Petr Nečas en Russie : beaucoup d’économie, peu de droits de l’Homme

Dmitri Medvedev et Petr Nečas, photo: CTK

Le premier ministre tchèque Petr Nečas est en visite de travail de quatre jours en Russie. Lundi, il a rencontré son homologue russe Dmitri Medvedev ainsi que le président Vladimir Poutine. Au programme des discussions notamment : les relations économiques bilatérales que les deux pays entendent bien renforcer et la centrale nucléaire de Temelin. Un thème central que le premier ministre tchèque n’entend pas laisser saboter par des questions de droits de l’Homme et ce, en dépit des protestations des oppositions tchèque et russe.

L'Airbus A319 du chef du gouvernement tchèque,  photo: Le gouvernement de la République tchèque
C’est par une petite frayeur qu’a débuté le voyage de Petr Nečas en Russie dimanche : le pare-brise de l'Airbus A319 du chef du gouvernement tchèque s’étant fissuré en vol, l’avion a été contraint de voler à une plus basse altitude avant d’atterrir à l'aéroport de la capitale russe. Si les pilotes ont géré l’incident sans encombre, nul doute que le spectre de l’accident d’avion mortel de l’ancien premier ministre polonais Lech Kaczynski vers la Russie en 2010 a dû planer quelques instants dans la cabine.

Dès lundi, l’heure était déjà aux choses sérieuses pour Petr Nečas qui effectue là la plus longue visite de travail d’un premier ministre tchèque à l’étranger, une visite orientée essentiellement sur l’économie et les affaires. Et pour cause la Russie est devenue depuis plusieurs années une destination privilégiée des compagnies et des investissements tchèques, avec une croissance de 6% des échanges commerciaux entre les deux pays. Une situation dont s’est félicitée Petr Nečas :

Dmitri Medvedev et Petr Nečas,  photo: CTK
« Je suis heureux d’être accompagné ici d’un groupe d’entrepreneurs tchèques qui entendent conclure des contrats, depuis le domaine énergétique jusqu’à la construction mécanique. »

A l’issue de la rencontre entre Petr Nečas et son homologue russe Dmitri Medvedev, celui-ci a relevé que les échanges commerciaux entre les deux pays se sont développés avec succès, atteignant l’an dernier 10 milliards de dollars, tout en regrettant que ceux-ci soient disproportionnés : il y a plus d’investissements tchèques en Russie qu’inversement.

Une situation qui pourrait fortement changer à l’avenir si le consortium tchéco-russe MIR 2000, un des deux candidats encore en lice pour la construction de deux nouveaux réacteurs à la centrale nucléaire de Temelín, remportait l’appel d’offres en cours. Evidemment, cette question était également au centre des discussions de lundi, même si le premier ministre tchèque a, comme toujours, tenu à rester prudent sur l’issue de l’appel d’offres auquel participe également l’Américain Westinghouse, rappelant que le gouvernement tchèque peut toujours décider ne pas désigner de vainqueur :

Petr Nečas avec Vladimir Poutine,  photo: CTK
« Tout comme à l’heure actuelle, il n’y a aucune recommandation pour dire qui doit gagner, il n’existe pas non plus de prétention à penser que quelqu’un va gagner. Les deux candidats peuvent actuellement améliorer leur offre et nous attendons avec impatience qu’ils le fassent. »

Si les rencontres de lundi étaient essentiellement axées sur des discussions officielles au plus haut niveau, tant avec Dmitri Medvedev que, plus tard dans la journée, avec le président Vladimir Poutine, Petr Nečas n’a toutefois pas fait l’impasse sur la question des droits de l’Homme, même si celle-ci n’est clairement pas au cœur de ses préoccupations. Il a rencontré les membres de plusieurs ONG et des avocats spécialistes de la question, tous déplorant les pressions croissantes exercées par le pouvoir russe sur leurs activités. Le chef du gouvernement tchèque a cependant déclaré qu'il n'éprouvait aucune sympathie pour les membres emprisonnés du groupe punk Pussy Riot :

Pussy Riot
« La République tchèque et moi-même défendons les droits de l’Homme et les valeurs démocratiques. Mais je voulais préciser qu’on ne doit pas s’attacher à de faux symboles. Profaner une église orthodoxe, ce n’est pas selon moi un symbole de lutte pour la liberté et les droits de l’Homme. Je trouve au contraire qu’il s’agit d’un manque de culture et une expression de vulgarité qui insulte le sentiment religieux de nombreux Russes. D’un autre côté, je peux dire que la condamnation pour cet acte était disproportionné et exceptionnellement dur. »

Šimon Pánek,  photo: Štěpánka Budková
Des propos qui n’ont pas manqué de faire bondir les représentants associatifs en Russie mais aussi en République tchèque, comme Šimon Pánek, directeur de l’ONG People In Need :

« Dans cette affaire, la question est celle de la liberté d’expression, de la possibilité de critiquer les politiques. Autant de droits qui sont nécessaires pour avoir une société saine. »

En 2012 déjà, Petr Nečas avait affirmé que le soutien au groupe punk Pussy Riot ou bien au Dalaï Lama ne devait pas avoir de conséquences néfastes sur les exportations tchèques. Une position qui reste donc le credo du premier ministre tchèque, comme pour rappeler à ceux qui ne l’avaient peut-être pas compris, qu’il est loin le temps de l’ancien président Václav Havel, où l’on ne marchandait pas sur les droits de l’Homme.