Sécurité - Nucléaire : Rosatom toujours en lice pour l’agrandissement de la centrale de Dukovany

La centrale nucléaire de Dukovany

Quatre sociétés, parmi lesquelles la russe Rosatom, restent en lice pour le projet de construction d’un nouveau réacteur à la centrale nucléaire de Dukovany. Malgré les critiques de l’opposition, qui souhaitaient exclure tout repésentant russe et chinois de l’appel d’offres, le ministre de l’Industrie et du Commerce a annoncé, lundi, que les quatre potentiels candidats seront prochainement sondés sur les questions de sécurité dans une phase de préqualification.  

Concernant le nucléaire en République tchèque, la cacophonie règne certes, mais une majorité de la classe politique est néanmoins au diaposon sur un point : contraint d’abandonner le charbon, à un horizon pour l’instant envisagé dans la deuxième moitié des années 2030, le pays entend renforcer la part de l’atome dans son bouquet énergétique. Reste à savoir quand, à quelles conditions et, surtout, avec qui.

D’abord projeté il y a quelques années, l’agrandissement de la centrale de Temelín a finalement fait long feu. Depuis est donc envisagée la construction d’un nouveau réacteur dans la deuxième des centrales existantes en République tchèque, à Dukovany, qui est aussi la plus ancienne. Sans qu’aucune décision définitive n’ait toutefois encore été prise. Toute à la fois énergétique, économique, sécuritaire et politique, l’enjeu, il est vrai, est stratégique pour l’avenir du pays.

Selon le président du géant énergétique ČEZ, dont le capital est détenu à 70 % par l’Etat tchèque, et auquel celui-ci a confié le financement du projet l’année dernière, le montant des coûts de sa réalisation peut aujourd’hui être estimé à 6 milliards d’euros. Un investissement majeur pour un pays d’un peu moins de 11 millions d’habitants, qui s’accompagne de craintes non moins importantes relatives à l’indépendance du pays.

Concrètement, ces craintes concernent une éventuelle participation de la Russie ou de la Chine. Si la menace de la Chine semble être écartée, puisqu’aucune société ne figure plus aujourd’hui dans la liste de potentiels candidats, celle de la Russie, à travers Rosatom, reste bien réelle.

En décembre dernier, le Sénat, où l’opposition est majoritaire, avait appelé le gouvernement à ne pas inviter les sociétés chinoises et russes à participer à cet appel d’offres, estimant que « leur simple participation peut être qualifiée comme un facteur à risque conformément aux documents stratégiques de l’Etat » et qu’il « serait malvenu que des sociétés d’Etats qui considèrent les pays membres de l’OTAN comme des ennemis ou dont certains représentants figurent sur la liste des sanctions de l’Union européenne, participent au à un projet stratégique tel que la construction d’un réacteur nucléaire. »

Miloš Zeman | Photo: Michaela Danelová,  ČRo

Le président Miloš Zeman, dont un des principaux conseillers avait fait un aller-retour express à Moscou très commenté en novembre dernier, s'est, lui, inversement, clairement exprimé contre l'exclusion de la Chine et la Russie. Le chef de l’Etat estime que les offres qui seront formulées doivent être jugées en fonction du prix et de paramètres techniques, et non pas politiques. Il en va de même de la position par exemple du Parti communiste, qui soutient la coalition gouvernementale minoritaire à la Chambre des députés.

Les avis quant à une participation ou une exclusion de la Russie restent donc partagés. Au printemps 2020, le gouvernement a toutefois adopté un ensemble de règles de sécurité relatives au choix du fournisseur de ce nouveau réacteur. Le document en question doit permettre de garantir que la commande ne puisse pas être attribuée à un candidat représentant un risque stratégique pour la République tchèque. C’est donc plus ou moins dans cet esprit que s’inscrit la décision prise lundi de soumettre les sociétés potentiellement candidates à ce qui a été désigné comme « un questionnaire de sécurité » et à ce qui peut être considéré comme une phase de préqualification avant l’appel d’offres. C’est du moins ce qu’a expliqué Karel Havlíček, ministre de l’Industrie et du Commerce :

Karel Havlíček,  photo: ČTK/Vít Šimánek

« Nous avons pris une décision que nous pensons être équitable. Nous avons lancé ce que nous appelons un régime d’évaluation de sécurité, et c’est au prochain gouvernement, à la fin de cette année ou au début de l’année prochaine, qu’il appartiendra d’évaluer les réponses qui auront été faites par les différents candidats. Cette évaluation pourra se faire sur la base des documents concrets qui nous auront été remis, et le gouvernement disposera de données précises sur la possible forme du consortium, le fournisseur et les perspectives de sécurité à la fois nucléaire, cybernétique et géopolitique. Le gouvernement pourra alors décider quels candidats potentiels il invite à participer à l’appel d’offres. »

Pour rappel, la semaine dernière, le gouvernement a annoncé que l’appel d’offres était reporté après les élections législatives, qui se tiendront en octobre prochain, et ainsi, donc, qu’il laissait au prochain gouvernement la responsabilité de lancer la procédure. Les réponses à ce « questionnaire de sécurité » sont, elles, attendues avant la fin de cette année, et seront ensuite soumises à l’expertise des services de renseignement et de sécurité du pays, qui mettent régulièrement en garde contre les activités de la Russie en République tchèque.

L’objectif, actuellement, reste de lancer les travaux de construction du nouveau réacteur en 2029 pour une mise en service en 2036.