Petit bilan de la présidence de Václav Klaus à quelques jours de son départ
Pour de nombreux médias étrangers, la fin du mandat de Václav Klaus signe la fin de l’isolement de la République tchèque au sein de l’Europe avec le départ d’un président farouchement eurosceptique. S’il est sans doute fort prématuré de parler d’un retour en force du pays au sein de l’Union européenne avec l’arrivée de son successeur, une chose est sûre, la République tchèque tourne la page d’un bon nombre de coup d’éclats de la part de son chef de l’Etat.
Lorsqu’il arrive au pouvoir en 2003, Václav Klaus donne immédiatement le « la » de sa présidence. Après les années d’effervescence culturelle et intellectuelle de la présidence de Václav Havel, Václav Klaus tourne la page et se pose en président « sérieux » contre son prédécesseur considéré comme trop laxiste et pas assez pragmatique. Si Václav Havel a été un dissident sous le régime communiste, groupe de personnes que son successeur considère de manière suspicieuse, Václav Klaus, lui, se pose très vite en « eurodissident » et en dissident d’opinion face à des groupes de pensée qui lui sont désagréables. De là est née une des choses qu’il rejette le plus, les mots en –isme et : et de condamner ce qu’il nomme « l’européisme », le « droit-de-l’hommisme », « l’environnementalisme », l’activisme des ONG, « l’homosexualisme » et autres tendances qu’il considère comme un frein aux libertés individuelles.
Car Václav Klaus, en matière de société comme d’économie, est un libéral pur sucre. Economiste de formation, il se revendique de l’héritage de Margaret Thatcher. Ainsi, si c’est bien sous son gouvernement, dans les années 1990, qu’est enclenché le processus d’entrée dans l’Union européenne, Václav Klaus n’aura de cesse de critiquer le centralisme de Bruxelles qu’il compare à un nouveau Moscou et considère comme responsable de la perte de souveraineté des nations. En 2009, il finit par signer le Traité de Lisbonne, non sans avoir fait adopter un opt-out à la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, dérogation visant à empêcher une remise en cause des décrets Beneš, de l'après-guerre, entérinant l'expulsion de trois millions d'Allemands des Sudètes.
Alors qu’il en était le fondateur et le président d’honneur depuis son accession à la présidence, Václav Klaus prend ses distances à partir de 2008 avec le Parti civique-démocrate ODS dont il critique les choix de stratégie politique. Depuis, les débâcles électorales de son ancien parti n’ont guère amélioré l’opinion de Václav Klaus sur le parti gouvernemental, au point même de ne pas soutenir ni le candidat de l’ODS à la présidence, ni l’autre candidat de droite issu de la coalition, mais l’ancien social-démocrate Miloš Zeman dont il s’est félicité de l’élection.
Si la présidence de Václav Klaus a été marquée par de nombreux coups d’éclats sous forme de prises de position controversées, elle a aussi eu son lot d’anecdotes comme une vidéo ayant fait le tour du monde le montrant en train de chaparder un stylo plutôt coûteux lors d’une conférence de presse avec son homologue chilien, ou encore l’attaque dont il a été victime en octobre dernier à Chrastava, un homme lui ayant tiré dessus avec un pistolet en plastique.
Pour son dernier fait d’armes et pour sa fin de mandat, en tout cas, Václav Klaus a frappé fort, avec l’annonce dans son discours de Nouvel an de l’amnistie partielle de plus de 6 000 prisonniers. Un dernier acte solennel qui a suscité la controverse dans la société tchèque. Tant et si bien que le Sénat débat ce lundi de la possibilité d’une plainte pour haute trahison. S’il n’a guère à s’en faire quant à son aboutissement, cette procédure exceptionnelle jette une ombre sur la dernière semaine de Václav Klaus à la tête de l’Etat tchèque. Jeudi 7 mars, son mandat s’achèvera après dix ans de présidence. L’investiture de son successeur, Miloš Zeman se déroulera vendredi. Nous reviendrons évidemment sur cet événement tout au long de la semaine sur Radio Prague.