Presse : comment la Slovaquie a absous Andrej Babiš de son trouble passé
Andrej Babiš, chef du mouvement populiste ANO et leader de l’opposition, a-t-il été enregistré à tort en tant qu’agent de l’ancienne police secrète communiste, comme le laissent à penser les archives des institutions slovaques, son pays d’origine ? C’est la question à laquelle s’efforcera de répondre cette nouvelle revue de presse. Autres sujets traités cette semaine : la tradition de la remise des médailles et décorations officielles lors de la fête nationale, le 28 octobre, les conséquences des concessions faites aux médecins généralistes sur les centres de soins spécialisés ou encore la guerre d’information russe, en lien avec les votes en Moldavie et en Géorgie.
Le ministère de l’Intérieur slovaque a reconnu qu’Andrej Babiš, ancien Premier ministre tchèque et leader du mouvement ANO, qui est actuellement la principale force de l’opposition au Parlement, avait été enregistré à tort sur la liste des agents de la StB, l’ancienne police secrète communiste, sous le nom de code « Bureš ». En échange de cet accord avec le ministère, Andrej Babiš a accepté de ne pas réclamer de dommages et intérêts. Selon l’éditorialiste du site Seznam Zprávy, cet accord signifie que chaque partie peut retirer de cette affaire exactement ce dont elle a besoin :
« Les adversaires de Babiš ont raison lorsqu’ils soulignent qu’il ne s’agit pas là d’une décision de justice, mais d’un simple accord avec le gouvernement slovaque. Ses sympathisants, quant à eux, verront dans cet acccord la confirmation que Babiš n’était pas un agent, et ce, en dépit du fait que lui-même ait admis avoir volontairement collaboré avec la StB. En 2011, en effet, dans une émission télévisée, il avait raconté une histoire assez bizarre sur l’existence de deux polices secrètes communistes. Tandis que la première, diabolique selon lui, persécutait les opposants au régime, la seconde, avec laquelle il a coopéré, aurait été bonne et se serait consacrée uniquement à la protection des intérêts économiques de l’ancienne Tchécoslovaquie. »
« La thèse de l’existence de deux StB est certainement très innovante. Si elle était vraie, son auteur aurait apporté une contribution académique importante à la recherche sur les régimes totalitaires », écrit encore l’auteur, sur un ton ironique, avant de conclure de manière percutante :
« Il est dommage que cette thèse ne soit pas vraie. En réalité, il n’existait pas deux StB, une bonne et une mauvaise. Il n’y avait qu’une seule et unique police secrète communiste, une organisation qui persécutait les gens et a détruit de nombreuses vies. Le ministère de l’Intérieur slovaque a juste fait en sorte qu’Andrej Babiš puisse désormais disposer d’un papier l’exonérant des accusations de collaboration qu’il pourra brandir à l’approche des élections législatives à l’automne 2025 en Tchéquie. »
La remise de médailles et décorations officielles, une tradition qui plaît aux Tchèques
À quelques jours de la remise au Château de Prague des distinctions nationales honorifiques à différentes personnalités tchèques, une cérémonie qui se déroule le 28 octobre, date de la fondation de la Première République tchécoslovaque et jour de fête nationale, le journal en ligne Lidové noviny note :
« Cette tradition est un rituel dont une société moderne et numérique pourrait très bien se passer. Toutefois, ces rituels ont encore leur place dans un pays où le président de la République réside dans un château royal médiéval. Par ailleurs, le peuple veut qu’il en soit ainsi. Voilà pourquoi, à l’approche de cette date, les gens discutent et se demandent qui sera décoré cette année. Mais en fait, toute discussion est inutile, car bien que les propositions soient envoyées par les députés, les sénateurs et les citoyens eux-mêmes, c’est finalement le président qui décide. On est tenté de dire que c’est là un vestige de la monarchie et des pouvoirs du souverain, comme l’est également le droit de grâce présidentielle. »
Le journal relève également que les quatres présidents que la Tchéquie a connus depuis 1993, bien que tous très différents en matière d’idéologie ou de naturel, sont tous d’accord sur un point : le refus d’honorer les frères Mašín qui se sont engagés, au début des années 1950, dans la résistance contre le régime communiste avant de parvenir à passer à l’Ouest. Une fuite héroïque au cours de laquelle ils ont tué plusieurs personnes et qui, depuis, est considérée comme controversée. L’auteur rappelle également que, l’année dernière, le président Petr Pavel avait élégamment résolu ce problème en décernant l’Ordre Tomáš Garrigue Masaryk à Zdena Mašínová, la sœur des deux frères, dont le père a été exécuté par les nazis et dont la mère est morte dans une prison communiste.
