Avec l'été, les menaces se multiplient pour les forêts tchèques
Premier jour d’été ce jeudi et ça se sent, avec de fortes chaleurs dans tout le pays. Mais avec l’arrivée des beaux jours, se pose à nouveau la même question en Europe : doit-on craindre une nouvelle fois pour nos forêts ? Même en Tchéquie, la question est de plus en plus importante.
Désormais, chaque été, le réchauffement climatique fait peser une chape de plomb sur les forêts européennes : chaleurs extrêmes, sécheresse, perte de la biodiversité ou encore méga-feux. Avec ses 34 % de surface forestière, la Tchéquie est en première ligne face à ces questions.
Alors en ce début d’été, Martin Duľa, chercheur au département d’écologie forestière à l’Université Mendel de Brno, fait le point sur l’état des forêts et sur les menaces qui pèsent sur elles.
Dans quel état est la biodiversité au sein des forêts tchèques actuellement ?
« En Tchéquie, nous avons vraiment une grande diversité dans nos forêts. Nous avons encore des régions très reculées dans les parcs nationaux comme celui de Krkonoše, le plus ancien du pays. Il y a aussi des forêts gérées par des gardes-forestiers, ou pour l’exploitation commerciale du bois. Mais nous avons une belle biodiversité, avec beaucoup d’animaux, d’espèces, d’écosystèmes différents, notamment entre les basses et les hautes altitudes. On y trouve beaucoup d’espèces uniques, que ce soit des vertébrés, des invertébrés et même des grands carnivores. D’un autre côté, il y a une très grosse pression sur ces espaces naturels et ces espèces. La hausse des activités humaines dans ces zones entraîne de fortes perturbations de la nature. D’ailleurs, il faut noter que beaucoup d’espèces ont d’ores et déjà dû s’adapter à l’activité humaine et sortir plutôt la nuit par exemple. Le pire étant dans les zones qui ne sont pas particulièrement protégées, et c’est là que nous devons agir en priorité. »
Quelles sont les principales menaces qui pèsent sur tous ces écosystèmes ?
« En Tchéquie, nous devons par exemple faire face à des épidémies ou à de graves sécheresses, à cause du réchauffement climatique et de la hausse des températures. Et c’est valable pour les forêts en basse altitude comme les forêts de haute altitude ! Cela s’explique par des années vraiment sèches, qui ont conduit par exemple à la crise du scolyte notamment. Donc les forêts sont sous très haute pression, l’exploitation du bois est aussi en cause parce qu’elle modifie les structures des forêts. La menace vient à la fois du réchauffement climatique très puissant qui va affecter les forêts dans un futur plus que proche, et des activités humaines dans ces zones. »
La crise du scolyte dont parle Martin Duľa est une sorte de pandémie végétale qui a touché l’Europe à partir de 2018. En cause, les scolytes qui sont des sortes de coléoptères parasites qui s’attaquent aux arbres. Habituellement, chaque hiver, leurs larves sont tuées par le froid, ce qui empêche une trop grande prolifération de ces insectes. Sauf que depuis 2018, les hivers ne sont plus assez froids et beaucoup de larves résistent… Leur nombre augmente et ils s’attaquent à de plus en plus d’arbres.
Parmi les menaces renouvelées chaque été, il y a également les feux de forêts. Ces derniers se multiplient dans de nombreux pays : il y a deux ans, la Tchéquie a connu le plus important incendie de forêt de son histoire dans le parc national de la Suisse Bohême, à 90 km au nord de Prague. Plus de 1000 hectares ont été touchés, de nombreuses habitations ont dû évacuées au cours des 20 jours de lutte contre le sinistre, qui a mobilisé 6000 pompiers. Cet incendie nous a-t-il appris certaines choses ?
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« Nous avons pu voir comment la nature a pu survivre à cette menace. Bien sûr, les feux - à l’origine - font partie de l’écosystème des forêts, de leur dynamique. Cela permet une forme de renaissance pour les espèces ou pour la forêt. D’un côté c’est dramatique pour les gens vivant sur place et de l’autre côté, c’est un nouveau départ pour la nature. Nous devons donc expliquer aux gens que les feux à l’origine, sont normaux, qu’ils peuvent faire partie du renouvellement des écosystèmes. Mais attention, ce fonctionnement n’est pas valable pour toutes les forêts dans tous les pays, et avec le changement climatique, ces feux seront plus fréquents ce qui ne fait pas partie du renouvellement naturel. Nous aurons donc besoin de déterminer quels feux font partie du renouvellement naturel de la forêt et lesquels ne le sont absolument pas et pour lesquels il faudra aider ces écosystèmes à se régénérer et à se protéger, notamment avec des zones humides. Tous ces processus seront très difficiles. »
L’année dernière, le ministre de l’Intérieur, Vít Rakušan s’était d’ailleurs exprimé sur la nécessité de moderniser les moyens d’interventions pour les feux de forêts - et la Tchéquie avait loué en prévention deux hélicoptères supplémentaires permettant de transporter de l’eau.
La semaine prochaine, nous parlerons à nouveau des forêts avec Martin Dul’a, dans un second épisode consacré cette fois à la cohabitation entre les animaux et les promeneurs.