Pays du tourisme
Le pont Charles, symbole de Prague et l'un de ses plus anciens et plus beaux monuments est malade. Le coût du sauvetage de ce monument historique précieux est estimé à 250 à 500 millions de couronnes que ni la ville, ni l'Institut de protection du patrimoine ne veulent débloquer de leurs budgets. Ces deux derniers se disputent donc qui devrait le reconstruire. Voici une promenade à travers le pont Charles et les problèmes qu'il doit affronter...
Une vieille légende de l'édification veut que les maçons cherchant à rendre le pont bien solide, aient préparé le mortier en y ajoutant du jaune d'oeuf. Pour satisfaire à ce besoin, des chariots chargés d'oeufs arrivèrent à Prague de toutes les villes de Bohême. Craignant que les oeufs ne se cassent en chemin, les habitants de Velvary, une petite ville en Bohême centrale, envoyèrent des oeufs durs. Pendant longtemps, ils furent un objet de risée...
Pour maintenir le pont en bon état, un droit de douane spécial fut introduit au Moyen-Age. L'argent reposait dans un trésor dont les trois clés furent gardées : un par les moines de l'ordre des croisiers et deux par les magistrats de la Vieille-Ville. Au XVe siècle, on fonda même un bureau du pont qui gérait ces moyens publics. Le pont Charles résista à de nombreuses crues du fleuve dans les années 1367, 1432, 1496, 1784 et 1890.
Mais ce ne sont pas seulement les inondations qui endomageaient gravement l'état du pont ; dans les années 1905-1908, une ligne de tramway traversait le pont. Il est évident que les bâtisseurs médiévaux du pont n'avaient pas prévu une telle charge. La dernière grande reconstruction du pont Charles fut entreprise dans les années 1966-1975 ; les Pragois se rappellent encore les passerelles d'échafaudage qui enjambaient les tronçons réparés à l'époque.
Les derniers sondages réalisés en novembre 2000 ont révélé un haut degré d'humidité et de dégradation du pont : fissures, infiltrations, érosion des blocs de grès. La reconstruction est donc indispensable mais personne ne sait pour le moment qui la réalisera et où l'on trouvera les moyens nécessaires. Chaque année, des millions de touristes étrangers visitent la capitale tchèque pour y dépenser des centaines de millions de couronnes. « De la somme gagnée par le tourisme, le budget ne débloque une seule couronne pour financer la reconstruction des monuments historiques », se plaint Josef Stulc, directeur de l'Institut de protection du patrimoine de Prague. Le ministère de la Culture estime, pourtant, que c'est la ville qui devrait réaliser la reconstruction du pont Charles, d'autant, que celui-ci est sous sa gestion.
Dans le but d'affronter cette tâche exigeante, le maire de Prague, Jan Kasl, a eu l'idée d'organiser une collecte publique. « Il est difficile d'apprécier l'effet d'une telle collecte », estime la sociologue Jana Dufkova, selon laquelle ce sont surtout les gens pauvres ou pas très riches, si vous voulez, qui donnent le plus d'argent. Il a rappelé le cas de la collecte concernant la construction du Théâtre National au XIXe siècle, appuyée notamment par les gens de la campagne. Selon Jana Dufkova, la majorité des gens, notamment dans les villes, vont hésiter de peur que leur argent ne soit utilisé à d'autres fins.
L'éventuelle fermeture du pont Charles risque aussi de diminuer l'intérêt des touristes étrangers à visiter Prague, estiment les hôteliers pragois. Selon eux, la majorité des visiteurs étrangers veulent voir tout d'abord le pont Charles qui les intéresse beaucoup plus que le Château de Prague, le quartier juif ou la place de la Vielle-Ville. Je ne peux que dire que le pont Charles vaut cet intérêt. Cela grâce aussi au cortège de sculptures rappellant le Ponte dei Angeli romain. Cet ensemble fut réuni progressivement. Au XVIIe siècle, seuls un Crucifix et une sculpture du saint Jean Népomucène, une Pièta et un saint Venceslas ornaient l'ouvrage. Les autres statues datent de la première moitié du XVIIIe siècle, apogée de la Contre-Réforme. Le Crucifix a une histoire intéressante: le premier Crucifix se dressait sur le pont dès l'origine mais il disparaissait lors des troubles hussites. La croix actuelle est la cinquième version réalisée en 1628. Une inscription en hébreu rappelle une affaire de profanation lorsqu'en 1695 un juif aurait manifesté son mépris en passant devant le Crucifix; on le condamna alors à financer l'inscription hébraïque, en métal doré, qui signifie « Saint, Saint, Saint Dieu ». Il y a peu, la communauté juive a protesté contre cette inscription. Depuis, une plaque explicative a été installée au-dessous de cette inscription.
La première statue installée sur le pont représente saint Jean Népomucène. Les bronzes du piédestal évoquent deux scènes de la vie supposée du saint : la confession de la reine et le moment où le corps de saint Jean est jeté dans le fleuve. En tant que confesseur de la reine, Jean Népomucène aurait refusé de révéler au roi les secrets de sa femme. Ce dernier l'aurait fait donc jeter dans le fleuve.