Plus de 85 ans après sa destruction, la synagogue de Žatec entièrement restaurée
Désignée comme le sauvetage patrimonial de l’année 2023 par l’Institut national du patrimoine, la synagogue de Žatec, dans le nord-ouest de la Bohême, a rouvert ses portes la semaine dernière, 86 ans après sa destruction lors la Nuit de cristal.
La ville de Žatec (Saaz, de son nom allemand) et ses environs sont surtout connus pour les cultures de houblon, inscrits l’an dernier sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO.
Mais cette ville située dans les anciennes Sudètes germanophones abrite également la deuxième plus grande synagogue de Tchéquie, après celle de Plzeň. La seule chose intacte qui nous soit parvenue de l’intérieur du bâtiment est le parokhet, ce rideau qui ferme l’Arche sainte contenant les rouleaux de la Torah dans une synagogue. Tout le reste du bâtiment du XIXe siècle a brûlé ou a été détruit en 1938, lors de la Nuit de cristal, ce terrible pogrom antisémite survenu en Allemagne et en Autriche, mais aussi dans cette région des Sudètes tchécoslovaques annexée quelques semaines auparavant par le Troisième Reich. Depuis, la synagogue avait été laissée totalement à l’abandon, avec fort heureusement, une toiture en relativement bon état, comme le décrit Daniel Černý, son propriétaire :
« Les années de communisme qui ont suivi n’ont pas vraiment aidé non plus. La synagogue a servi d’entrepôt pour la défense civile et les récoltes agricoles. Lorsque nous avons lancé la restauration, le plafond de la maison du rabbin nous est tombé dessus. Nous avons dû arracher tous les planchers qui étaient totalement détruits par ce champignon qu’est la mérule. »
Fait notable – et inhabituel dans le cas d’un bâtiment religieux – c’est en effet à un investisseur privé qu’on doit le rachat et la volonté de restaurer cette synagogue abandonnée. Jadis propriété de la ville de Žatec, Daniel Černý l’a rachetée dans le cadre d’une vente aux enchères pour le prix d’appel :
« Avant la vente aux enchères, j’ai visité les deux bâtiments, la synagogue et la maison du rabbin, j’ai tout inspecté de fond en combles. A la cave, je me suis dit que j’étais totalement fou de vouloir l’acheter. Je venais de finir de payer mon hypothèque, mais je voulais faire quelque chose de bien. Alors j’ai acheté la synagogue pour 3,8 millions de couronnes et je ne regrette pas du tout mon choix. »
Située au centre-ville, la synagogue est désormais dotée de nouveaux vitraux, d’une nouvelle façade ocre, de mobilier et arbore trois étoiles de David dorées sur ses coupoles. Le budget total de la reconstruction, et restauration, s’élevait à près de 56 millions de couronnes, une subvention européenne ayant couvert 85 % des coûts, le reste étant pris en charge par les contributions de petits donateurs, mais aussi la ville et la région d’Ústí nad Labem.
Pour Lucie Radová de l’Institut national du patrimoine qui a décerné le prix Patrimonium pro futuro à ce projet de sauvegarde et de préservation du patrimoine, une telle réussite peut encourager d’autres types d’entreprises de ce genre :
« Si vous regardez les photos d’avant la restauration, vous verrez que l’état de la synagogue était vraiment déplorable. Je suis heureuse que cela ait été fait - cela montre que si vous avez la volonté, la motivation interne et le courage, vous pouvez sauvegarder même un bâtiment, même quand il est aussi grand. »
Bien que la communauté juive soit aujourd’hui très réduite en Tchéquie, suite à la déportation et l’assassinat de dizaines de milliers de Juifs pendant la guerre mais aussi en raison de leur émigration en nombre sous le communisme, la synagogue peut désormais accueillir les fidèles, comme cela a été le cas lors de son inauguration le 19 mars, le grand rabbin de Tchéquie, Karol Sidon, ayant présidé à la cérémonie. La maison rabbinique, elle, abrite désormais une exposition dédiée à l’histoire de la communauté juive de Žatec. Au rez-de-chaussée se trouve un espace pour des expositions temporaires et une petite salle d’étude consacrée à la littérature liée au judaïsme. Une salle est également prévue pour l’organisation d’événements plus modestes tels que des conférences, des sessions de formation ou des ateliers, avec l’idée de faire de ce lieu un rendez-vous culturel de la ville.