Prague: "chez ma tante"à tous les coins de rue

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Si vous habitez à Prague, vous avez sûrement déjà vu, et peut-être êtes-vous même déjà entré dans l'un de ces magasins qui pullulent dans certains quartiers et qui sont appelés les bazars-zastavarna. La capitale tchèque ne possède pas de marché aux puces à proprement parler. En revanche, depuis la chute du communisme, un genre particulier de boutiques rencontre un immense succès auprès des Pragois. En français, on définit ces boutiques par des expressions comme"Chez ma tante" ou le "Mont-de-Piété", on dit aussi "mettre au clou". A Prague, on appelle ce type d'échoppe une "zastavarna", et selon les estimations, on en compte plus de 1800 dans toute la ville.

Dans la plupart des cas, une zastavarna est en même temps un bazar où les passants peuvent venir chiner. On trouve de tout dans ces cavernes d'Ali Baba modernes, de l'enjoliveur de voiture au réfrigérateur, en passant par la vaisselle, les outils et l'incontournable téléphone portable.

Michal Krejcik est le propriétaire d'un de ces bazars-zastavarna à Prague 4:

"Lorsque les gens ont des problèmes financiers et qu'ils ne remplissent pas les critères pour emprunter à la banque, ils peuvent venir chez nous et laisser en dépôt leur téléphone portable, leur voiture, leur autoradio, etc. Ils viennent avec l'objet en question, nous estimons son prix, et fixons le délai pendant lequel nous le garderons en dépôt, et, en échange, nous prêtons de l'argent au client."

Un homme rentre dans la boutique de Michal et dépose sur le comptoir deux téléphones et un walkman. Il a besoin d'un prêt de 600 couronnes:

"J'ai acheté la plupart de ces objets dans ce bazar. En ce moment j'ai des difficultés financières et dois quitter Prague pour régler des affaires, j'ai besoin de mettre au clou pendant une semaine. Ensuite je reviens chercher mes objets et rends l'argent qu'on m'a prêté, avec les intérêts. Cela varie, mais en général, le taux d'intérêt est de 10%"

Dans ces magasins très spéciaux, on peut également laisser ses objets en dépôt-vente. C'est ce que décide de faire une dame, qui vient d'apporter de la vaisselle que Michal ne veut pas acheter. Il lui propose de conclure un "contrat de vente à la commission". Si un client achète ultérieurement la vaisselle, la somme sera reversée à la propriétaire, une somme sur laquelle Michal prendra une commission.

La boutique de Zdenek, dans le quartier de Zizkov, ne désemplit pas. Sans arrêt, des gens viennent fouiner, acheter, mais surtout vendre. Car ce qui crée la polémique autour de ce genre de magasins, c'est surtout le fait que l'on accuse leurs propriétaires d'être des receleurs de premier ordre. Dans le magasin se trouve un jeune couple, qui souhaite revendre trois téléphones portables et un appareil photo. Zdenek ouvre son ordinateur et surfe sur internet pour contrôler les prix des téléphones à l'achat et à la vente. Après une brève négociation, Zdenek refuse d'acheter les objets, pour des raisons pour le moins subjectives:

"J'ai refusé d'acheter ce qu'ils me proposaient parce qu'ils me paraissent suspects. Ce sont des gens "de couleur", et, d'après leur attitude, ça m'étonnerait qu'ils aient acheté ces téléphones. Evidemment, c'est possible qu'ils ne les aient pas volés, mais je préférerais voir une facture."

Il n'est pas rare que ces Mont-de-Piété restent ouverts 24 heures sur 24. Beaucoup d'entre eux sont soupçonnés d'être le centre de trafics d'objets volés. Les députés tchèques ont même fini par se pencher sur le problème. Le 19 mars dernier, une nouvelle loi entrait en vigueur. Petra Bilkova, conseillère juridique, en retrace pour nous les grandes lignes:

"Il faut préciser qu'il s'agit d'un nouvel amendement sur la loi sur l'exercice des activités commerciales. Les changements les plus importants, pour les personnes physiques qui possèdent ce genre de bazars, concernent l'achat de marchandises d'occasion dont on ne connaît pas l'origine. Le vendeur doit dorénavant apporter une pièce justificative d'identité et le commerçant doit noter le nom et le numéro de la carte d'identité du vendeur. L'amende qui peut être infligée par la Chambre des métiers en cas de non-respect de cette loi peut s'élever jusqu'à un million de couronnes."

Cette nouvelle loi n'est pas sans poser de problèmes aux propriétaires de bazars. Toutefois, leur principal souci reste la sécurité. Certains des bazars restent fermés par une solide grille, à travers laquelle se passent objets et argent. Zdenek, lui, laisse son magasin ouvert, mais reste très méfiant:

"Il y a fréquemment des problèmes. Je ne veux pas m'étendre ici sur notre système de sécurité, mais je peux par exemple vous dire que je vais régulièrement prendre des cours de boxe thaï ..."

En tous cas, même si c'est à ses risques et périls, il y a souvent des affaires à faire dans ces magasins. Sans garantie, mais souvent à moitié prix...