Les foulards en soie d’Anna Schwitzer, créés entre Prague et Lyon
Anna Schwitzer est une créatrice textile tchèque qui développe, avec succès, sa propre marque en Tchéquie et en France. Spécialisée dans la création de foulards en soie, fabriqués dans un atelier lyonnais, Anna Schwitzer présente cette semaine sa nouvelle collection intitulée « Déjà vu » au festival Designblok à Prague.
Valentin : « La marque Anna Schwitzer, en premier lieu, c’est une rencontre, à Lyon, entre Anna, une Pragoise d’origine et de culture et moi, un Lyonnais pure souche. C’était il y a dix ans. Maintenant, je me suis installé à Prague où nous perpétuons ce projet. Celui-ci représente une synergie entre les deux villes, entre la culture du design tchèque et la tradition lyonnaise de la soie. »
C’est avec son compagnon Valentin Mekdissi qu’Anna Schwitzer a lancé sa marque, en s’associant avec un atelier traditionnel à Lyon qui fabrique des produits en soie à la main.
Au cours de ses études dans plusieurs écoles d’art appliqués en Tchéquie et en Slovaquie, Anna s’est d’abord consacrée à la peinture, puis à la photographie et au design.
Anna : « Je me demandais comment exprimer mes idées autrement que sur une toile, comment donner à mes dessins une nouvelle vie, à travers justement les arts appliqués qui, paradoxalement, ne m’intéressaient pas tellement à l’école. A un moment donné, je me suis retrouvée en France, où je suis tombée amoureuse non seulement de mon futur mari, mais aussi de la soie. Je me rappelle qu’un jour, en me promenant au centre de Lyon, j’ai vu derrière une vitrine de magnifiques foulards, avec des reproductions d’œuvres d’artistes célèbres. Du coup, j’ai eu envie d’essayer de faire la même chose avec mes propres dessins. »
« J’avais ce rêve, mais personne pour le réaliser exactement comme je voulais, avec soin et passion pour cet artisanat. Finalement, c’est grâce à mon mari que j’ai trouvé l’équipe avec laquelle je travaille jusqu’à présent. »
« Pour notre atelier lyonnais, c’était un privilège de travailler avec un designer tchèque »
Valentin : « Nous travaillons avec un petit atelier lyonnais. C’est une entreprise familiale qui perpétue l’artisanat traditionnel et qui travaille avec de grandes maisons françaises de luxe. En même temps, pour notre partenaire, c’était un privilège de travailler avec un designer étranger et tchèque en particulier. »
Toutefois, il y a un certain mystère qui entoure ce fabricant lyonnais…
« Oui, c’est très confidentiel. Notre partenaire est quelqu’un qui veut rester dans la discrétion. C’est l’un des derniers fabricants en Europe capable de donner ces résultats et cette qualité. Voilà pourquoi il choisit soigneusement les projets auxquels il veut collaborer. Il est important pour lui de préserver ce côté confidentiel et sélectif de son travail. »
Avez-vous mis longtemps à le persuader pour votre projet ?
« Presqu’un an. Il a fallu montrer patte blanche, démontrer qu’on était sérieux et qu’on avait une vision similaire à la sienne. Et être fidèles. »
Valetin, pourriez-vous nous décrire le processus de création d’un foulard Anna Schwitzer ?
