Nouveau cirque : Les Rois Vagabonds et le Cirque le Roux parmi les invités du festival Letní Letná
Depuis jeudi 15 août se déroule à Prague la 21è édition du festival du Nouveau cirque Letní Letná. Durant cette première semaine de représentations, le public tchèque a pu découvrir de nombreuses compagnies françaises et francophones. Parmi elles, le Cirque le Roux, qui présente son dernier spectacle Entre Chiens et Louves, un mélange de théâtre, de beaucoup d’humour et d’acrobaties bien sûr. Au micro de Radio Prague Int., Yannick Thomas - l’un des fondateurs de la compagnie circassienne – raconte son expérience au festival Letní Letná.
Yannick Thomas, vous êtes porteur au Cirque le Roux, une compagnie que vous avez créée en 2014, avec Grégory Arsenal, Philip Rosenberg et Lolita Costet. Actuellement et jusqu’au 1er septembre, vous présentez votre dernier spectacle, intitulé « Entre Chiens et Louves », au festival Letní Letná. Est-ce que vous pouvez nous présenter ce spectacle ?
« Il s’agit de notre troisième spectacle, on avait déjà joué les deux précédents à Letní Letná. Ce spectacle est sorti en septembre 2023 et c’était une commande du Bon Marché – qui est un grand magasin à Paris - donc on a dû s’adapter au lieu pour faire la création. Sur ce troisième spectacle, on voulait vraiment s’amuser et il fallait construire un décor qui se fonde bien dans le lieu (le magasin), donc on a créé un décor qui se transforme au fur et à mesure du spectacle et c’est un véritable parc d’attraction pour acrobates. On est huit acrobates sur scène et après avoir travaillé quatre mois l’année dernière à Paris on est parti en tournée. C’est agréable pour nous de jouer ici parce que c’est la première fois qu’on joue ce spectacle en chapiteau. »
Il s’agit de votre 3ème participation au festival tchèque du Nouveau Cirque. Vous aviez déjà présenté votre premier spectacle « The Elephant in the room » en 2016, et « Le Cerf dans la nuit » en 2021. C’est un plaisir pour vous de retrouver ce public tchèque ici à Prague ?
« Oui ! Déjà le festival nous accueille très bien, il y a des équipes de techniciens qui fournissent un travail acharné pour que tous les spectacles se passent bien donc c’est un vrai plaisir à chaque fois. En plus de cela, comme on travaille beaucoup dans le cirque mélangé au théâtre, on a beaucoup de texte, et on essaye un maximum de traduire nos textes en tchèque. C’est un défi pour chaque nouveau spectacle, parce que c’est une langue qui est assez compliquée. Le public note à chaque fois l’effort qu’on fournit, et je pense que ça touche les gens. »
On parle de théâtre mais le Cirque le Roux est aussi l’inventeur du ciné-cirque. Est-ce que vous pouvez nous expliquer de quoi il s’agit ?
« C’est un peu plus une étiquette qu’on nous a mise. Sur notre premier spectacle déjà, l’objectif était vraiment que le spectateur regarde notre spectacle comme il regarde un film : qu’il suive une histoire, qu’il suive les personnages. Dans cette recherche, on s’est toujours dit qu’on voulait faire trois spectacles, une trilogie. Au fur et à mesure de cette trilogie, on a essayé d’accentuer cet objectif d’emmener du cinéma sur scène - à l’aide de la mise en scène, des lumières, du son – pour développer un peu plus à chaque spectacle cette idée de ciné-cirque. »
Est-ce que cette participation, au festival du Nouveau Cirque à Prague, pourrait donner lieu à des coproductions, des coopérations entre le Cirque le Roux et des compagnies ou artistes tchèques par exemple ?
« Depuis notre dernière participation (en 2021), on avait commencé à donner un stage aux acrobates de la compagnie Losers Cirque Company – une compagnie de cirque tchèque. Andrei Anissimov, un des acrobates qui travaille avec nous sur le spectacle, revient à Prague plusieurs fois dans l’année pour travailler avec eux. Cette année comme on devait répéter avant le festival ils nous ont gentiment prêté leur théâtre. Il y a les gens du Cirk La Putyka que l’on connaît aussi. Tous ces gens qu’on retrouve d’année en année, c’est sûr que c’est très agréable et pourquoi ne pas développer des partenariats. Pour l’instant notre compagnie est encore en développement, mais on finit tous par vieillir et on ne pourra plus forcément faire des acrobaties, donc à ce moment-là pourquoi ne pas commencer à développer des échanges avec des compagnies tchèque ? ».
Vous avez actuellement un quatrième spectacle en préparation, est-ce que le public aura l’occasion d’y assister au festival Letní Letná ?
« Probablement. On vient toujours avec plaisir et on est très bien accueillis ici. Il faut que le spectacle plaise évidemment, mais oui je pense qu’il sera au festival Letní Letná, il y a de grandes chances. »
Déclaration d'amour du public
Si le Cirque le Roux commence à être un habitué du festival du Nouveau Cirque pragois, d’autres compagnies y font leur grande première cette année. Les Rois Vagabonds, un duo clownesque composé de Julia Moa Caprez et d’Igor Sellem, ont présenté dans la capitale tchèque leur Concerto pour Deux Clowns.
