« Objectif : 1% du bugdet pour la culture »
Yvona Kreuzmannova, fondatrice du festival international de danse Tanec Praha, est actuellement conseillère du Ministre de la culture de la République tchèque, Vaclav Jehlicka. Nous avons évoqué avec elle les principales tendances du renouvellement, en gestation, de la politique culturelle tchèque.
Un groupe de travail créé par le Ministre de la culture, en coopération avec l’université Charles de Prague, tente de définir les principes d’une nouvelle politique culturelle tchèque. Il s’agit en premier lieu de faire évoluer l’image du rôle de la culture dans une société moderne :
« On a le désir de faire comprendre aux politiciens, à tous les niveaux, et au public le plus large possible, que la culture, ce n’est pas juste un secteur qui mange de l’argent, mais c’est un secteur vraiment économique, c’est à dire qui a des effets économiques très importants. Ce n’est pas seulement l’industrie musicale, l’industrie culturelle, mais c’est aussi le développement de l’emploi, le développement du tourisme, le développement de l’attractivité de l’environnement où on vit et où on travaille. Ces effets ont été déclarés par l’Union européenne de manière très affirmée, on a donc la base posée par l’Union européenne pour changer un petit peu le point de vue sur la culture, comme secteur beaucoup plus économique qu’avant, et ça c’est quelque chose d’important. Je pense que le ministre est vraiment très proche de ce point de vue : montrer que la culture est un facteur de développement de la société au niveau économique, socio-économique ... En même temps il veut, bien sûr, protéger le patrimoine, mais aussi animer, c’est-à-dire donner une nouvelle fonction à tous les monuments historiques, en liaison avec les arts vivants, en liaison avec la tradition culturelle très forte de notre pays »
Le ministère doit faire face à un problème de taille : la décentralisation des pouvoirs limite sa capacité d’influencer la politique culturelle sur tout le territoire :« Au début de ce siècle, une grande réforme a été mise en place par l’Etat, qui a donné une autonomie absolue aux régions et aux villes. Cette autonomie représente aujourd’hui les limites de la coopération, parce que chaque région peut décider si elle veut ou non créer sa politique culturelle, si elle veut avoir un système de subvention de la région pour la culture, ou non. En même temps il y a la loi qui explique que c’est important de soutenir la culture à tous les niveaux de pouvoir publics. J’espère que la nouvelle politique culturelle qui est en train de se construire au niveau du ministère de la culture va créer des bases beaucoup plus fortes au système de partenariat. Il ne s’agit pas que le ministère dirige la politique culturelle de tout l’Etat, mais il peut aider au niveau méthodique, au niveau des motivations financière, etc., à développer leur propre politique culturelle pour la région, pour la ville. »
La conseillère du Ministre de la culture évoque deux points qui lui semblent prioritaires dans l’évolution de la politique culturelle tchèque. Elle aimerait en premier lieu que la notion de diversité culturelle soit prise en compte par la politique :
« Pour moi, parce que je connais les règles de l’Unesco, et toutes les conventions qui, en ce moment, sont discutées au parlement, au sénat - sans grand succès - je pense que l’aspect de diversité culturelle, de multiculturalisme, d’ouverture de la culture, vraiment, aux minorités, c’est quelque chose de très important partout en Europe. Ici on en parle, mais on n’a pas trop d’exemples pratiques. »
La deuxième priorité évoquée par Yvona Kreuzmannova porte sur la nécessaire évolution de la répartition des financements. Ceux-ci sont en effet, actuellement, marqués par un déséquilibre flagrant entre les organismes publics et le secteur indépendant.
« Les organisations créées par l’Etat, les régions ou les villes sont les organisations qui sont en ce moment subventionnées à 95% des budgets. Et 3 à 5% reste pour les ONG – le secteur indépendant. Bon, ça s’appelle « prispevkove organizace », c’est difficile à traduire, ce sont les organisations qui ont clairement dans le budget de la ville ou la région ou l’Etat de l’argent absolument garanti. A côté de ça, ce ne sont que les petits systèmes de financement, « grant system » [systèmes de subventions attribuées au cas par cas]. »
Ce déséquilibre dans la répartition des financements pose un problème important de discrimination du secteur indépendant, difficilement capable concurrencer les organismes aux revenus sûrs :
« Si la compétition n’existe pas, même si ce sont des services à buts non lucratif, il y a quelque chose de très bizarre. Mais ça reste dans le système un peu ex-communiste, chacun qui est dirigé par le pouvoir public n’a aucune motivation pour développer le « fundraising », les autres sources de financement, l’effectivité du management... Je ne dis pas que tout le monde est mauvais, pas du tout, je dis qu’il n’y a pas la motivation de changer les choses. Ça, c’est la problème le plus grave, à mon avis, parce que ça ne laisse pas l’espace au développement naturel des organisations indépendantes. »
Comment réaliser ces changements ? Comment faire évoluer le système vers une politique culturelle qui favorise le secteur indépendant, sans pour autant détruire les organismes publics, incapables de changer radicalement, du jour au lendemain, leur gestion ? La conseillère du Ministre de la culture propose une réponse simple : l’augmentation du buget de la culture.
« Le standard, dans l’Union européenne, c’est 1% du budget d’Etat pour la culture. Chez nous, on est à la moitié. C’est vraiment très, très gênant, on ne peut pas créer des choses, on ne peut pas développer des programmes dans les secteurs différents de la culture parce qu’on n’a pas d’argent, et sans sous on ne peut rien faire. C’est vrai qu’en ce moment, le ministre se bat beaucoup pour son budget. La proclamation du nouveau gouvernement était : « il faut créer les conditions pour arriver à 1% pour la culture », mais les objectifs du gouvernements sont absolument différents de la réalité. »
« C’est une discussion éternelle, je pense, qui va encore continuer longtemps, mais on se bat, en tout cas. »