Nucléaire : Petr Nečas et Miroslav Kalousek se froissent sur la centrale de Temelín

Petr Nečas (à droite), photo: CTK

Dans un pays qui compte deux centrales nucléaires, il n’y a pas ou peu de débat sur l’opportunité de développer ou de limiter cette source d’énergie sujette à caution. Peu connu pour sa fibre écologique, c’est pourtant le ministre des finances Miroslav Kalousek, qui, pour des considérations économiques, remet en question l’appel d’offres lancé pour agrandir la centrale nucléaire de Temelín. Le premier ministre Petr Nečas (ODS), en visite sur le site vendredi dernier, a soutenu pour sa part que la construction de deux nouveaux réacteurs était capitale pour la sécurité énergétique de la République tchèque.

Petr Nečas  (à droite),  photo: CTK
Les plans de la centrale nucléaire de Temelín, en Bohême du Sud, ont été réalisés voici près de 30 ans. A l’origine, les ingénieurs prévoyaient la construction de quatre réacteurs. Deux seulement seront construits, ils entrent en service en juin 2002 et en avril 2003. Depuis, la possibilité d’achever la centrale selon les plans initiaux est régulièrement évoquée. En 2011, la société énergétique ČEZ, majoritairement détenue par l’Etat tchèque, lance un appel d’offres visant à la réalisation de deux nouveaux réacteurs, un chantier estimé à plus de huit milliards d’euros.

La société civile tchèque, que les sondages donnent acquis à l’énergie nucléaire, reste atone sur la pertinence du projet. A l’exception du parti des Verts, très affaibli par sa participation au gouvernement de Mirek Topolánek entre 2007 et 2009, et de l’Autriche, qui voit d’un mauvais œil cette centrale installée à quelques dizaines de kilomètres de son territoire, elle qui a fait l’impasse sur cette énergie, peu de voix discordantes viennent remettre en cause la construction de deux nouveaux réacteurs nucléaires. Aussi, le ministre des Finances, Miroslav Kalousek (vice-président du parti conservateur TOP 09) a surpris son monde dans un entretien accordé au quotidien Hospodářské noviny en doutant de l’efficacité de cet investissement pour l’économie tchèque. Il s’est expliqué au micro de la Radio tchèque :

Miroslav Kalousek,  photo: Filip Jandourek,  ČRo
« Je considère qu’il est de mon devoir, en tant que ministre des Finances, d’évaluer cet investissement au niveau de son efficacité. Je respecte totalement le fait qu’il existe encore d’autres priorités, telles que la sécurité énergétique du pays. Mais si Temelín ne s’avère en fait pas efficace, il faut discuter afin de parvenir à cette sécurité énergétique autrement. Vous savez, le problème essentiel est que ČEZ est une société cotée en bourse, à l’inverse de l’ODS, et elle ne peut investir que là où elle est en mesure de récupérer son argent. »

En visite vendredi à la centrale nucléaire de Temelín, le premier ministre Petr Nečas a peu goûté la sortie de son collègue, soulignant que l’« énergie nucléaire était essentielle à la politique de sécurité énergétique de la République tchèque ». Le chef du gouvernement a également réagi en indiquant que si les deux candidats restant en course pour parachever les travaux, la société américano-japonaise Westinghouse et le consortium tchéco-russe MIR.2000, ne présentaient pas d’offres satisfaisantes, aucune d’entres elles ne serait choisie. Ministre de l’Industrie et du Commerce, Martin Kuba est également monté au front pour défendre l’extension de la centrale :

Martin Kuba,  photo: CTK
« Je suis certain que nous devons construire Temelín dans le cas où nous ne voulons plus utiliser de charbon pour produire de l’énergie, source d’énergie qui reste la moins chère. »

Et le ministre de prendre l’exemple de l’Allemagne, qui, après avoir décidé de sortir du nucléaire en raison de la catastrophe de Fukushima, a été contrainte de décider la construction de plusieurs centrales thermiques au charbon. Mais selon certains spécialistes, le problème soulevé par Miroslav Kalousek est à prendre au sérieux. Il existe un scénario selon lequel la construction de deux nouveaux réacteurs pourrait se révéler un véritable gouffre financier. Jiří Gavor, consultant pour des sociétés énergétiques :

« Le problème est qu’il peut s’agir d’un très bon investissement et on s’en rendra compte d’ici 20 à 30 ans. Néanmoins la situation actuelle porte plutôt à croire que cela peut être une catastrophe économique. En bref, les prix de l’électricité sont actuellement insuffisants pour que les investisseurs aient un retour sur leur investissement. »

Actionnaire majoritaire de la compagnie ČEZ, l’Etat tchèque pourrait avoir à payer les pots cassés si la centrale de Temelin ne s’avère pas rentables. La société tchèque de l’énergie espère que les travaux seront achevés à l’horizon 2025 et devrait désigner le vainqueur de l’appel d’offres cet automne.