Presse : agitation sociale ou même « révolution » ? Une éventualité peu probable en Tchéquie

Cette nouvelle revue de presse se penche d’abord sur les spéculations autour de l’éventualité d’agitations sociales, en lien avec la crise des énergies. Il y sera également question de la dissolution de l’ancienne Tchécoslovaquie qui, même trente ans, après ne fait pas l’unanimité. Un regard ensuite sur « l’euroïsation spontanée » de l’économie tchèque. Il y sera enfin question des appels lancés au cabinet de Petr Fiala par des experts en économie.

« En rapport avec l’explosion des prix des énergies, on parle en Europe non seulement de l’agitation sociale, mais on prévient même d’une menace de révolution », indique l’auteur d’un texte publié dans le quotidien Hospodářské noviny. Un terme qui a été utilisé pour la première fois également en Tchéquie, par le ministre de la Justice Pavel Blažek lors d’une récente intervention à la Chambre des députés. « L’éventualité de révolution et la fin de la démocratie sont-elles possibles en Tchéquie ? », s’interroge le journaliste. Sa réponse est sans équivoque :

« Certes, la situation en Tchéquie est tendue. Les prix des énergies touchent lourdement des centaines de milliers de personnes. La confiance à l’égard du gouvernement est en baisse, Petr Fiala étant le Premier ministre le moins populaire à l’échelle de l’Union européenne, comme le confirment les sondages. Mais ce n’est pas étonnant, car en temps de crise, la cote des dirigeants politiques est rarement élevée. Cette situation n’implique pas pour autant une inclination à des solutions révolutionnaires. Pendant la pandémie de coronavirus, la crédibilité du système démocratique a été chez nous très fragilisée, pour remonter rapidement par la suite. Or, les changements d’inclinaisons politiques sont en Tchéquie aussi fréquents qu’inconséquents. »

En Tchéquie, comme l’explique le publiciste, il n’y a qu’une minorité de la société qui s’active. A l’heure actuelle, seuls des groupes anti-système obscurs entendent manifester leur mécontentement. Ainsi, la manifestation de protestation prévue ce 3 septembre place Venceslas à Prague pourra difficilement faire basculer le système politique. Un avis auquel le journaliste de Hospodářské noviny ajoute :

« On peut estimer que dans les pays où la tradition des protestations violentes existe, la situation risque de devenir dramatique. Mais la mentalité de la population tchèque est différente. D’autant plus que les Tchèques, contrairement à leurs confrères occidentaux, ont connu une alternative au système politique actuel. Le marasme et la pénurie de l’époque communiste ne se sont pas encore effacés de la mémoire collective. S’il y a en Europe une révolution, la Tchéquie sera la dernière à la joindre. »

La partition de la Tchécoslovaquie continue de diviser les opinions

Il y a trente ans, la villa Tugendhat à Brno a été le théâtre de la signature de l’accord sur la dissolution de la fédération tchécoslovaque. « Un acte qui a achevé le putsch politique par lequel Václav Klaus et Vladimir Mečiar, les chefs de gouvernement tchèque et slovaque de l’époque, ont liquidé la Tchécoslovaquie », précise le journaliste du journal Deník. Le regard qu’il porte sur l’événement est catégorique :

Source: Radio Prague Int.

« Soumis à des mensonges et à des semi-vérités, nous avons, au cours de ces trente dernières années, accepté l’idée que la destruction de l’Etat a été une démarche positive. Elle a été présentée comme un acte ’qui devait se passer’ et qui apportait aujourd’hui plus d’acquis que de problèmes. De même, on s’est habitué à croire que c’étaient les Slovaques qui souhaitaient la partition et que les Tchèques, eux, y ont donné tout simplement satisfaction. »

Le journaliste de Deník rappelle que selon les données sociologiques de l’époque, la majorité des Tchèques et des Slovaques étaient en faveur du maintien de leur Etat commun. Pourtant, aucun référendum à ce sujet n’a eu lieu. En conclusion, il constate :

