Presse : la solidarité entre Slovaques et Tchèques ou des liens qui perdurent
La solidarité que la Slovaquie a manifestée à la Tchéquie en lien avec l’affaire de Vrbětice est le premier sujet abordé dans cette nouvelle revue de la presse de la semaine écoulée. Nous examinerons ensuite les raisons pour lesquelles les médias indépendants tchèques soutiennent les services de contre-espionnage. Autres thèmes traités cette semaine : la crise de la filière brassicole tchèque et les défis de la solidarité internationale face à la crise sanitaire. Quelques mots enfin sur la Maison tchèque à Moscou à la lumière des tensions diplomatiques entre Prague et le Kremlin.
La Tchéquie n’a pas d’ami plus proche que la Slovaquie. C’est ce qu’a constaté le journal Deník à l’issue de la première visite à l’étranger effectuée mercredi, parle nouveau chef de la diplomatie tchèque Jakub Kulhánek et qui l’a mené, comme le veut la tradition, à Bratislava :
« La Slovaquie a donné la preuve de cette alliance peu commune en décidant d’expulser trois diplomates russes. Elle a donné ainsi une réponse radicale, déterminée et univoque à l’évolution de l’affaire concernant l’implication d’agents russes dans l’explosion d’un dépôt de munitions en 2014 à Vrbětice. Outre la Slovaquie, seuls trois petits pays baltes ont manifesté à la Tchéquie une solidarité comparable. A part cela, la Roumanie est à ce jour le plus grand pays à avoir exprimé à la Tchéquie sa pleine solidarité en expulsant aussi un diplomate russe. »
Bratislava a exprimé sa solidarité avec les Tchèques à un moment où la scène politique locale est fragilisée par l’affaire de l’importation du vaccin russe Spoutnik V. Un fait qui, selon le commentateur de Deník, souligne encore davantage la valeur de son geste. « Le voyage symbolique du ministre Jakub Kulhánek à Bratislava et ses remerciements personnels adressés à son homologue slovaque et à toute la Slovaquie ont donc tout lieu d’être. C’est un bon départ pour le nouveau ministre tchèque des Affaires étrangères », ajoute-t-il encore.
Quand les médias prennent la défense des services de contre-espionnage
« L’époque que nous vivons est particulière », constate le commentateur du site aktualne.cz. Le rapport d’une grande partie des médias indépendants vis-à-vis du service de contre-espionnage (BIS) en serait, selon lui, un des traits marquants :
« En Tchéquie, les commentateurs de ces journaux et sites ne sont pas critiques de de cette institution. Au contraire, ils la soutiennent ou la défendent contre les tentatives d’affaiblissement dont elle fait l’objet. De même, ils défendent son directeur Michal Koudelka, sujet fréquent des critiques du président de la République. Cette approche est peu habituelle, car tout journaliste indépendant comme tout citoyen est appelé à rester très vigilant et méfiant face aux services de renseignement, d’autant plus que le contrôle des agents de cette organisation est insuffisant. Or, il est normal et sain de ne pas faire confiance à ce qui est dissimulé, non contrôlé et soumis à l’Etat. Pourtant, tel n’est pas le cas aujourd’hui en Tchéquie. »
« Ce soutien accordé au BIS qui est aujourd’hui beaucoup une institution plus professionnel et davantage liée à des services de pays alliés que dans les années 1990, est-il alors souhaitable ? », s’interroge le commentateur du site aktualne.cz :
« L’essentiel, c’est que le BIS défende les intérêts tchèques, sans en abuser et sans tirer profit de ses dispositions législatives. Ses révélations concernant l’affaire de Vrbětice ont été fondamentales pour les citoyens tchèques. Ainsi, aussi paradoxal que puisse paraître le fait de défendre les services de contre-espionnage, cette attitude est aujourd’hui logique et juste, tout particulièrement à la lumière des pressions permamentes exercées sur eux par le président pro-russe. »
« La vigilance à l’égard du BIS demeure toutefois de rigueur », admet en conclusion le commentateur.