« Tout d’abord, c’est un dessin. Anna travaille pendant plusieurs semaines avec ses pinceaux, son encre et du papier. Elle numérise ensuite le dessin et l’envoie à l’atelier de notre partenaire. Avec lui, on travaille sur la couleur, le rendu, la brillance… Cela prend beaucoup de temps. Il y a un aléa : on ne sait jamais vraiment comment sera le résultat final, à quel point il ressemblera au dessin. »
« Une fois que l’on est à peu près d’accord sur les couleurs, le dessin part en impression. Il est imprimé sur une tuile de soie qui est une matière vivante : elle bouge, elle est sensible à l’humidité et à la lumière. Quand le dessin est imprimé, la couleur reste en surface. La soie doit se reposer, cela prend encore du temps. La seconde étape consiste à fixer la couleur. Pour cela, le tissu part dans un bain de vapeur qui va imprégner la couleur dans le tissu. Grâce à cela, les deux envers du foulard sont quasiment identiques. Il y a ce côté imprévisible : parfois, nous sommes surpris car la couleur change complètement, parfois, le résultat est parfait et nous sommes ravis, parfois non et nous sommes obligés de recommencer, de réimprimer… »
« Si nous sommes satisfaits, il faut couper les foulards et s’assurer qu’il n’y ait aucun défaut. On les repasse une seconde fois au bain de vapeur et on en arrive enfin à la confection. C’est aussi un moment de magie ! Des personnes qui ont un savoir-faire exceptionnel roulottent chaque foulard à la main. »
« Toutes ces étapes de création et de fabrication durent plus de deux mois. »
Vous-même, portez-vous des foulards ?
« Oui ! J’en porte avec des chemises, comme accessoire autour du cou, quand j’en ai envie. Cela me fait plaisir. Je dirais que c’est une approche française, assez ancienne et ‘dandy’. Par ailleurs, le propriétaire de l’atelier lyonnais les porte lui-aussi. »
Un accessoire et une œuvre d’art
Principalement française et tchèque, la clientèle d’Anna Schwitzer est composée de femmes et d’hommes de tout âge. Ses foulards ont pu être aperçus sur l’ancienne secrétaire d’Etat américaine Madeleine Albright ou la célèbre architecte Eva Jiřičná. Fabriqués en collections limitées d’une trentaine de pièces au maximum et vendus, selon leurs tailles, entre 119 et 149 euros, ses foulards sont bien plus qu’un simple accessoire. On écoute Anna Schwitzer :
« Ma nouvelle collection est composée de quatre grands foulards qui font 65 cm sur 65 cm et de deux foulards twilly plus petits. Ils ressemblent à un ruban et lorsqu’ils sont accrochés comme ici, dans l’exposition, les Tchèques les confondent souvent avec une cravate, mais finalement, ils peuvent aussi être portés ainsi ou encore accrochés au sac ou à la ceinture, ou encore comme un accessoire cheveux. Cette collection est inspirée de ma collection précédente, voilà pourquoi je l’ai nommée ‘Déjà vu’. Cela évoque aussi nos souvenirs et rêves… On y voit des symboles d’objets que j’ai chez moi, que je collectionne ou que j’ai trouvés – par exemple un coquillage, des vases ou encore la mer. »
« En France, j’ai mes clients fidèles qui achètent un foulard de chaque collection. (…) Il est vrai que mes foulards séduisent le plus les femmes disons entre 35 et 50 ans. Mais je ne crée pas spécialement pour les femmes, je ne distingue même pas les couleurs féminines et masculines. Je trouve par exemple que le rose sur mes foulards sied plus aux hommes qu’aux femmes. »
« J’imagine aussi que certains de mes clients accrochent mes foulards au mur, comme un tableau. Et puisque je conçois mes foulards vraiment comme des tableaux, chaque coin du tissu est différent et forme une image particulière lorsque l’on porte le foulard comme accessoire. »
« Ce que j’aime avec la soie, c’est que c’est un tissu léger et agréable. Il se porte toute l’année : non seulement il rehausse la tenue, mais il refroidit en été et réchauffe en hiver. En même temps, c’est un tissu très résistant. Un foulard en soie, c’est pour la vie. »
Les foulards d’Anna Schwitzer sont exposés jusqu’au dimanche 8 octobre au Musée des Arts décoratifs de Prague (UMPRUM), dans le cadre du festival Designblok. Ils peuvent également être achetés sur le site de la créatrice https://www.annaschwitzer.com.