Nucléaire : l’extension de la centrale de Dukovany sans la Russie et la Chine ?

La centrale nucléaire de Dukovany, photo: Jan Sucharda, ČRo

Le gouvernement tchèque a récemment adopté un ensemble de règles de sécurité relatives au choix du fournisseur d’un nouveau réacteur à la centrale nucléaire de Dukovany, pour lequel un appel d’offres est en cours de préparation. Selon l’édition de samedi dernier du quotidien Deník N, le document doit permettre de garantir que la commande ne puisse pas être attribuée à un candidat représentant un risque stratégique pour le pays. Si l’information n’a pas été confirmée officiellement, le document en question concerne plus concrètement la Russie et la Chine.

La centrale nucléaire de Dukovany,  photo: Jan Sucharda,  ČRo

Comme la Slovaquie et la Hongrie dans la région, mais à la différence de l’Autriche et de l’Allemagne, la République tchèque entend renforcer la part du nucléaire dans son mix énergétique. Une part déjà relativement importante et donc croissante qui doit permettre de réduire progressivement l’exploitation des centrales thermiques au charbon, au lignite et autres combustibles fossiles riches en carbone, et ce dans l’optique du respect de l’objectif de neutralité carbone voulu par l’Union européenne à l’horizon 2050.

En 2019, un peu plus de 30 térawattheures (TWh) d’électricité ont été produits à Temelín (Bohême du Sud) et à Dukovany (Moravie), les deux centrales composant le parc nucléaire en République tchèque. Il s’agissait de la troisième plus importante production de l’histoire, alors que dans le bouquet énergétique du pays, le nucléaire, avec un total de six réacteurs, couvre environ 35% de l’approvisionnement en électricité. Ces deux centrales sont la propriété du groupe ČEZ, majoritairement contrôlé par l’Etat tchèque.

En novembre dernier, le Premier ministre Andrej Babiš, favorable à l’extension des deux centrales, avait déclaré que les travaux de construction d’un nouveau réacteur à Dukovany, où les quatre réacteurs actuellement exploités ont été mis en service entre 1985 et 1987, seraient entamés en 2029 et achevés en 2036. Fin avril, le ministre de l’Industrie et du Commerce, Karel Havlíček, avait pour sa part indiqué que le gouvernement avait adopté le contrat qui prévoit que le fournisseur sera choisi d’ici 2024.

La Russie et la Chine, un risque stratégique

Karel Havlíček,  photo: Site officiel du Gouvernement tchèque
Pour Deník N, le ministre a confirmé que le gouvernement avait débattu du sujet dans ce qu’il a appelé « un régime secret », sans néanmoins s’exprimer sur les règles de sécurité adoptées. Toutefois, selon une autre source anonyme proche du dossier citée par le journal, l’idée est que la commande ne soit pas attribuée « à quelqu’un qui incarnerait un risque stratégique ». Ce « quelqu’un », ce seraient la Russie et la Chine.

Dans une interview accordée dimanche au site d’information de la Radio tchèque (cf. : https://www.irozhlas.cz/zpravy-domov/cez-dukovany-dostavba-karel-havlicek-jaderna-elektrarna-temelin-garance_2005170951_and), Karel Havlíček a démenti cette information. « Je ne peux avantager ni désavantager personne. Nous sommes conscients qu’il s’agit du contrat peut-être le plus important des cinquante prochaines années. Ce sera aussi le projet de construction le plus important en Europe centrale, dont dépendra plus de 10% de l’approvisionnement en énergie. La décision sera bien entendu prise en fonction de critères de prix mais aussi de sécurité. C’est pourquoi je ne veux pas entrer dans ce débat. » Selon lui, il importera que les experts qui seront chargés d’évaluer les offres des candidats, tranchent en respectant tous les paramètres établis.

Selon des informations antérieures, six sociétés s’intéressent à la réalisation de ce nouveau réacteur, parmi lesquelles les Français d’EDF, mais aussi les Russes de Rosatom et China General Nucelar Power.

Toujours selon Deník N, si les noms de la Russie et de la Chine n’apparaissent pas distinctement ou noir sur blanc dans le document, celui-ci en revanche stipule qu’une des conditions à l’attribution de la commande est que le pays où siège la société qui fournira le nouveau réacteur ne qualifie pas un autre pays d’ennemi dans ses documents officiels. Or, c’est précisément sous ce terme que la Russie désigne l’OTAN, et à travers elle, donc, aussi la République tchèque.