Jan Zrzavý, le plus breton des peintres tchèques
Ce jeudi 5 novembre marque le 130e anniversaire de la naissance du grand peintre tchèque Jan Zrzavý (1890-1977). L’essentiel de l’œuvre de cet artiste, méconnu en France, est lié à la Bretagne.
« Comme tous les peintres de l’époque, je rêvais d’aller à Paris. J’avais 16 ou 17 ans quand je m’y suis rendu pour la toute première fois. Mais il m’a fallu rentrer chez moi au bout d’une semaine. J’ai pu enfin y retourner en 1924, pour un séjour beaucoup plus long ».
C’est ainsi que le peintre, illustrateur et scénographe Jan Zrzavý s’est souvenu de son premier séjour en France, dans une interview qu’il a accordé à la radio en novembre 1960, à l’occasion de son 70e anniversaire. Jan Zrzavý vivait et travaillait alors dans son célèbre atelier situé à Malá Strana, à proximité du Château de Prague. Toujours vêtu d’un béret noir, cet homme à la barbe blanche est devenu, au fil des années, l’un des habitants emblématiques de ce quartier pragois et l’un des artistes les plus respectés dans son pays, dont les expositions étaient visitées par des dizaines de milliers de personnes. Un artiste aussi associé, jusqu’à sa mort en 1977, à la période de la Tchécoslovaquie de l’entre-deux-guerres et à l’art moderne tchèque.
Plusieurs pays, régions et villes ont influencé l’œuvre du peintre qui a créé d’innombrables paysages : la région de Vysočina où il est né et a grandi, la Bohême du Sud, en particulier la commune de Vodňany et ses environs, mais aussi l’Italie, la Grèce et la Bretagne. Si, dans l’entre-deux-guerres, Jan Zrzavý voyageait régulièrement à Paris, où il louait un atelier et où il exposait, c’est la Bretagne qui est devenue sa terre promise. En 1960, il s’est souvenu :
« J’ai découvert la Bretagne à peu près deux après m’être installé à Paris. Avant, j’avais envie d’y aller, mais je n’ai jamais osé, je ne parlais pas encore suffisamment bien le français et ça m’a paru compliqué. Mais quand mes amis tchèques qui étaient là-bas m’ont écrit et m’ont invité chez eux, je me suis alors rendu à Camaret. En fait, je rêvais de la Bretagne depuis mon enfance. Petit, je me souviens avoir lu dans une revue une histoire de deux garçons bretons. Plus tard, j’ai réalisé que cette histoire se passait sur l’île de Sein, où je voulais m’installer. Je l’aurais sans doute fait, s’il n’y avait pas eu les Accord de Munich. (…) En Bretagne, je me sentais extrêmement heureux. Mais il est vrai que je ne pourrais pas rester à l’étranger. Quand je séjournais dans un autre pays, il me fallait revenir au mois de temps en temps chez moi. »
Il y a quelques années, l’historienne de l’art Anna Pravdová nous parlait sur Radio Prague de Jan Zrzavý et de ses tableaux bretons. On l’écoute :
« Au départ, il allait à Camaret, c’est le premier endroit qu’il a découvert en Bretagne et il est tout de suite tombé sous le charme de la région. Ensuite, il est allé dans d’autres endroits : il aimait aller à Locronan, il s’y réfugiait dans des moments de mélancolie. Il peignait beaucoup la côte, rarement les villes, mis à part Locronan et Kermeur. Il a cherché des lieux et des ports isolés, à savoir Camaret, l’Île de Sein qui était un de ses endroits préférés, au même titre que l’Île d’Ouessant, l’Île Molène ... Chaque toile est différente, mais en même temps, on voit tout de suite qu’elle a été créée par Jan Zrzavý. Il y a en effet quelque chose de très particulier dans sa vision de la Bretagne. »
On dit souvent que même personne d’autre n’a peint la péninsule bretonne comme Jan Zrzavý. En quoi son regard est-il aussi original ?
« Zrzavý peint souvent le paysage désert, on trouve peu de gens sur ses tableaux. Sur ses tableaux de l’Île de Sein, on voit des digues, des amas de pierres qui protégeaient de petits champs, des vagues et du vent, car c’est un endroit où les éléments naturels sont très forts. Il aimait peindre des barques et des maisons, mais toujours à sa manière. Il a une vision métaphysique, onirique de la Bretagne, jusqu’à créer un langage simplifié, une sorte de signes. Même plus tard, lorsqu’il vivra à Prague et décidera de ne plus retourner en France suite aux Accords de Munich, il va continuer à peindre les ports avec les barques, les maisons bretonnes, mais toujours à sa manière. C’est vraiment la Bretagne de Jan Zrzavý. »
Après la guerre, Jan Zrzavý ne retourne en France qu’une seule fois. Pourtant, il restera aux yeux de beaucoup de Tchèques, le plus français, ou plutôt le plus breton des peintres tchèques. Un peintre qui a créé un monde et un style à lui, « un monde onirique et mythologique, parfois dérangeant » comme nous l’avons décrit dans une de nos précédentes émissions. Quelques-unes des œuvres de Jan Zrzavý sont à découvrir sur le site de la galerie d’Ostrava qui propose au public une visite virtuelle de sa récente exposition de l’art tchèque.
Plus d’infos : https://gvuo.cz/vp/gvuo102020/