Prague : la pratique de l’escalade en pleine ascension

Адам Ондра, фото: Филип Яндоурек, Чешское радио

Moins d’un an avant son entrée aux Jeux olympiques pour la première fois de l’histoire, l’escalade bénéficie d’une popularité croissante dans le monde entier. Et la République tchèque, qui a par ailleurs le meilleur grimpeur du monde dans ses rangs, n’est pas en reste ! Comptant à elle seule plus de vingt salles de grimpe, Prague s’est forgée une solide réputation de capitale de la discipline dans le pays.

Adam Ondra | Photo: Filip Jandourek,  ČRo

Photo: Barbora Němcová
Pour les adeptes du baudrier, la République tchèque est historiquement réputée pour les tours rocheuses de sa Suisse tchèque, considérée comme le berceau de l’escalade des falaises de grès. Mais ces dernières années, c’est l’escalade en salle qui fait l’objet d’un véritable engouement, notamment à Prague. La ville possède en effet tout un florilège de spots, comme nous l’a expliqué Lucie Pešková, grimpeuse et formatrice à la salle de bloc Ultra Ant de Prague depuis plusieurs années :

« Je réfléchissais au nombre de salles d’escalade que nous avons, ici à Prague. J’en ai compté une vingtaine, peut-être même plus ! Tout dépend du type de grimpe que vous préférez : la difficulté, le bloc, la grimpe en extérieur, en salle... Par exemple à Ultra Ant, on grimpe ‘à l’ancienne’, c’est à dire que les mouvements se rapprochent plus de l’escalade en falaise, contrairement au style plus moderne et gymnique que vous pouvez observer lors de compétitions. »

Salle de bloc d'Ultra Ant,  Staré Město,  photo: Camille Montagnon
‘Bloc’, ‘difficulté’ : un jargon auquel il vous faudra vous familiariser avant les Jeux olympiques de Tokyo en 2020, qui marqueront l’entrée historique de l’escalade aux JO. C’est le bloc que préfère Nathan, franco-américain étudiant à l’Université New-York de Prague, qui grimpe notamment à Boulder Bar, dans le quartier d’Holešovice.

« Je pense qu’on va vraiment voir un développement de l’escalade en salle, d’autant plus avec l’avènement des JO de Tokyo et ceux de Paris, en 2024. On va voir de l’escalade un peu partout. Les professionnels commencent à devenir des stars comme d’autres athlètes aujourd’hui célèbres, et je pense que ça va aider au développement de l’escalade, en salle ainsi qu’à l’extérieur. »

Et si parmi ces nouveaux grimpeurs d’élites, stars de l’escalade, il fallait n’en citer qu’un, il serait Tchèque. Si vous séchez, Ines, qui vient d’Italie et étudie à Prague, devrait vous rafraîchir la mémoire :

Centre d'escalade Boulder Bar,  Holešovice,  photo:  Camille Montagnon
« Adam Ondra vient de Brno, et c’est vraiment un bon grimpeur. Je crois qu’il inspire beaucoup de Tchèques. Au-delà de ça, je pense que la tendance est non seulement tchèque mais internationale. Les gens sont de plus en plus conscients de l’environnement qui les entoure, c’est pourquoi ils veulent vivre, et pas se contenter de rester enfermés chez eux. Je pense que l’escalade, du moins en extérieur, est un bon moyen de se rendre compte que la nature est belle et qu’il faut être dehors. »

Une opinion que partage Lucie, pour laquelle la popularisation de la discipline en Tchéquie est plutôt récente et généralisée à l’échelle du globe, bien que certains murs plus anciens aient vus le jour à Prague aux prémices des années 2000. Certaines salles donnent même des cours aux scolaires depuis quelques années.