La bière, symbole culturel national
L’année écoulée a été fatale pour la bière tchèque. Pourtant, ce constat est passé presqu’inaperçu dans le pays. C’est ce dont fait part un commentateur du site seznam.cz qui a précisé à ce propos:
« En 2020, la consommation de bière en Tchéquie a été la plus basse depuis 1960. La cause de cette chute est évidente : la fermeture des brasseries et des restaurants pendant une longue période de l’année. La consommation de bière y a diminué de quelque 50%. La vente de bière en bouteille ou en canette est demeurée en revanche presque la même que l’année précédente. »
Le rapport annuel de l’Union tchèque des brasseries et des malteries indique que « la crise apporte non seulement des pertes commerciales, mais touche aussi les personnes engangées dans la préservation de la tradition de l’industrie de la bière ». L’occasion pour le commentateur de rappeler :
« La bière jouit en pays tchèque d’une tradition millénaire. Sa production et sa consommation font partie de la culture nationale. On pourrait même dire que, sans la bière, la culture tchèque ne serait pas ce qu’elle est... Le niveau économique est tout aussi important, car la bière représente la seule spécialité dont l’industrie alimentaire locale, par ailleurs en déclin aujourd’hui,peut se targuer. »
« Les temps normaux seront de retour lorsqu’on pourra s’offrir dans une brasserie la même marque de bière qu’on buvait avant l’épidémie de coronavirus », prétend le commentateur en conclusion.
Apprendre la solidarité internationale
« Il est temps d’aider les pays pauvres dans leur lutte contre la pandémie », indique un texte publié dans le quotidien Hospodářské noviny, en lien avec la situation épidémique dramatique en Inde. Pourtant, cette mission s’annonce difficile en Tchéquie, comme l’explique son auteur :
« Plaider pour une solidarité internationale dans un pays qui a refusé il y a quelques années d’accueillir une poignées d’orphelins issus de camps de réfugiés peut paraître futile. Mais il se peut que la pandémie du Covid-19 ait modifié le regard des Tchèques sur le monde extérieur. Riches de notre propre expérience d’une année au cours de laquelle nous avons d’abord excellé avant de nous retrouver parmi les pays qui gèrent l’épidémie le moins bien, nous suivons peut-être la deuxième vague brutale de la pandémie en Inde d’un œil différent. »
La pandémie ne pourra être combattue que par les efforts conjoints des pays riches et pauvres. Pourtant, comme le souligne le commentateur de ce journal économique, près de 80% des vaccins ont été à ce jour acheminés vers les pays riches, dont la Tchéquie fait partie. Le fait qu’elle propose désormais la vaccination aux personnes de plus de 55 ans est une preuve éloquente de cette appartenance. Il note enfin :
« La Tchéquie est peu solidaire même au sein de ce club exclusif qu’est l’Union européenne. Il faut cependant se rappeler que son économie, petite et ouverte, est liée à un monde globalisé dont le sort ne devrait pas nous laisser indifférent. En soutenant les livraisons de vaccins aux pays pauvres, on s’aide finalement soi-même. »
La crise diplomatique actuelle, une menace pour la Maison tchèque à Moscou ?
Les tensions diplomatiques entre Prague et le Kremlin peuvent également représenter un coup dur pour la diplomatie culturelle tchèque. Une hypothèse soumise soulevée par le quotidien Lidové noviny:
« La situation actuelle risque d’avoir notamment un impact négatif sur la Maison tchèque à Moscou, l’élément le plus important des 26 Centres tchèques implantés un peu partout dans le monde et gérés par le ministère des Affaires étrangères. On peut en effet s’attendre à ce que l’expulsion de plusieurs de ses employés y compris son directeur limite son fonctionnement, ainsi que le budget dont l’ensemble des centres dispose, car celui-ci est dans une grande mesure lié à cet établissement. »
Lidové noviny rapporte que la Maison tchèque à Moscou représente non seulement un centre culturel servant à la représentation et à la promotion de la Tchéquie, mais qu’elle est aussi une plateforme pour différentes affaires commerciales et qu’elle abrite plusieurs agences gouvernementales. Comparée à d’autres filiales, sa position est unique tant par l’étendue de ses activités que par le caractère et le volume des services accordés. « Située en plein centre de Moscou, à trois kilomètres de la Place rouge et du Kremlin, elle peut s’ennorgueillir aussi d’une adresse d’exception », remarque le journal.