Présidentielle : un second tour sur le fil entre deux professionnels de la politique

Miloš Zeman et Karel Schwarzenberg, photo: CTK

La première semaine de l’entre-deux tours de l’élection présidentielle a vu les candidats Karel Schwarzenberg et Miloš Zeman s’affronter à déjà plusieurs reprises. Les soutiens de personnalités politiques et du monde des arts, la campagne publicitaire et les débats médiatiques sont les fers de lance d’une bataille qui, plus que deux programmes distincts, voit surtout lutter deux styles différents. Le flegme aristocratique du conservateur Karel Schwarzenberg (23,40% de suffrages au premier tour) se dispute au talent oratoire parfois irritant de l’ancien Premier ministre social-démocrate Miloš Zeman (24,21%).

Deux débats médiatiques qui ne permettent pas de dégager un vainqueur

Miloš Zeman et Karel Schwarzenberg,  photo: CTK
Une semaine après le premier tour d’une élection qui, pour la première fois, voit les électeurs tchèques voter pour choisir leur chef d’Etat, bien aise est celui qui peut prévoir le vainqueur du duel entre les deux finalistes Karel Schwarzenberg et Miloš Zeman pour succéder aux dix années de mandat de Václav Klaus. Les deux débats organisés mercredi à la Radio tchèque et jeudi soir à la Télévision tchèque auraient dû éclairer les électeurs, mais au regard des prérogatives limitées du président de la République – il peut apposer son veto aux lois, mais un veto que le Parlement peut outrepasser, il nomme les juges, représente la République tchèque à l’étranger et c’est à peu près tout – ces deux débats ont montré qu’il s’agissait d’abord d’une opposition entre deux personnalités, entre deux images construites médiatiquement. Durant le débat télévisé ont été évoqués des sujets aussi divers que l’amnistie partielle décidée par Václav Klaus et contresignée par le chef du gouvernement dont fait partie M. Schwarzenberg, l’opportunité du véto présidentiel, le rôle du Sénat, l’adoption de l’euro, que Zeman espère alors que Schwarzenberg semble moins impatient, et même les décrets Beneš qui ont mené à l’expulsion des populations allemandes des Sudètes de Tchécoslovaquie en 1946. Pas sûr que cela aide énormément les électeurs indécis. Les deux candidats ont bien tenté d’accentuer leurs différences, avec un Miloš Zeman toujours aussi calculateur et professoral et un Karel Schwarzenberg, qui est apparu fatigué, plus synthétique et qui a tenté de retirer un capital sympathie de son défaut d’élocution. Mais ce que l’on retient surtout, c’est l’atmosphère détendue qui a régné durant le débat, avec deux politiciens expérimentés rivalisant de bons mots pour désarmer l’adversaire.

Unité à droite derrière Karel Schwarzenberg

Karel Schwarzenberg,  photo: CTK
Miloš Zeman a reçu l’appui de la social-démocratie, dont il a longtemps été le président, alors que le candidat officiel du parti pour cette élection, Jiří Dienstbier, s’est refusé à donner toute consigne de vote, considérant les deux candidats comme « fondamentalement de droite » et accusant même l’ancien Premier ministre d’accointances avec la mafia pragoise. Les candidats de droite déchus, Zuzana Roithová pour les chrétiens-démocrates et Přemysl Sobotka pour l’ODS, se sont ralliés à la candidature du ministre des Affaires étrangères et président du parti conservateur TOP 09 Karel Schwarzenberg. Les autres perdants du premier tour apparaissent indécis, bien qu’affichant sans doute une légère préférence pour le prince Schwarzenberg et il y a fort à parier que leur choix n’influencera que marginalement les électeurs. C’est le cas de Jan Fischer, qui a décroché la médaille en chocolat lors du premier tour en arrivant seulement troisième et en faisant mentir les sondages qui le voyaient en finale. Très déçu, il ne s’est pas encore exprimé.

Miloš Zeman,  photo: CTK
Cependant, Miloš Zeman peut compter sur un soutien potentiellement embarrassant mais pas inattendu : celui de l’actuel locataire du Château de Prague, Václav Klaus, avec lequel il avait d’ailleurs signé, en 1998, le contrat d’opposition entre les partis social-démocrate et ODS, un partage du pouvoir et de tout ce que cela sous-entend qui était resté et reste aujourd’hui encore en travers de la gorge de nombreux électeurs. Et c’est un chef de l’Etat en vacances, en combinaison de ski, qui a déclaré privilégier un candidat ayant vécu en République tchèque « dans les bons et les mauvais moments ». Karel Schwarzenberg, dont la famille a émigré en Autriche après le Coup de Prague en 1948 alors qu’il était enfant, ne répond évidemment pas à cette description.

Deux stratégies de campagne pour l'entre-deux tours

Les équipes des deux candidats essaient toutes deux de consolider les prétendus avantages de leur protégé et d’attaquer l’adversaire sur son terrain. Ainsi Karel Schwarzenberg multiplie les déplacements et les actions en région, avec notamment une soirée de concerts gratuits dimanche soir dans de nombreuses villes du pays. On écoute son directeur de campagne, Marek Vocel :

« Nous nous concentrons évidemment sur les régions, sur une campagne de contact. Nous mobilisons les bénévoles, on annonce également des personnalités connues qui tentent de convaincre les électeurs indécis dans les régions. »

Miloš Zeman et Karel Schwarzenberg,  photo: CTK
Car le doyen de cette élection, Karel Schwarzenberg et ses 75 ans, semble faire moins recette auprès des personnes âgées et dans les zones rurales. A contrario, Miloš Zeman tente d’investir les réseaux sociaux où son adversaire, qui s’y est construit une image de rebelle juvénile, dispose d’un avantage certain auprès de la jeunesse, ce qui toutefois colle mal à son engagement conservateur au sein du gouvernement très impopulaire de Petr Nečas. Ecoutons Vratislav Mynář, le président du parti de Miloš Zeman (SPOZ) :

« Pour nous, la campagne de contact est plus ou moins derrière nous puisque dans son cadre nous nous sommes rendus dans les quatorze régions du pays et dans leurs préfectures. Durant le peu de temps qu’il nous reste, nous nous orientons vers les réseaux sociaux et vers le travail avec les jeunes pour tenter de présenter les qualités de notre candidat face à son adversaire. »

Aucun sondage n’a pour l’instant été publié et tout pronostic quant au succès éventuel de ces campagnes, qui devraient mobiliser des sommes à peu près similaires, ne serait que pure spéculation. A noter qu’un autre débat télévisé attend les candidats ce vendredi soir sur la chaîne privée Prima et qui sera suivi d’autres confrontations dans les médias la semaine prochaine, tout cela donc avant le second tour de cette élection qui se déroulera vendredi 25 et samedi 26 janvier.