Prague a un nouveau monument classé : le magasin « Maj »
Construit sous l'ancien régime au coeur de Prague, le grand magasin « Maj », aujourd'hui propriété de la chaîne britannique Tesco, a été proclamé cette semaine monument classé par le ministère de la Culture. Une décision qui suscite de vifs débats autour d'un sujet plus complexe : celui de la sensibilité des Tchèques vis-à-vis de leur patrimoine moderne.
Vous l'avez sans doute remarqué, ce bâtiment de plusieurs étages, construit en grande partie en verre et situé au coin des rues Spalena et Narodni (Nationale). Portant un nom poétique, celui du mois de mai, « Maj », le magasin a été érigé en 1975, dans l'esprit du high-tech. Il n'est pas sans intérêt que ses architectes aient été basés à Liberec, ville connue par une autre construction audacieuse, la tour de télévision sur le mont Jested. Pour le grand magasin pragois, ils se sont laissés inspirer par le projet du Centre Georges Pompidou, par exemple, ainsi que par le style fonctionnaliste de l'entre-deux-guerres. La construction elle-même a été confiée à une entreprise suédoise. L'initiative de placer le bâtiment « Maj » sous la protection de l'Etat est venue, au début de 2006, de l'architecte et historien Rostislav Svacha. La décision du propriétaire du magasin, la société Tesco Stores, d'abord de démolir le bâtiment, ensuite de le reconstruire, a accéléré les choses. D'après les représentants de Tesco, le nouveau statut du bâtiment peut compliquer sa modernisation. Certes, « Maj » ne répond pas aux besoins des consommateurs du XXIe siècle : vous n'y trouverez pas de restaurants ni de parking, le supermarché au sous-sol est plutôt une supérette, les ascenseurs font défaut, les toilettes sont vétustes. Rostislav Svacha, lui, est persuadé qu'une rénovation des locaux qui ne changerait rien au caractère du monument serait possible. Or, selon un autre architecte renommé, Zdenek Lukes, elle serait en contradiction avec la loi sur la protection des monuments historiques. Il propose, dans ce contexte, de mettre la législation à jour, de la rendre plus souple. Car, comme il le fait remarquer dans un de ses articles, Prague fourmille de telles constructions qui sont pour les uns les symboles de l'architecture révoltée contre le régime totalitaire, pour les autres, les vestiges honteux du passé communiste. A titre d'exemple : la « nouvelle scène » du Théâtre national, la tour de télévision de Zizkov, le grand magasin « Kotva ». « Protéger ou non ? Démolir ou reconstruire ? », se demande Zdenek Lukes. Les Tchèques, qui ont souvent tendance à tourner le dos à tous les témoins muets d'une époque dont ils ne sont vraiment pas fiers, devront bel et bien trouver des réponses.