Il y a 100 ans naissait František Vláčil, le « poète du grand écran »
Ses films Markéta Lazarová et La Vallée des abeilles sont considérés comme des œuvres majeures du cinéma tchèque. En 1998, le Festival international du film de Karlovy Vary lui a décerné le prix principal pour sa contribution artistique exceptionnelle au cinéma mondial.
C’est par des chemins détournés que celui qui allait devenir un cinéaste de renom en vient au cinéma. En effet, le jeune František Vláčil fait tout d’abord des études à l’Ecole des arts appliqués de Prague avant de se tourner vers l’histoire et la philosophie de l’art à l’Université Masaryk de Brno. C’est à l’armée qu’il devient cinéaste : au cours des sept années qu’il y passe, il devient non seulement commandant, mais également réalisateur de films « d’éducation populaire », à savoir de propagande. A la fin des années 1950, il se fait remarquer par les studios Barrandov.
En 1960, il tourne son premier film, Holubice (La Colombe blanche), qui le place immédiatement parmi les réalisateurs de la nouvelle vague tchécoslovaque les plus marquants des des années 1960. Son film est d’ailleurs primé à Venise, entre autres. Il est suivi par la balade historique Ďáblova past (Le Piège du diable, 1961), qui porte sur le dogmatisme et l’obscurantisme au XVIIIe siècle.
Le film le plus remarquable du XXe siècle
Néanmoins, c’est Markéta Lazarová, un film sous forme de fresque historique complexe pleine de métaphores visuelles, qui fait véritablement parler de lui. Avec la jeune actrice slovaque débutante Magda Vášáryová dans le rôle de la protagoniste principale, Markéta, c’est un film psychologique saisissant. Il faudra quatre années pour parvenir de la première version du scénario à la première projection publique du film, en 1967.
Pour les costumes et les décors, František Vláčil collabore avec des artistes tchèques éminents tels que Theodor Pištěk et Jan Koblasa. Markéta Lazarová sera finalement le film le plus cher des années 1960 : le coût de sa réalisation sera cinq fois plus élevé que la moyenne des films de l’époque. Pour que soit reconstituée l’ambiance médiévale, les acteurs doivent endurer la boue et le froid. Pour tirer avantage de l’incroyable quantité de costumes et de décors qui avaient vu le jour pour ce film, les studios Barrandov ont ensuite forcé František Vláčil à réaliser un autre film historique. Et c’est ainsi que naît Údolí včel (La Vallée des abeilles, 1967).
Psychiatrie et pénitence
Le film Adelheid (1969) évoque les difficiles conditions de vie de l’après-guerre. En août 1968, en réaction à l’invastion de la Tchécoslovaquie par le pacte de Varsovie, František Vláčil rend sa carte du parti communiste. A partir de là, il n’est plus autorisé qu’à tourner des films documentaires courts. Son penchant pour la boisson s’accentue, et il est interné à plusieurs reprises pour dépression.
Par la suite, il est également autorisé à tourner des courts-métrages pour enfants, puis le film Dým bramborové natě (La Fumée des fanes de pommes de terre, 1976), adaptation d’un roman racontant l’histoire d’un illustre chirurgien qui doit revoir sa conception du monde lorsqu’il devient médecin de campagne. František Vláčil a alors à nouveau le droit de tourner des films, et Stíny horkého léta (Ombres d’un été torride, 1977) puis Pasáček z doliny (Le berger de la vallée, 1983) connaissent un grand succès. Tout comme son film-confession Hadí jed (Le Venin de serpent, 1981), qui traite de la dépendance à l’alcool. La riche filmographie du réalisateur compte également un film biographique sur le compositeur Antonín Dvořák : Koncert na konci léta (Concert à la fin de l’été, 1980), réalisé d’après un scénario de Zdeněk Mahler. Sorti en 1987, son tout dernier film, Mág (Le Magicien), ne sera apprécié ni du public, ni de la critique. Néanmoins, cette même année, František Vláčil est nommé Artiste national. Il obtiendra également des prix après la chute du régime communiste : en 1994, il se voit récompensé d’un Lion tchèque pour sa contribution artistique au cinéma tchèque tout au long de sa vie. Il devient aussi président de l’Académie du cinéma et de la télévision tchèque. En 1988, il reçoit le prix principal du Festival international du film de Karlovy Vary pour sa contribution artistique exceptionnelle au cinéma mondial.
En 2013, il obtient à titre posthume le prix du ministère de la Culture tchèque pour sa contribution dans le domaine du cinéma et de l’audiovisuel. Un sondage a élu le film Markéta Lazarová « film le plus remarquable du XXe siècle ».