Prague – la capitale européenne la plus « à droite » se retrouve avec le plus bas taux de chômage en Europe

Photo: Štěpánka Budková

Selon les données pour l’année 2014 publiées par Eurostat, Prague se retrouve avec le taux de chômage le plus bas à l’échelle européenne. Pour les éditorialistes, la nouvelle qu’ils replacent dans un plus large contexte est pourtant loin d’être uniquement positive. Deux autres sujets retenus pour cette revue de presse se réfèrent à l’âge de l’infantilité, d’abord en rapport avec l’Europe et, ensuite, en rapport avec les nouveaux défis de l’enseignement supérieur en Tchéquie. La fréquence de visites des hauts représentants tchèques dans les régions, qualifiées par certains journalistes de « tourisme politique », et les tentatives de détabouiser tout ce qui touche à la mort sont les sujets qui ont été également traités dans les pages des journaux.

Photo: Štěpánka Budková
« La République tchèque peut se targuer d’une primauté européenne dans le domaine économique, ce qu’elle n’a pu faire depuis bien longtemps. » C’est ce que signale l’éditorial de l’édition de ce mardi du quotidien Lidové noviny qui écrit que d’après les chiffres publiés par Eurostat et concernant le chômage dans diverses régions de l’Union européenne, Prague connaît le taux de chômage le plus faible, ne dépassant pas 2,5% de personnes sans emploi. Son auteur, Marek Kerles, ajoute cependant :

« Les économistes ne sont pas unanimes pour dire si ces données sont pour la République tchèque positives ou pas. D’après certains, elles témoignent d’une centralisation de la richesse à un seul endroit qui n’est pas dans les pays occidentaux d’habitude aussi forte qu’en Tchéquie, ainsi que du déséquilibre persistant au niveau régional. »

Dans une large mesure, Prague doit son faible taux de chômage à une forte concentration sur son territoire d’entreprises nationales et supranationales, ainsi qu’au tourisme, plus de 60% des touristes qui viennent en République tchèque séjournant uniquement dans sa capitale. Une façon de plus d’augmenter le potentiel de Prague au détriment d’autres régions tchèques. Un autre atout de Prague, c’est sa situation au centre du pays. Et l’auteur du texte de remarquer plus loin :

« Ce n’est pas seulement son taux de chômage le plus bas qui distingue Prague des autres capitales européennes. A noter aussi les intentions électorales de ses habitants. Alors que pratiquement dans toute l’Europe occidentale, les grandes villes sont le bastion de la gauche, la droite retrouvant ses sympathisants notamment à la campagne, la situation en Tchéquie est complètement différente. Depuis la chute du régime communiste en novembre 1989, Prague est devenue et demeure la ville la plus à droite’ de l’Europe ».

L’Europe à l’âge de l’infantilité ?

Photo: Commission européenne
L’Europe est au cœur de l’intérêt d’un entretien avec Pavel Kysilka, ex-gouverneur de la Banque centrale, considéré comme l’un des économistes doués pour saisir l’atmosphère de l’époque, qui a été mis en ligne sur le site echo24.cz. Estimant que l’Europe se retrouve aujourd’hui dans un état qui rappelle celui des grandes civilisations du passé avant leur déclin, il précise :

« L’Europe se comporte comme un enfant qui n’est pas en mesure d’assumer la responsabilité de sa vie. L’Histoire nous enseigne qu’avant la chute des grandes civilisations, comme l’Empire romain, les penseurs ont décelé de pareils signes d’infantilité... Ces tendances sont apparues en Europe il y a un certain temps déjà, au tournant des XIXe et XXe siècles, allant de pair avec le renforcement du rôle de la démocratie dans la société et de l’influence des médias sur la formation de la démocratie. C’est alors que les représentants politiques ont compris qu’ils pouvaient gagner les voix des électeurs, en leur communiquant par les médias des promesses qui les ont gâtés. Ce n’est que lorsqu’elle se sent menacée que l’Europe arrive à se débarrasser de son infantilité. »

Pavel Kysilka considère qu’aujourd’hui, il ne suffit pas de chercher des moyens palliatifs, mais ce qu’il faut, c’est guérir les causes des maladies existantes. Et de conclure :

« L’Europe vit aujourd’hui une crise permanente. Je n’aime pas le mot crise, voilà pourquoi j’ai proposé en 1997 à Václav Havel de le remplacer par la formule ‘blbá nálada’ (humeur bête ou ambiance morose), devenue depuis célèbre. Toutefois, cette fois-ci, je dois dire que l’Europe vit une longue crise, et le pire, c’est qu’il s’agit d’une crise des crises ».

