Prague expose « La Joconde tchécoslovaque », un précieux tableau retrouvé après plus de 70 ans

Photo : Antikvity Art Aukce

Disparu après la Deuxième Guerre mondiale et retrouvé en 2009, le Portrait de Pavla Osuská, cantatrice et épouse d’un ancien ambassadeur tchécoslovaque en France, est exceptionnellement exposé à compter de ce mercredi et jusqu’au 8 novembre prochain à la Maison municipale à Prague (Obecní dům). Parfois surnommé « La Joconde tchécoslovaque », le portrait a été réalisé par le célèbre artiste tchèque Jan Zrzavý dans son atelier parisien en 1926. Il est montré au public à l’occasion du 500e anniversaire de la mort de Léonard de Vinci.

L’histoire de ce tableau que l’on croyait disparu à jamais a été partiellement reconstituée par les historiens et spécialistes. Parmi eux, Petra Youngová, directrice de la société de vente aux enchères Antikvity Art Aukce qui a participé à l’organisation de cette exposition. Elle nous présente cette dame aux cheveux bruns, vêtue d’une robe violette et tenant à la main un bouquet de marguerites qui figure sur le portrait :

« Pavla Osuská était l’épouse de Štefan Osuský, ambassadeur tchécoslovaque à Paris à partir de 1920 jusqu’à la fin des années 1930. Après les Accords de Munich, il a refusé de fermer l’ambassade de l’Etat tchécoslovaque en France, il a réussi à la conserver encore en activité pendant un certain temps. Pendant ces vingt ans passés à Paris, Pavla Osuská a grandement contribué au développement des relations entre les deux pays, notamment dans le domaine culturel. Avant de s’installer avec son mari en France, elle était chanteuse d’opéra au Théâtre national de Prague, aux côtés d’Ema Destinnová par exemple. »

Réputée non seulement pour sa voix, mais également pour sa beauté et son élégance, Pavla Osuská a inspiré Jan Zrzavý, peintre tchèque qui a effectué, dans l’entre-deux-guerres, de nombreux séjours en France et qui a été influencé, entre autres, par les travaux de Léonard de Vinci.

Pavla Osuská,  photo : Wikimedia Commons,  Public Domain
« Le Portrait de Pavla Osuská est très beau. Il fait vraiment penser à La Joconde ou encore à La Dame à l’hermine. Bien sûr que Zrzavý n’a pas copié Léonard de Vinci, il a son propre style, son approche à lui. Récemment, nous avons découvert que le portrait était apparu, en 1931, dans le magazine tchèque Salon. A cette époque déjà, les historiens de l’art ont comparé les travaux des deux artistes. La presse de l’époque a présenté le Portrait de Pavla Osuská comme ‘une œuvre qui se distingue par la beauté d’une sculpture monumentale tout en conservant la sensibilité de la peinture de Zrzavý’. Ce portrait a une force intérieure qui marque le spectateur. Les gens qui l’ont vu s’en souvenaient pendant des années. Ainsi, dans le milieu artistique, le bouche-à-oreille parlait de ce portrait, que l’on croyait disparu ; on pensait qu’il existait, qu’il était quelque part. »

Au début de Deuxième Guerre mondiale, l’ancien ambassadeur Štefan Osuský et sa femme quittent Paris pour Londres, pour s’installer finalement aux Etats-Unis. Décédé en 1977 à Prague, le peintre Jan Zrzavý constate dans sa correspondance que le Portrait de Pavla Osuská est probablement resté outre-Atlantique. Petra Youngová :

De gauche à droite : Tomáš Garrigue Masaryk,  Pavla Osuská,  Štefan Osuský et Edvard Beneš,  photo : Wikimedia Commons,  Public Domain
« Nous supposons que les époux Osuský ont emmené le tableau avec eux aux Etats-Unis, mais nous n’en savons pas plus. Il se trouve qu’en 2009, le portrait est apparu en République tchèque : surnommé, par la presse, La Joconde tchécoslovaque, il a été acheté aux enchères par un collectionneur privé. A ce moment-là, son authenticité n’était pas encore prouvée, on supposait seulement qu’il pouvait s’agir du portrait de Pavla Osuská. Celui-ci est toujours en possession du même collectionneur qui s’est lui-même lancé dans des recherches autour de ce tableau. Il a bien fait, puisqu’en 2010, une esquisse pour cette peinture à l’huile a été découverte, ce qui est vraiment rarissime dans le milieu des collectionneurs d’art. Nous exposons les deux œuvres, côte à côte, à la Maison municipale. »

Acheté aux enchères, il y a dix ans, pour 2,8 millions de couronnes (110 000 euros), le Portrait de Pavla Osuská pourrait actuellement être revendu, selon Petra Youngová, à un prix bien supérieur, avoisinant les 2 millions euros.

La peinture de Jan Zrzavý est exposée à la Maison municipale de Prague jusqu’au vendredi 8 novembre. L’entrée est gratuite.