Petr Pavel en visite à Kyiv et à Odessa, en proie à une attaque massive de drones

Petr Pavel à Odessa
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Dans la foulée de sa visite en Moldavie, où il a rencontré notamment son homologue Maia Sandu, le président tchèque Petr Pavel s’est rendu jeudi à Odessa via la frontière moldavo-ukrainienne, puis à Kyiv en train de nuit ce vendredi matin pour un entretien avec le président Volodymyr Zelensky. Il s’agit de la deuxième visite officielle de Petr Pavel en Ukraine, depuis le début de son mandat.

C’est dans une ville d’Odessa où résonnaient les alertes aériennes qu’est arrivé le président tchèque Petr Pavel, jeudi, en soirée, avant que la cité fondée par Catherine la Grande en 1794 ne subisse une attaque massive de drones pendant la nuit, causant de nombreux incendies sur des infrastructures civiles et blessant trois adolescents.

Cette visite est symbolique à plusieurs égards : d’une part ce port est le symbole des visées du Kremlin sur l’Ukraine, la Russie ayant toujours considéré la ville comme sienne, appartenant à l’histoire du pays vue comme glorieuse en termes de conquête et de colonisation. D’autre part, si l’Ukraine fait l’objet de visites régulières de la part de nombreux dirigeants étrangers, rares sont ceux qui s’aventurent hors de la capitale, Kyiv, ce qui rend la visite excentrée de Petr Pavel doublement importante.

Significative également l’aide tchèque à l’Ukraine que le chef de l’Etat a pu, à la faveur de ce passage, voir concrètement appliquée, comme le lui a expliqué sur place Tomáš Kopečný, chargé du gouvernement tchèque pour la reconstruction de l’Ukraine :

« Tous les mois, l’organisation Mémoire de la nation affrète un véhicule en direction de l’Ukraine. Dix ont ainsi déjà été envoyés dans le pays. La semaine dernière, ce véhicule destiné à la 35e brigade transportait entre autres trois imprimantes 3-D et des garrots. Cette ONG a également fait venir 400 lits d’hôpitaux, plus de 100 ventilateurs pulmonaires. Tous les mois, nous convoyons ici des dizaines de drones. Le principe, c’est que pour chaque trajet, le véhicule est chargé d’aide humanitaire et militaire, fruit de collectes réalisées au sein de la population tchèque. Comme on peut le voir, une partie de l’aide est financée par l’Etat, une autre par les Alliés, et enfin une autre par les citoyens tchèques eux-mêmes. »

A Odessa, le chef de l’Etat tchèque a également pu examiner des voitures spéciales destinées à l’armée ukrainienne, fruit d’une coopération entre la Tchéquie et d’autres partenaires européens : des véhicules équipés de dispositifs capables de perturber et de neutraliser les protocoles de communication utilisés par les drones russes, en d’autres termes de brouiller les signaux.

Des attaques massives qui n’indiquent pas que « la Russie prenne le cessez-le-feu au sérieux »

Des systèmes indispensables puisque, rien que dans la nuit du 20 au 21 mars, l’armée russe a déployé 214 Shahed au-dessus de l’Ukraine, dont sur la ville portuaire, dans un contexte où, comme le soulignait le président Volodymyr Zelensky en Norvège, l’Ukraine a « accepté inconditionnellement » le projet de cessez-le-feu américain, mais « attend que l’agresseur l’accepte » aussi. Interrogé à Kyiv ce vendredi, où il est arrivé au petit matin en train de nuit, le président Petr Pavel a réagi à cette attaque d’envergure :

L’attaque de drones à Odessa | Photo: Igor Tkachenko,  EPA/Profimedia

« D’après les informations qu’on m’a fournies, il s’agirait de l’attaque la plus importante qu’Odessa ait subie depuis le début de la guerre. Alors que des discussions sur un potentiel cessez-le-feu et un accord de paix sont en cours, de telles attaques massives, sur des cibles civiles de surcroît, sont le signe que la Russie ne prend pas ces efforts au sérieux. Si le président Trump avait comme objectif d’imposer la paix aux deux parties par la force, alors il devrait certainement faire davantage pression sur la Russie afin que celle-ci change son approche. »

Outre des discussions avec des officiels ukrainiens et un hommage aux légionnaires tchécoslovaques devant le mémorial qui leur est dédié à Kyiv, une rencontre entre le président Petr Pavel et son homologue ukrainien était également au programme, comme lors de la toute première visite du dirigeant tchèque peu après son entrée en fonctions. Leur rencontre a été inaugurée par un hommage commun aux soldats tombés lors de la bataille de Mochtchoun, décrite comme une des plus féroces pendant la défense de Kyiv en 2022. C’est en effet là, à dix kilomètres à peine de la capitale, que les Ukrainiens sont parvenus à stopper l’armée russe au tout début de l’invasion.

Hormis une visite d’un hôpital de soins oncologiques pour les enfants, frappé par un missile russe l’an dernier, Petr Pavel s’est également vu présenter le projet Archa I qui contribue à la préservation du patrimoine culturel ukrainien, sous les auspices de la Tchéquie et d’une citation du collectionneur d’art tchèque, Jan Viktor Mládek, mise en exergue : « Si la culture survit, alors la nation aussi ».

Sur sa chaîne Telegram, le vice-premier ministre pour la reconstruction de l’Ukraine, Olekskiy Kuleba, a rappelé l’importance de l’aide humanitaire et militaire tchèque, soulignant également que les systèmes de missiles antinavires Neptune montés sur le châssis de camions tchèques Tatra avaient « contribué de manière significative à la sécurité maritime du pays. »

Il a également mis en avant le rôle de la Tchéquie dans la prise en charge de la reconstruction de la région de Dnipropetrovsk, où elle rénove les stations d’épuration d’eau, fournit des générateurs, du matériel médical et des bus d’évacuation. Une région située loin de la capitale, bien plus à l’Est du pays, constamment bombardée par l’armée russe depuis le début de la guerre, et où le président Petr Pavel s’était rendu en 2023, dérogeant déjà à la pratique qui, pour des raisons de sécurité, veut que la plupart des dirigeants étrangers en visite sortent rarement de la zone de Kyiv.

Auteur: Anna Kubišta
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