« La partition de la Tchécoslovaquie a fatalement affaibli tant les Tchèques que les Slovaques, faisant d’un Etat moyen deux petits Etats. Vu les relations entre les deux peuples, qui demeurent encore aujourd’hui particulièrement bonnes, cette démarche paraît incompréhensible. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. La génération d’hommes politiques qui ont désintégré l’Etat commun est sur le départ. La nouvelle génération des Tchèques et des Slovaques est appelée à réfléchir sur un éventuel renouvellement, au sein de l’Union européenne, de la Tchécoslovaquie. Et pourquoi ne pas envisager de faire de Brno, par exemple, sa capitale ? ».

L’économie tchèque en période d’« euroïsation spontanée »

Confrontés à la crise, les Tchèques sont en train d’adopter l’euro, en dépit de la volonté des politiciens. L’auteur de ce constat dressé dans un texte publié sur le site Seznam Zprávy explique :

Photo illustrative: Nils Thies,  Deutsche Bundesbank,  Flickr,  CC BY-NC-ND 2.0

« Le rapport des Tchèques à l’égard de leur monnaie nationale a été pendant longtemps spécifique. Aujourd’hui, la traditionnelle aversion tchèque à l’égard de la monnaie européenne commune s’affaiblit, pendant que les entreprises tchèques passent assez couramment à l’euro. C’est la première vague de la pandémie en 2020 qui a donné le coup d’envoi à cette tendance qui s’est renforcée en lien avec l’inflation élevée. Une évolution que les économistes décrivent comme une ‘euroïsation spontanée’ de l’économie tchèque. Celle-ci se traduit par une présence marquante de l’euro qui repousse au fur et à mesure la couronne tchèque. »

Selon le dernier sondage de l’Eurobaromètre, il y a aujourd’hui quelque 44 % des Tchèques qui se déclarent favorables à l’adoption de l’euro. Une hausse considérable par rapport à un passé récent. Au sein de la coalition gouvernementale, qui compte cinq formations, il n’y a que la principale d’entre elles, le Parti civique démocrate (l’ODS), de droite, qui est réticente à cet égard. Selon le journaliste, « c’est un bagage idéologique hérité de l’ancien chef de gouvernement et ex-président de la République Václav Klaus » :

« Pour cet ancien leader de l’ODS et la majorité de ses membres, la couronne tchèque présentait un symbole de l’indépendance, de la souveraineté et d’une certaine résistance envers une intégration européenne approfondie. »

Le cabinet appelé à écouter les experts en économie

Le conseil économique du gouvernement (NERV) a présenté son paquet de soutien pour atténuer la hausse des prix et la pauvreté énergétique. « Il n’y a qu’un obstacle qui s’y oppose – les hommes et femmes politiques », titre une note mise en ligne sur le site aktualne.cz. Son auteur a écrit :

Photo illustrative: Natalija Wajtkewitsch,  Pexels,  CC0 1.0 DEED

« La Tchéquie a perdu les six premiers mois d’inflation record. Certes, le gouvernement a déployé beaucoup d’efforts. Mais s’agissant du soutien économique et social, il est l’un des pires et des plus lents en Europe centrale. Après avoir refusé de s’inspirer des démarches effectuées à l’étranger, il ne propose en fait presque rien. Le cabinet de Petr Fiala n’a pas suivi la voie d’une aide massive proposée par les Polonais, les Allemands ou les Autrichiens, et n’a pas opté pour une aide sélective comme les Polonais. Or, en politique intérieure, le cabinet n’a pas présenté le courage admirable et la détermination dont il avait fait preuve en politique étrangère. Ne reste plus qu’à espérer qu’il prête désormais l’oreille aux conseils proposés par le NERV. »

A la place des démarches chaotiques, « le fruit d’impulsions ministérielles imprévues », il s’agit alors, selon le commentateur, de mettre en œuvre une aide coordonnée qui sera destinée aux individus et aux ménages dans le besoin, qui constituent près d’un tiers de l’ensemble de la population tchèque.