Pavel Haas Quartet : Un quatuor à cordes ? Un travail passionnant, mais exigeant
Exceptionnellement, cette rubrique n’est pas consacrée aujourd’hui à une seule personnalité, mais à plusieurs artistes, plus précisément à un ensemble de musique classique dont les membres sont d’origine tchèque et slovaque. Il s’agit du quatuor à cordes, Pavel Haas Quartet, qui a reçu, en 2010, un Diapason d’Or de l’Année en France pour son enregistrement de la musique de Sergueï Prokofiev. Radio Prague a rencontré le violoncelliste et membre du Quatuor Pavel Haas, Peter Jarůšek.
Peter Jarůšek se souvient des débuts du quatuor :
« L’idée de fonder le quatuor est venue de ma femme, Veronika, lorsqu’elle a terminé ses études et ne savait pas quoi faire. Moi, je jouais, en tant que violoncelliste, dans un autre quatuor, et ce qu’on faisait lui a beaucoup plu. Alors elle a eu l’idée de fonder son propre quatuor. Elle a proposé à l’altiste Pavel Nikl de la rejoindre – ce sont eux deux les membres fondateurs du Quatuor Haas. Pourquoi nous appelons-nous Pavel Haas Quartet ? Nous sommes tombés par hasard sur ce compositeur. Un de nos copains qui vit à Brno nous a fait un jour écouter ses quatuors et cette musique nous a emballés. La fille de Pavel Haas, Olinka, vit elle aussi à Brno. Nous lui avons demandé si nous pouvions donner le nom de Pavel Haas à notre quatuor, elle a été d’accord et voilà… »Rappelons que Pavel Haas est un compositeur tchèque d'origine juive déporté en 1941 à Terezín et mort, trois ans plus tard, à Auschwitz. Sa musique est inspirée de Leoš Janáček, du folklore tchèque, ainsi que de la musique juive et du jazz. En 2006, le Quatuor Pavel Haas a enregistré, pour le label tchèque Supraphon, son premier disque, déjà très remarqué par la critique internationale : Les lettres Intimes de Leoš Janáček et le Quatuor n°2 de Pavel Haas, dont voici un extrait.
Depuis sa création, en 2002, le Quatuor Pavel Haas a changé à plusieurs reprises de second violon. Le violoncelliste Peter Jarůšek explique la spécificité du travail au sein d’un quatuor :
« La principale difficulté est que nous avons des relations très étroites. Pendant les répétitions, nous travaillons intensément, nous parlons, nous réfléchissons, nous nous perfectionnons, nous cherchons comment jouer le morceau de la meilleure façon possible… Nous nous critiquons aussi et il est indispensable de supporter cette critique, d’être tolérant. Ce qui est aussi difficile, ce sont les voyages, les tournées, les concerts. Lorsque vous atteignez un certain niveau, vous êtes sous pression permanente, on s’attend à ce que votre performance soit toujours excellente. Chaque musicien doit aussi beaucoup travailler seul, de son côté. Le quatuor est une structure qui ne convient pas à tout le monde. C’est un travail passionnant, mais exigeant. »Sortis à l’automne 2010, les quatuors d’Antonín Dvořák, interprétés par le Pavel Haas Quartet, ont donc fait un tabac, notamment en Grande-Bretagne. Le Sunday Times a par exemple constaté que le Quatuor était « sans égal dans ce répertoire. » Quel regard portent les musiciens eux-mêmes sur ces œuvres de Dvořák ? Peter Jarůšek :
« Il est difficile de caractériser les quatuors à cordes de Dvořák, parce que chacun d’entre eux est assez différent. Ils se distinguent les uns des autres par leur structure et aussi par les conditions dans lesquelles ils ont été créés car Dvořák les a composés dans des périodes différentes de sa vie. Mais de façon plus générale, on peut dire que la musique de Dvořák est féérique, romantique, elle plaît à tout le monde, je pense. C’est aussi une source d’idées incroyables. Une source très riche, car ce qui était pour Dvorak un motif secondaire serait pour quelqu’un d’autre le thème de toute une symphonie. Dvořák était tout simplement un génie. »
Réputé aux quatre coins du monde, le Quatuor Pavel Haas avoue pourtant avoir quelque difficulté à s’imposer sur la scène française. Peter Jarůšek :
« La France est spécifique. Pour nous, c’est un marché qui est assez restreint. Il est difficile d’y pénétrer, surtout quand vous ne parlez pas français. Il est vrai que nous avons donné deux très beaux concerts à Fontainebleau. Et depuis que nous avons reçu, en 2010, en France, un Diapason d’Or de l’Année pour notre disque Prokofiev, nous sommes en contact avec une agence française avec laquelle nous voudrions collaborer. »« Je pense que les deux pays, la France comme la Grande-Bretagne, ont leurs musiciens favoris. Si vous prenez l’exemple de la salle de concert du Wigmore Hall à Londres, il y a de très bons quatuors à cordes qui n’y ont jamais été invités et personne ne sait pourquoi. Mais c’est comme ça, il ne faut pas se plaindre. Les organisateurs connaissent leur public et invitent des musiciens qui répondent aux goûts de celui-ci. »
Talentueux, charismatiques, débordant d’énergie, amoureux, tout simplement, de la musique… les membres du Quatuor Pavel Haas n’ont aucun mal à instaurer immédiatement un lien étroit avec leur public. Mais quel est, en fait, leur public préféré ? Peter Jarůšek :
« Nous aimons jouer devant un public sensible et peu importe sa nationalité. Mais il est vrai que l’on trouve un tel public dans les pays qui ont une longue tradition de la musique de chambre, donc en Grande-Bretagne, en Allemagne, aux Pays-Bas et aussi en France. Le public italien, par exemple, est parfois surprenant : un peu en contradiction avec le tempérament du sud, il peut paraître froid et snob. Une telle réaction est très rare en Grande-Bretagne ou en Allemagne. Contrairement à ce que les gens pensent, les Anglais et les Allemands sont très ouverts, chaleureux, emballés par la musique… et ils ne le cachent pas. »« Après Dvořák, il est temps de passer à autre chose… »,c’est avec ce commentaire que les musiciens du Quatuor Pavel Haas ont récemment interprété, devant les journalistes pragois, la Grande Fugue de Beethoven, dont vous venez d’entendre un extrait et qui figure au répertoire du Quatuor pour cette saison, aux côtés des œuvres de Chostakovitch et de Prokofiev. A savoir aussi que le Quatuor Pavel Haas prépare, en collaboration avec la maison Supraphon, un nouveau disque consacré cette fois à Franz Schubert et à sa composition « La jeune fille et la mort. »