Une jeune Tchèque au royaume du kimchi
« Je ne pouvais pas choisir une langue plus difficile, » constate Kateřina Kang (1994), une Tchèque qui a eu le courage de se lancer dans l’étude du coréen. La Corée a joué et joue un grand rôle dans sa vie. C’est dans ce pays à l’autre bout du monde qu’elle a trouvé son mari et aussi l’inspiration pour son livre intitulé Kateřina v říši kimchi - Kateřina au royaume du kimchi.
Quand un pays lointain devient réalité
Au cours de sa deuxième année d’études de la langue et de la civilisation coréennes à l’université Charles de Prague, Kateřina Kang a été choisie pour un séjour d’échange à Séoul en Corée. Elle n’est pas prête d’oublier les premières impressions après son arrivée dans un monde si différent de son pays :
« Quand je suis arrivée pour la première fois, j’étais très fatiguée parce que je n’avais pas réussi à dormir dans l’avion et j’étais complètement ébahie et submergée par mes impressions. Il y avait trop de sensations, trop de gens, trop de lumières, trop de bruits. Lors de mes séjours suivants, j’étais beaucoup plus sûre parce que je pouvais déjà compter sur ma connaissance du coréen et je ne risquais plus de me perdre ou de me retrouver dans une situation inattendue. »
Le coréen, une langue complètement différente
Le pays lointain devient pour elle une réalité impressionnante dont elle n’arrive pas à se rassasier. Elle y reviendra à plusieurs reprises, se familiarisera avec la vie quotidienne et approfondira sa connaissance du coréen :
« C’est une langue difficile pour les Tchèques mais surtout pour les Anglais et les Américains qui ont une langue assez simple. Le tchèque est également une langue difficile. Le coréen est pour nous une langue très différente. Le vocabulaire des langues européennes est souvent basé sur le latin mais le coréen a beaucoup de mots d’origine chinoise. Et la grammaire est tout à fait différente. On est obligé de détruire complètement en soi-même l’idée qu’on se fait d’une langue. »
Et Kateřina Kang explique que par exemple l’ordre des mots du coréen est complètement différent de celui des langues occidentales et qu’en coréen, il n’y a pas une nette différence entre les genres masculin et féminin et entre le singulier et le pluriel.
Les relations positives
Apprendre, comprendre et parler correctement cette langue est incontestablement une tâche bien difficile pour un Européen et il est improbable que cet effort puisse réussir sans un contact direct avec les Coréens. Kateřina Kang se rend donc plusieurs fois en Corée du Sud. Elle y étudie mais, pendant ses séjours, elle gagne aussi sa vie en travaillant dans un restaurant et en enseignant l’anglais. La Corée devient une partie intégrante de sa vie :
« Mes relations avec les Coréens étaient extrêmement positives. Ils sont très obligeants, très aimables, quand on a besoin de quelque chose, ils cherchent à se rendre utiles. C’était donc très positif. Par exemple : un jour qu’il s’était mis à pleuvoir, des vieilles dames dans un restaurant nous ont donné leur parapluie... C’était bien. »
Une bande dessinée assez spéciale
Le regard de Kateřina Kang est cependant beaucoup plus nuancé et ne manque ni d’esprit critique ni d’humour. A partir de 2019, elle partage ses dessins et ses observations sur la Corée sur Instagram et ses images deviennent bientôt tellement populaires qu’elle décide de les réunir dans un livre. C’est ainsi que voit le jour une bande dessinée assez spéciale qu’elle intitule Kateřina au royaume du kimchi. Les dessins de Kateřina Kang sont tout à fait simples mais ils lui permettent d’illustrer d’innombrables aspects intéressants et drôles de la vie coréenne.
Elle n’hésite pas à évoquer et à dessiner des épisodes de sa vie, et même de sa vie intime, le livre est plein de ses autoportraits légèrement caricaturés et de dessins représentant son mari coréen qu’elle présente dans des situations les plus diverses. Elle compare d’une façon amusante les réalités coréennes et tchèques, elle met en opposition les deux modes de vie, elle relativise certaines idées reçues.
La Corée vue de l’intérieur
Le résultat est le tableau d’une Corée vue de l’intérieur avec beaucoup de détails de la vie quotidienne brossé par une jeune femme qui ne cesse de s’étonner, de s’amuser et de nous amuser. Son regard n’est jamais sévèrement critique, elle est toujours plutôt bienveillante, mais cela ne l’empêche pas de parler ouvertement des choses qui l’intriguent. Elle constate entre autres :
« Il m’est parfois arrivé, par exemple, en entrant dans un magasin, que le vendeur s’éclipse, craignant probablement que je commence à lui parler en anglais, langue qu’il ne maîtrisait pas. Les Coréens apprécient surtout les blancs. Quand ils voient un Européen ou un Américain, ils supposent qu’il s’agit de personnes riches. Par contre, ils ne perçoivent pas très positivement les étrangers d’Asie du Sud-Est et d’Afrique et ils ont beaucoup de mauvais préjugés sur eux. Ils ont d’ailleurs aussi des préjugés sur les blancs et ils pensent que nous sentons mauvais, ce qui est vrai. Les relations superficielles avec les Coréens sont très positives, mais il est difficile de pénétrer plus profondément dans leur société et de se faire des amis coréens. »
Une série d’épisodes de la vie conjugale
Le lecteur de cette bande dessinée apprend entre autres que les Coréens aiment Prague et détestent les plats tchèques, se baignent habillés dans la mer, adorent les séries télévisées bien stéréotypées, portent des chaussettes en été et sortent sans chaussettes en hiver, n’aiment pas s’exposer au soleil et suivent docilement les dernières tendances de la mode. Ils prétendent que les amants coréens n’ont pas de rapports sexuels avant le mariage, mais avouent qu’il y a partout des motels pour ceux qui désirent coucher ensemble. Et l’auteure n’oublie pas d’évoquer non plus les coutumes et les spécialités alimentaires dont le kimchi, ce plat à base de chou et de légumes fermentés très piquant, symbole de la cuisine coréenne.
Un des thèmes importants de ce livre est une série d’épisodes de la vie conjugale de l’auteure et de son mari coréen. C’est une vie pleine de surprises, de petites découvertes et de petits malentendus qui, manifestement, ne peuvent pas ébranler la liaison de ces deux êtres très proches malgré les différences de civilisation.
Eveiller le désir de créer
Actuellement, Kateřina Kang est en congé de maternité. Elle élève sa fille Mina et cherche à harmoniser sa maternité avec sa création. Encouragée par le succès de son premier livre, elle envisage de récidiver et prépare déjà le deuxième tome dans lequel il y aura, comme elle le promet, plus d’informations concrètes sur les réalités coréennes :
« J’aimerais susciter chez les lecteurs un intérêt pour la Corée et démontrer aux gens qui connaissent déjà la K-pop et le K-drama que la Corée réelle est quelque chose d’assez différent. Et j’aimerais aussi éveiller chez les gens le désir de créer. Je voudrais inspirer quelqu’un à faire quelque chose de semblable car, moi-même, je me régalerais beaucoup à lire ce genre de bande dessinée. »