Les votes en Moldavie et en Géorgie, un combat contre l’influence russe
« La démocratie moldave, incertaine et faible, a mené, dimanche dernier, une grande bataille contre l’impérialisme autoritaire russe. Une bataille qui concernait tout à la fois les électeurs, la désinformation, la manipulation et l’orientation géopolitique du pays, l’un des plus pauvres en Europe. La bataille se poursuivra dans deux semaines. » Voilà ce que l’on peut lire dans un texte publié dans le quotidien Hospodářské noviny, qui fait également part d’une autre « bataille similaire » en Géorgie et examine l’importance de ces différents votes pour la Tchéquie et l’ensemble de l’Europe :
« Du point de vue européen, la Moldavie et la Géorgie semblent se trouver à la périphérie géopolitique et dans l’ombre de la guerre en Ukraine. Cependant, à la lumière de la guerre d’information brutale menée par la Russie, les votes dans ces deux pays sont très importants même pour l’Europe. Si la Russie réussit dans cette guerre, elle sera renforcée sur le front ukrainien et intensifiera également sa pression sur d’autres démocraties fragiles appartenant à l’ancienne sphère d’influence soviétique. Cet avertissement concerne, par exemple, la Slovaquie et la Hongrie, mais aussi la Tchéquie. En cherchant à influencer les élections en Moldavie et en Géorgie, Vladimir Poutine mène une guerre géopolitique contre l’Occident démocratique. Une chose que l’on comprend assez bien en Europe centrale. »
Ainsi, pour paraphraser un vieux slogan des interbrigadistes espagnols, le chroniqueur du journal conclut en affirmant « qu’en se battant en Moldavie et en Géorgie contre l’influence russe, on se bat également pour Prague ».
Trêve de grève des médecins généralistes
La grève des médecins généralistes tchèques prévue initialement pour la fin octobre a finalement été annulée, le ministère de la Santé ayant cédé à leurs revendications. « Une telle grève ne serait pourtant qu’une goutte d’eau dans l’océan des centaines de grèves similaires qui se déroulent à l’étranger », remarque l’auteur d’un texte publié sur le site Info.cz.
« Le nombre croissant de grèves dans les établissements sanitaires à travers le monde montre qu’un peu partout, les médecins et les États sont ‘en guerre’. Leurs arguments sont plus ou moins les mêmes partout : nous sommes surchargés, épuisés, sous-estimés, notre travail n’est pas récompensé à sa juste valeur. Cette situation découle en premier lieu des évolutions démographiques et socio-économiques, soit des phénomènes que la plupart des pays ont en commun. »
À en croire les discussions sur les réseaux sociaux, beaucoup de Tchèques considèrent qu’en accentuant leurs revendications salariales, alors que les caisses de l’État sont vides, les médecins font preuve de trop de cupidité. « On peut toutefois considérer que le mécontentement des médecins est davantage une question de reconnaissance et de prestige que d’argent », estime l’auteur.
Moins d’argent que prévu pour le traitement de maladies graves
Toujours à ce propos, le journal Deník N constate que les hôpitaux recevront moins d’argent pour les personnes gravement malades, à cause justement des médecins généralistes :
« Le traitement des patients souffrant d’un cancer et d’autres maladies graves bénéficiera l’année prochaine de 400 millions de couronnes (16 millions d’euros) de moins par rapport à ce qui était prévu, car le ministère de la Santé a finalement préféré consacrer cet argent aux médecins généralistes. Dans la pratique, cela signifie que les centres spécialisés d’oncologie, de neurologie et autres risquent de traiter beaucoup moins de nouveaux patients et qu’ils devront refuser certains d’entre eux. Ces coupes toucheront également les médicaments prescrits dans ces centres de soins. »
Le ministère prétend pourtant que les personnes gravement malades ne seront pas affectées par ces économies. Cela n’enlève rien au fait, comme le souligne encore Deník N, que beaucoup considèrent cette décision comme une mauvaise nouvelle.