Photo : Jan Sudek par la fenêtre du Jeu de Paume
Depuis le 7 juin et jusqu’à la fin du mois de septembre, le Jeu de Paume, dans le jardin des Tuileries à Paris, propose une rétrospective du travail de Josef Sudek, l’un des plus importants photographes tchèques du XXe siècle. L’exposition, intitulée « Le monde à ma fenêtre », consiste en un parcours thématique pour découvrir quelques grands cycles créatifs de cet artiste notamment connu pour ses clichés noir et blanc de la ville de Prague.
« L’idée de faire une exposition sur Josef Sudek est née quand nous avons reçu un très grand don de ses photos pour le Musée des beaux-arts du Canada. C’était en 2010. On a d’abord pensé à une exposition un peu plus large et puis on s’est dit qu’il n’y avait aucun sens à montrer des images qui ont déjà été bien exposées. Donc nous avons vraiment voulu faire des groupements de ses travaux majeurs. C’est peut-être un peu plus petit mais cela donne vraiment un sens de sa contribution. »
Le travail de Josef Sudek est ainsi proposé sous sept angles différents en fonction des grandes orientations de son œuvre. On découvre ainsi le tropisme du photographe pour les clichés pris depuis sa fenêtre, thème qui donne son nom à l’exposition et qui évoque sa célèbre série « Depuis ma fenêtre ». Ann Thomas explique qu’il s’agit d’une habitude prise durant la Seconde Guerre mondiale, lorsqu’est restreinte sa liberté de pouvoir photographier où bon lui semble. D’autres cycles s’intéressent au rapport de l’artiste aux objets, à ses « promenades nocturnes », à ses expérimentations ou bien à ses relations amicales. Des points développés par le photographe et historien de la photographie Vladimír Birgus, lui-même commissaire de l’exposition :
« Nous avons insisté sur ses cycles qu’on voit apparaître dans les années 1940. Josef Sudek a alors la cinquantaine et commence à être un photographe reconnu mondialement. Il réalise alors des photos magnifiques depuis son atelier de son petit jardin, depuis le jardin de son ami l’architecte Rothmayer, il va dans la forêt de Mionší, il photographie des coins spécifiques de son atelier, remplis de choses et d’objets qu’il se défendait de jeter. Ce sont toutes les choses que nous présentons à l’exposition, soit sous la forme de photos originales, soit sous différentes nuances colorées. Il y a toute une série d’objets qui n’ont jamais été exposés auparavant. Par exemple des arrangements spéciaux, quand il place des photographies entre deux vitres ou qu’il les travaille avec du papier de couleur. Il y a aussi exposé pour la première fois ses photographies en couleur ou des lettres envoyées à des amis. »Via d’autres lieux d’exposition ou des festivals comme celui d’Arles, Vladimír Birgus estime que la photographie tchèque bénéficie depuis un quart de siècle d’un éclairage plus important que la peinture auprès du public français. Un état de fait justement favorisé par des artistes comme Jan Sudek, mais aussi František Drtikol ou encore le photographe Josef Koudelka, lequel était d’ailleurs présent à l’occasion de ce vernissage de l’exposition. Aussi ce n’est pas vraiment un hasard si c’est à Paris que l’exposition est montrée pour la première fois :
« Nous visions cette année 2016 car c’est le 120e anniversaire de la naissance de Josef Sudek et le 40e de sa mort. Il est intéressant de voir que cela est commémoré à Prague à travers deux petites expositions quand Paris dispose d’une grande rétrospective représentative. Nous voulions Paris, évidemment en tant que l’une des plus importantes villes au monde, et aussi parce que Josef Sudek n’y a jamais eu de grande exposition. Il y a eu des petites expositions, par exemple en 1988 au Centre Pompidou ou à la Maison Européenne de la Photographie, avec uniquement des photos panoramiques, mais jamais de grande exposition. Et le Jeu de Paume est vraiment un espace très important. »Pour les Européens, c’est au Jeu de Paume qu’il faut se rendre jusqu’à fin septembre pour apprécier la qualité du travail de Josef Sudek, puisque l’exposition ne devrait pas être montrée à Prague. Après Paris, les photographies du maître prendront en revanche la route des Amériques pour établir leurs quartiers d’hiver au Musée des beaux-arts du Canada.