« Notre mur est un des plus vieux et il date de 1998. Je pense que le boom date d’il y a environ six ans à Prague, et c’est à ce moment-là que deux ou trois grandes salles de grimpe ont été ouvertes. Peut-être qu’Adam Ondra a aussi participé à ce phénomène ces dernières années, surtout dans sa ville natale, Brno. Quoi qu’il en soit, nous sommes heureux de l’avoir ! »

Mur exterieur de Free Solo,  à Chodov,  Prague 11,  photo: Michal NeMařenka Jeníček

Certains chanceux ont parfois la chance de croiser le grimpeur tchèque, célèbre pour avoir sorti ‘Silence’, la voie la plus difficile de l’Histoire, au Climbing Center de Smíchov, où il s’entraine occasionnellement. Pour Lucie, le champion du monde d’escalade en titre représente une fierté pour les Tchèques et reste très accessible malgré sa notoriété grandissante. A en croire Michal, Praguois qui s’est converti il y a quelques années à l’escalade, la camaraderie est en effet une constante de la discipline, qui concerne aussi bien les néophytes que les initiés.

Adam Ondra,  photo: Camille Montagnon
« Ce que j’aime dans l’escalade, c’est sa dimension informelle. On se tutoie sans se connaître, et cela uniquement grâce au lieu ! Ce que je veux dire, c’est qu’il ne nous viendrait pas à l’idée d’agir ainsi dans la rue, mais dans les salles d’escalade, c’est plutôt inné. Les rapports sont vraiment amicaux. »

« Il y a un côté individuel dans l’escalade. On grimpe seul, car ce n’est pas un sport d’équipe. Pourtant, on a besoin de quelqu’un pour nous assurer, quelqu’un en qui l’on a confiance, surtout lorsqu’il s’agit d’une voie difficile. J’aime cela. J’apprécie aussi le fait que l’escalade soit un sport stratégique. Il faut lire la voie avant de s’y attaquer, ce qui est assez compliqué. Donc oui, c’est vraiment un sport technique, et la plupart des gens qui ne pratiquent pas n’en ont pas conscience. »

Free Solo,  photo: Michal NeMařenka Jeníček
Aussi bien fréquentées par les Tchèques eux-mêmes que par des étrangers, les salles d’escalade allient l’effort physique à la convivialité. Cela explique sans aucun doute en partie le succès et la démocratisation de ce sport qui, après s’être professionnalisé à la fin du XXe siècle, semble renouer avec la pratique hippie des années 70.

« L’ambiance dans les salles de Prague est très détendue. Je crois que l’escalade, partout dans le monde, c’est un peu un sport ‘hippie’. On essaie, on rigole, on boit des bières,… c’est très chill ! Très souvent, les Tchèques sont sympas et n’hésitent pas à parler en anglais pour nous expliquer quels mouvements faire pour sortir une voie. Je dirais qu’à peu près partout, que ça soit en France, aux États-Unis ou en République tchèque, tout le monde est là pour t’aider. »

Mur d'escalade de Smichov,  photo: Nathan Bey-smith
Si Ines et Nathan ont effectué il y a quelques mois un ‘climbing trip’ en falaise, près de Bechyně - en Bohème du Sud -, les températures tchèques sont actuellement plus propices à l’alpinisme qu’à l’escalade en extérieur… Les salles d’escalade, qui permettaient autrefois aux grimpeurs de s’entretenir en attendant les beaux jours, sont aujourd’hui utilisées toute l’année, sans nécessaire lien avec la grimpe en nature. On écoute Lucie Pešková :

« Je pense qu’aujourd’hui, à Prague comme ailleurs, grimper à l’intérieur n’a plus rien à voir avec l’escalade de falaise. Pour beaucoup, l’escalade en salle est une activité de détente après le travail, mais ils n’iront jamais grimper dehors parce que c’est effrayant, ça n’est pas confortable, et ça demande aussi plus de temps, de matériel, d’expertise... Donc actuellement, l’escalade d’intérieur et d’extérieur sont devenues deux sports différents. »

Mais pour Nathan, qu’il s’agisse d’escalade en nature ou en salle, le mot d’ordre reste le même :

« Allez-y avec des potes, faites-vous plaisir, parce que c’est vraiment ça l’important ! »