L’enseignement supérieur face à l’augmentation de la durée de vie Le mot ‘infantilité’ figure également dans un entretien publié dans l’édition de vendredi dernier du quotidien économique Hospodářské noviny et dans lequel le recteur de l’Université Masaryk de Brno, Mikuláš Bek, plaide pour une transformation de l’enseignement supérieur en lien avec l’augmentation de la durée de vie. Il explique pourquoi :

« Je ne cesse de répéter que l’augmentation de la durée de vie d’une dizaine d’années signifie que ce ne sont pas seulement la partie active et la sénilité, mais que c’est aussi l’infantilité qui se prolonge. Il va de soi que la population contemporaine ne sera pas à l’âge de dix-huit ans aussi mûre que celle d’il y a cinquante ans. Dans le passé, le baccalauréat marquait effectivement un pas vers la maturité, la responsabilité et une vision claire d’une carrière professionnelle. Aujourd’hui il n’en est pas et il n’en sera pas ainsi. Il n’est pas besoin de s’en sentir indigné. Le baccalauréat, la ‘maturita’, ne sera plus jamais ce qu’il était auparavant, constituant tout simplement un certificat de l’achèvement d’une formation secondaire. ».

Dans cette logique, c’est seulement après avoir obtenu, après trois ans d’études, une licence (Bakalář) que les étudiants seraient appelés à choisir définitivement l’option ou la discipline qui leur convienne. Cette licence devrait être une analogie de ce que représentait le baccalauréat.

Le boom du « tourisme politique » local

Bohuslav Sobotka  (au milieu),  photo: ČTK
Toujours dans le quotidien Hospodářské noviny, Václav Dolejší constate que les trois représentants politiques tchèques les plus influents, le président Miloš Zeman, le Premier ministre Bohuslav Sobotka et le ministre des Finances Andrej Babiš ont découvert les avantages des contacts directs avec les électeurs, même quand il ne s’agit pas d’une période préélectorale. Il écrit :

« On aurait envie de dire que Miloš Zeman et Bohuslav Sobotka rivalisent en ce qui concerne la fréquence de leurs voyages et visites dans les régions, dans les différentes villes et usines, ainsi que celle de leurs rencontres avec les citoyens dans des maisons culturelles. Au début du mois d’avril, le président et le chef du cabinet ont par exemple failli se croiser dans la région de Karlovy Vary, avant d’entreprendre de nouvelles chevauchées locales, cette semaine. Le troisième qui entre en lice, c’est Andrej Babiš avec ses tours réguliers dans les régions. »

Discuter avec les gens afin de garder leurs faveurs n’est pas une grande nouveauté. L’auteur de l’article rappelle que dans les années 1990, cette discipline était maîtrisée à la perfection par Václav Klaus et Miloš Zeman, car tous deux aimaient les places pleines de leurs supporters et s’en amusaient. Il souligne cependant que le « tourisme politique » actuel a un trait spécifique, par rapport à ce que l’on a connu avant. C’est qu’aujourd’hui, nous ne sommes pas en pleine campagne électorale, car les prochaines élections régionales n’auront lieu qu’à l’automne 2016.

La mort – un sujet à détabouiser

Photo illustrative: Barbora Kmentová
Comment bien parler de la mort et quelle est la situation en République tchèque à cet égard ? Autant de questions qui ont été soulevées et analysées dans le supplément Orientace de l’édition de samedi dernier du quotidien Lidové noviny. Se référant aux données relevées par un sondage effectué en 2013 par l’agence STEM/MARK, il montre entre autres que la majorité écrasante des personnes interrogées, ainsi que des médecins eux-mêmes, considèrent comme largement insuffisantes les conditions dans lesquelles un diagnostic grave est communiqué en Tchéquie aux malades. Le journal indique que les médecins ne disposent à cette fin, en moyenne, que d’une dizaine de minutes et précise :

« Selon le sondage en question, plus de 90% des malades souhaitent connaître la vérité sur leur situation ce qui ne diffère guère de la pratique en Europe ou aux Etats Unis. Contrairement à leurs confrères occidentaux, les patients tchèques ont cependant dans une grande mesure une attitude très soumise vis-à-vis des médecins. Cela se traduit par le fait que, souvent, ils ne sont pas habitués à poser ne serait-ce que des questions élémentaires en ce qui concerne leur traitement ou leur diagnostic. Or, sans des réponses compréhensibles et sincères, les malades ne sauraient prendre une décision libre, condamnés à laisser leur sort entre les mains des médecins. »

Les données recueillies montrent également que si près de 80% des Tchèques voudraient finir leurs jours chez eux, il y a presque le même nombre de ceux qui meurent actuellement dans des établissements sanitaires ou dans des centres de soins sociaux. Le journal indique en outre qu’il existe dans le pays une vingtaine de services de soins palliatifs mobiles qui ne sont disponibles que dans certaines régions. Exclus des soins couverts par l’assurance maladie, ils existent malgré tout, grâce aux dons, aux subventions et à des collectes publiques.