Julia Moa Caprez, vous avez commencé le violon à quatre ans, vous avez ensuite intégré l’Académie de danse d’Amsterdam puis les écoles de cirque de Buenos Aires et San Francisco. Il y a quinze ans, vous avez finalement réussi à concilier toutes ces passions en créant le duo clownesque Les Rois Vagabonds avec Igor Sellem. Depuis vous présentez votre spectacle Concerto pour deux Clowns dans le monde entier, est-ce que vous pouvez nous présenter ce spectacle ?
« Dans ce spectacle on est deux clowns qui viennent donner un concert de musique classique et ça ne se passe pas comme prévu forcément. C’est un spectacle sans paroles où on évolue dans une partition qui mélange la danse, le mime, l’acrobatie, la voix, au service de l’art du clown. On cherche à créer un lien avec le public et même entre les différentes personnes qui constituent ce public. On rompt ce qu’on appelle parfois dans le théâtre le quatrième mur, on est tous dans le même espace. »
Certains cirques contemporains rompent totalement avec l’esthétique du cirque traditionnel, ce n’est pas votre cas puisqu’on retrouve le traditionnel duo du clown blanc et de l’Auguste dans votre Concerto pour deux Clowns. Il est important pour vous de conserver certains éléments du cirque traditionnel et de les concilier avec votre cirque contemporain ?
« Dans ce spectacle on revisite ce duo traditionnel, donc on est quelque part très proches d’un type de cirque traditionnel, puisque ce duo est né dans les cirques. Ensuite, on compose avec plein de disciplines différentes, mais je pense que les clowns de cirque ont toujours fait ça, ils ont toujours utilisé ce qu’ils savaient faire et ce qu’ils étaient pour faire leur art – d’ailleurs souvent les clowns étaient les vieux acrobates qui avaient beaucoup d’expérience dans le domaine du cirque. Donc je pense qu’il y a un lien avec la tradition qu’on ne rompt jamais. »
Actuellement et jusqu’au 1er septembre vous vous produisez à Prague, à l’occasion de votre toute première participation au festival Letní Letná, comment s’est décidée votre venue dans ce festival ?
« La direction du festival nous a invités pour cette édition après être venue nous voir en France, l’année dernière. On est ravis d’être là pour cette édition. »
Il n’y a pas de paroles dans ce spectacle donc la barrière de la langue n’est pas un problème pour vous. Vous trouvez cela important de pouvoir communiquer avec tous les publics grâce à ce langage universel ?
« Pour nous oui c’est très riche et ça a été un choix dès le début de faire un spectacle sans paroles. Ce n’est pas totalement muet parce qu’on utilise beaucoup la voix, on utilise des gromelots, quelques mots aussi, mais ce n’est pas basé sur la langue. On cherche à communiquer avec d’autres moyens et ça nous permet d’aller à la rencontre de plein de cultures. Grâce à cela on a pu partir en tournée dans le monde entier pendant ces dix dernières années. »
En 2021, vous avez publié votre livre « Les rois vagabonds : à la recherche de l'autre ». On peut y lire votre préoccupation vis-à-vis du public, même après plus de mille représentations, vous dites :
« En spectacle, je suis comme un oiseau en parade nuptiale.
Mais ce n’est pas l’Auguste que je veux séduire, c’est le public.
Me voit-il ? Me voudra-t-il ? M’aimera-t-il ?
Follement, le cœur battant, j’attends sa déclaration d’amour. »
Avez-vous réussi jusqu’à présent à séduire le public tchèque, ici à Prague, avez-vous reçu cette déclaration d’amour tant attendue ?
« J’ai reçu la déclaration d’amour c’est sûr, après il faudrait demander au public tchèque si j’ai réussi à les séduire. Je pense que cette relation entre le clown et le public se passe vraiment à un endroit très spécial, c’est là où on se rencontre, où la magie œuvre, et on a eu de très beaux moments jusque-là avec le public tchèque, ici à Prague. »
Avez-vous pu assister aux représentations d’autres artistes ? Des artistes francophones, des artistes tchèques ?
« Tout à fait. On a pu voir un spectacle tchèque et un spectacle taïwanais, pendant notre jour off. Sur un festival on a aussi beaucoup de possibilités de rencontres, notamment avec les gens qui habitent sur place, on se croise beaucoup, ça nous laisse le temps d’échanger, de se rencontrer et c’est super chouette ! »
Pour terminer, que diriez-vous aux auditeurs qui hésitent encore à assister à une représentation de Concerto pour Deux Clowns ici à Prague ?
« Si vous avez envie de voyager dans toutes sortes d’émotions, de nous retrouver sur cette ligne d’apesanteur que l’on cherche à créer, alors le clown c’est pour vous, bienvenue. »
Le public a encore jusqu’au 1er septembre pour découvrir ces compagnies et bien d’autres sur l’esplanade de Letná : letniletna.cz
