet endroit était quelque chose d’unique, avec cette ‘marina’ comme un lagon au milieu de Prague. Il ne fallait pas être exceptionnellement visionnaire pour voir le potentiel mais le travail a pris 15 ans, il fallait être patient. Et le succès est dans les détails, nous avons travaillé avec six architectes différents, car le projet a 150 000 m² et est divisé en à peu près 14 immeubles. J’y ai vu le potentiel pour un projet exceptionnel. »
« Au début du projet cette partie de Prague n'était pas populaire et ce n'était pas facile de financer le projet. J'ai dû acheter cinq appartements avec mes frères pour prouver à la banque que c'était un projet excellent ! Aujourd'hui, tous ceux qui ont acheté en même temps que moi ont vu tripler la valeur de leur appartement... »
Spravia en Pologne
L’arrivée sur le marché polonais en 2020 a-t-elle été un moment clé pour votre entreprise ?
« Absolument, c’est un pays de 40 millions d’habitants avec une économie au potentiel exceptionnel. En Tchéquie, nous sommes déjà une des plus grandes boîtes et la croissance était ici pour nous plus difficile, avec un portfolio ici de 900 millions d’euros. L’acquisition en Pologne est très importante pour multiplier par deux notre position en Europe centrale. »
Spravia – le nom de cette filiale polonaise – est spécialisée dans les biens résidentiels, c’est ça ?
« Oui, c’est la base. Spravia a commencé ses activités dans les années 1970 sous le nom Budimex Nieruchomości, établie sous le communisme. On aimerait bien transformer Spravia en Crestyl, donc faire du ‘premium’ résidentiel et entrer dans le secteur commercial, mais seulement à Varsovie. Spravia est présente dans le résidentiel à Varsovie, Gdansk, Cracovie, Wroclaw et Poznan. On voudrait ajouter du résidentiel ‘premium’ à Varsovie et Gdansk avec du développement commercial, exactement comme on le fait en Tchéquie. »
Savarin, Heatherwick et l’Épopée slave de Mucha
Si les Docks de Prague 8 sont en quelque sorte votre vitrine, vous avez actuellement d’autres projets importants dans la capitale tchèque, à Hagibor et surtout dans le centre du centre, le projet Savarin…
« On a la chance d’avoir acheté il y a environ sept ans 1,7 hectares de terrain et d’immeubles au cœur de la ville de Prague. Il y a huit immeubles que l’on va raccorder à la station de métro Můstek, la plus fréquentée avec 150 000 voyageurs par jour. Le design est fait par Thomas Heatherwick et l’idée est de faire quelque chose qui va aider le centre-ville à se développer dans un certain sens pour amener plus de vie, avec un attrait pour les Pragois et pour les touristes. »
D’où est venue l’idée d’y exposer l’Épopée slave d’Alfons Mucha ?
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« La question du lieu d’exposition de cette Épopée est depuis longtemps un problème entre la famille Mucha et la ville de Prague. On a commencé à travailler avec notre architecte Thomas Heatherwick sur un projet de musée exceptionnel et nous avons pu convaincre la famille Mucha que ce sera le propre palais, le propre Louvre de l’Épopée slave nous avons commencé à négocier avec la ville de Prague. On a déjà signé avec eux un mémorandum qu’on espère concrétiser fin novembre. Pour nous cela ajoute le côté culturel et pédagogique, on espère que tous les élèves des écoles tchèques visitent le lieu. Une façon de faire savoir que Mucha est tchèque et pas français, même s’il a longtemps vécu en France ! »
L'immobilier à Prague, une bonne affaire
Dans un entretien récent pour un média tchèque, un spécialiste de l’immobilier expliquait que, quoi qu’il arrive, le prix allait augmenter dans les dix prochaines années à Prague et que c’était de toute façon un bon investissement. Êtes-vous du même avis ?
« Aucun doute. Prague est une ville qui est bien organisée avec des transports assez fluides et une qualité de vie extrêmement bonne. Donc je vois, en comparaison avec des villes comparables, que les prix vont encore pouvoir augmenter. »
Mais il faut du cash, puisque les taux d’intérêt sont actuellement élevés, ou non ?
« C’est une question de calcul. Même si on s’endette aujourd’hui on peut supposer qu’on pourra refinancer son emprunt d’ici deux ans avec un meilleur taux. Les taux sont autour de 5,5% donc ce n’est pas très très élevé non plus. Je crois que l’augmentation des prix sur dix ans en moyenne sera supérieure à 5% par an, donc même si on fait un emprunt hypothécaire ce sera une bonne affaire. »
Sans faire de pub pour vos produits, où faut-il acheter aujourd’hui si on veut acheter à Prague ?
« Je crois que pratiquement partout. J’aime bien Prague 6, Prague 1, Prague 2, Prague 7. À Prague 8 c’est comme le Marais… je crois qu’il faut acheter dans un environnement qu’on aime. Je suis convaincu que les prix vont augmenter partout à Prague. »