Une campagne pour inciter les ménages à moins de gaspillage alimentaire
Plus de 50 % du gaspillage alimentaire n’est pas dû aux restaurants, commerces ou à l’industrie agro-alimentaire, mais aux ménages selon une étude de la Commission européenne. En Tchéquie, une ONG invite les particuliers à prêter davantage attention à ce qu’ils jettent aux ordures, alors que de nombreux aliments pourraient encore être consommés au-delà de la date maximale affichée ou encore conservés pour une consommation plus tardive. L’organisation Zachraň jídlo (Sauver la nourriture) lance d’ailleurs une campagne à cet effet pour le mois de septembre. Anna Strejcová en est la fondatrice, elle revient sur les débuts de l’organisation.
« L’initiative Sauver la nourriture existe depuis 2013. Quelques amis et moi-même nous avons voulu organiser un événement public pour faire mettre en lumière le problème du gaspillage alimentaire. Nous avons organisé sur la place Venceslas à Prague un grand banquet avec des repas pour un millier de personnes réalisés à partir d’invendus, c’est-à-dire des aliments qui auraient été jetés alors qu’ils étaient bons. Nous avons senti que c’était un thème qui suscitait un grand intérêt et qu’il serait dommage d’en rester là. Nous avons donc créé notre organisation. »
L’industrie agro-alimentaire est responsable de gaspillage alimentaire, les consommateurs aussi. Connaît-on les différents proportions de gaspillage alimentaire, que ce soit celui de l’industrie, des commerces ou des particuliers ?
« La Commission européenne, qui se base sur une étude de 2019, montre que ce sont les particuliers qui gaspillent le plus, la part des consommateurs représente plus de 50 %, une part relativement moindre du gaspillage revient à l’agriculture, aux producteurs et aux commerces. Une ONG britannique similaire à la nôtre a remarqué que les excédents agricoles, ce qui reste sur les champs sans être récolté par exemple, n’étaient pas comptabilisés dans cette étude. Donc il est possible qu’on gaspille plus dans l’agriculture que ce que l’on pense. »
Qu’est-ce que cette habitude de jeter nos aliments dit de notre société actuelle ?
« Cela veut dire que nous sommes une société relativement opulente, plus riche que dans d’autres temps dans l’Histoire puisque l’on peut se permettre de jeter une partie de notre alimentation. Cela témoigne aussi du fait que nous avons peu de temps à consacrer à la préparation de nos aliments. L’Université Mendel à Brno a fait une étude sur le gaspillage alimentaire dans les foyers, avec des données récoltées avant et après le Covid. Ils ont remarqué que le gaspillage avait diminué entre les deux – grâce au fait que les gens se sont retrouvés à la maison et ont eu plus de temps pour préparer et consommer les aliments, qu’ils ont plus souvent consommé les restes de repas. »
Quels produits sont le plus gaspillés en Tchéquie et pourquoi ?
« C’est une caractéristique commune de tous les pays développés : le gaspillage est le plus important concerne les fruits, les légumes, le pain, les aliments de consommation rapide qui ne se conservent pas longtemps. L’été et l’automne sont les saisons où l’on jette le plus d’aliments car ce sont les plus riches en fruits et légumes frais. Or, en général, nous n’avons pas la motivation ou l’envie de les utiliser jusqu’au dernier morceau. »
Peut-on estimer combien coûte ce gaspillage aux ménages tchèques ?
« J’ai essayé de faire ce calcul. L’étude réalisée Brno montre qu’une personne jette environ 50 kg de nourriture par an. Si l’on estime qu’une personne consomme 800 kg de nourriture par an, cela représente un sixième. Un consommateur dépense environ 60 000 couronnes annuellement pour l’alimentaire, donc 3 700 couronnes vont à la poubelle. Un ménage moyen est composé de 2,5 personnes, donc on monte entre 8 000 et 9 000 couronnes gaspillées par an. »
Avez-vous des tuyaux pour éviter le gaspillage au quotidien ?
« Nous préparons pour le mois de septembre une campagne appelée ‘Septembre contre le gaspillage’. Les gens peuvent d’ores et déjà s’inscrire sur notre site. Au cours du mois de septembre nous leur enverrons des newsletters avec des idées de base pour comment faire ses courses, comment conserver les aliments et comment faire la cuisine pour qu’il n’y ait pas restes. En outre, nous proposons de nombreuses recettes très simples sur notre site qu’on peut utiliser au quotidien : nous essayons de montrer ce qu’on peut faire avec les aliments qui ont tendance à rester ou les fruits et légumes dont ne sait plus quoi faire. Nous avons également édité un livre de cuisine avec toutes les informations sur la meilleure façon de conserver les aliments. Il y a plus de cent recettes. Donc nous essayons de faire connaître tout cela au plus large public. »
Le principe de la date maximale de consommation est souvent montré du doigt comme un des problèmes menant au gaspillage alimentaire. Récemment, une enseigne de supermarchés britanniques a décidé de retirer cette formule de 500 de ses produits…
« Cette question est justement débattue au niveau de la Commission européenne. Beaucoup de gens ne comprennent pas cette notion de ‘date de consommation maximale’ qu’ils prennent pour un ultimatum qui signifie qu’on doit jeter le produit en question. Il y a donc un débat actuellement pour reformuler cette phrase afin qu’elle soit bien comprise par les gens. On pense notamment à rajouter des pictogrammes sur les aliments concernés, ou bien une phrase signifiant que la date maximale ne veut pas dire que l’aliment n’est plus bon après. En ce qui concerne la chaîne britannique, ils ont enlevé des informations sur de nombreux produits que nous ne mentionnons même pas ici en Tchéquie – par exemple sur des fruits et légumes. C’est en tout cas une bonne initiative de laisser une partie de la responsabilité aux gens qui doivent eux-mêmes déterminer si l’aliment en question est encore consommable. Pour certains aliments comme la viande ou les produits laitiers, la date doit en effet figurer. En Grande-Bretagne justement, des litres et des litres de lait sont déversés tous les ans, parce que les gens suivent à la lettre la date recommandée au lieu de faire appel à leur odorat et leur goût pour déterminer s’il est encore bon ou non. »
Où se situe la Tchéquie au sein de l’Union européenne en termes de gaspillage ? La tradition des potagers, des conserves maison perdure-t-elle en Tchéquie ?
« Au niveau de l’Union européenne, les Etats ont désormais l’obligation de déclarer le volume d’aliments jetés. Ces données ont été transmises en juin. Donc on n’a pas encore de données pour la Tchéquie et les autres pays-membres. Espérons qu’elles seront rendues publiques dans les six mois ou dans l’année.