« Oublier Cheyenne », un film sur l'engagement. Amoureux et politique...

'Oublier Cheyenne'

Le 7e festival international du film gay et lesbien intitulé Mezipatra s'est terminé dimanche dernier à Prague, après avoir emballé, début novembre, quelque 3500 spectateurs à Brno. Parmi les plus grands succès de l'édition 2006, proposant des films de fiction et documentaires, des débats et expositions, notamment « Shortbus », ce film sulfureux de John Cameron Mitchell qui sort cette semaine sur les écrans tchèques. J'ai rencontré la réalisatrice Valérie Minetto et la scénariste Cécile Vargaftig, qui ont signé le long-métrage « Oublier Cheyenne », à l'affiche, lui aussi, du festival.

'Oublier Cheyenne'
Comment concilier ce qu'on veut avec ce qu'on peut ? Voilà la question qui est au coeur du film, sorti en France en mars 2006. Cheyenne est journaliste. Révoltée contre la société de consommation, elle décide de vivre à la campagne, loin de la civilisation urbaine. Sonia est professeur de chimie dans un lycée parisien. Elle aime son travail et ses élèves, tout aussi rebelles. Et aussi, elle aime Cheyenne. Arriveront-elles à vivre selon leurs principes et convictions, sans pour autant sacrifier leur amour ? « Oublier Cheyenne » est le premier long métrage de Valérie Minetto, plasticienne et auteur de plusieurs documentaires. Dans la vie, est-elle plus proche de Sonia ou de Cheyenne ?

V.M.: « Ça dépend des jours... Oublier Cheyenne - le titre signifie pour moi aussi oublier la Cheyenne qui est en moi. Parce que pour faire du cinéma, il me faut de l'électricité, il me faut monter dans des voitures... Entre les deux, mon coeur balance. »

Présenté au Festival de Cannes 2005 dans le cadre du programme ACID, « Oublier Cheyenne » a été réalisé avec un budget trois fois inférieur à celui d'un film d'auteur classique, sans aucun soutien de la part des distributeurs ou des chaînes de télévision en France. Cécile Vargaftig et Valérie Minetto expliquent :

C.V.: « Quand on a commencé à chercher les financements pour le film en France, l'aspect politique du scénario était plus difficile à faire passer. Les financiers étaient plus dérangés par le discours politique sur la société française, sur la pauvreté, que par l'homosexualité qui n'est plus un sujet tabou en France. »

V.M.:« On voulait finir le film avec une manif de lycéens, mais financièrement, cela n'a pas été possible. Le film se termine quand même sur ces jeunes qui veulent faire la grève. Il s'est fait que le film est sorti au moment du CPE et du coup, il avait une adéquation entre ce qu'on avait envie d'exprimer et ce qui se passait réellement. Les gens étaient frappés qu'on le voyait venir, deux ans avant. »

Le festival Mezipatra se propose de favoriser un débat sur l'homosexualité en République tchèque. Valérie Minetto souligne pourtant avoir voulu tourner un film sur l'amour tout court. Cécile Vargaftig ajoute :

C.V.: « En France, quand le film est sorti, certains spectateurs pensaient que les homosexuels étaient différents d'eux. Le fait d'éprouver de l'identification avec les personnages a changé leur regard, je pense. Ils se sont dits que l'amour, que ce soit entre un homme et une femme ou entre deux hommes ou deux femmes, c'est très proche. Dans le cinéma, des films où les personnages sont homosexuels et ils n'en font pas une honte, ni un problème, ni une fierté particulière, c'est quand même assez rare. Peut-être c'est une façon actuelle de faire progresser les choses. Il y a eu des époques où il fallait provoquer pour faire avancer la société. Aujourd'hui, il est intéressant, je crois, de faire en sorte que les spectateurs hétérosexuels, pour qui l'homosexualité est étrange et lointaine, se sentent soudain proches des personnages homosexuels. »