Zachraň jídlo, l’ONG qui aide les Tchèques à moins gaspiller
En 2011, selon une étude de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, le gaspillage représentait un tiers de la production alimentaire mondiale. De plus, les déchets alimentaires généraient entre 8 % et 10 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre. En plus de représenter un véritable gâchis énergétique, le gaspillage alimentaire contribue largement au changement climatique. Depuis 2013, l’ONG tchèque Zachraň jídlo (Sauver la nourriture) agit sur le terrain et au niveau politique pour lutter contre le gaspillage et en faire un vrai sujet de société.
Le gaspillage est un enjeu écologique majeur et ne se résume malheureusement pas aux fruits et légumes que l’on jette à la poubelle parce qu’ils ont moisi. En effet, il se joue à toutes les étapes de la vie d’un produit alimentaire : la production, la transformation, la distribution et la consommation.
En Tchéquie, Zachraň jídlo agit sur tous ces niveaux depuis sa création. A commencer par l’agriculture : comme dans tous les pays, les producteurs tchèques jettent les produits alimentaires qui ne répondent pas aux critères esthétiques de leurs revendeurs, le plus souvent des supermarchés. Ainsi l’ONG a développé le projet Paběrkování (Glanage), qui consiste à récupérer invendus ou fruits et légumes « moches » pour les donner à une banque alimentaire qui se charge de les redistribuer.
Zachraň jídlo met également en relation des cantines d’entreprise et publiques avec des organisations caritatives dans le cadre du projet Zachraň oběd (Sauver le déjeuner). Ainsi les cantines ont la possibilité de donner les portions qui leur restent tous les jours au lieu de les jeter. Certains magasins peuvent également donner à des associations des produits légèrement détériorés, mais encore comestibles plutôt que de s’en débarrasser.
Une problématique pas vraiment prise en charge par l’Etat tchèque
Comme le souligne Tereza Modlová, manager au sein de l’ONG, le projet Zachraň jídlo met en lumière un manque d’investissement de la part de l’Etat pour cette problématique écologique centrale.
« Le projet Zachraň jídlo est né parce qu’il n’y avait aucune aide ni considération sur ce sujet il y a 10 ans. Mais cela a vraiment évolué avec la crise du Covid-19 et l’inflation qui a suivi. Les gens ont commencé à mettre la pression sur le gouvernement sur cette question du gaspillage. C’est donc devenu un sujet pour les parlementaires ou les élus locaux. C’est bien mais ça reste très dur de mettre en place des projets pour traiter ce problème de façon plus systématique et sur du long-terme.
Par exemple, pour le moment, notre ONG fonctionne principalement grâce à des subventions. Mais cela ne correspond pas vraiment à de gros montants, surtout si on compare notre situation à celle de nos homologues scandinaves et allemands. »
Pour stabiliser son économie et développer ses projets, l’ONG doit travailler sur une collecte de fonds pour faire participer le public. Les limites de cet investissement des pouvoirs publics sur la question du gaspillage s’observent également dans la qualité des données mesurées.
« Le problème, c’est que nous ne pouvons pas vraiment compter sur les données à disposition. Le ministère de l’Environnement est censé mesurer des données sur le gaspillage, les analyser et les envoyer à Bruxelles. Mais nous estimons que les données auxquelles nous avons accès ne sont pas vraiment représentatives de ce qu’il se passe en réalité au niveau du gaspillage en Tchéquie. »
Ainsi l’ONG a mené sa propre étude avec l’Université Mendel de Brno. Elle montre qu’une famille de deux adultes et deux enfants économiserait 15 000 CK par an en faisant attention au gaspillage.
Agir au niveau des individus a du sens malgré tout
Consciente que cette problématique questionne notre rapport à la nature et à notre impact sur la planète, l’ONG concentre aussi son travail sur le gaspillage de la part des consommateurs eux-mêmes, qui représente 53% du total. Selon Tereza Modlová, il s’agit pourtant d’un point sur lequel il est facile d’agir.
« Nous essayons de sensibiliser le public sur ce qu’il achète, comment il faut stocker la nourriture. La première chose, c’est de ne pas avoir peur d’en parler. Demander un les restes de son plat à emporter au restaurant parce qu’on n’a pas fini son assiette est quelque chose de normal. Il faut avoir conscience de nos habitudes et ne pas avoir peur d’apprendre. Il faut en parler en famille, même si ça peut faire peur, il faut aussi en parler avec ses amis, ses voisins. Le but est de motiver les gens, pas de les culpabiliser. Et surtout, on les encourage à partager ce qu’ils ne veulent plus. »
Alors, est-il possible de réellement traiter le problème du gaspillage sans repenser en profondeur notre modèle de production et de consommation ? Si l’ONG n’a pas cette ambition, pas les moyens surtout, elle préfère essayer d’agir sur le terrain et de faire du gaspillage alimentaire un vrai sujet politique en Tchéquie.