Affaire de Vrbětice : baptême du feu pour le nouveau chef de la diplomatie tchèque

Jakub Kulhánek

Jakub Kulhánek, 36 ans, a été nommé nouveau ministre tchèque des Affaires étrangères ce mercredi, au Château de Prague, en pleine crise diplomatique entre Prague et Moscou. Que sait-on de cet homme actif dans les plus hautes sphères de la politique tchèque depuis plusieurs années, mais invisible, jusqu’à présent, dans la sphère publique et dans les médias ?

Il y a un peu plus d'une semaine, le parti social-démocrate, membre, avec le mouvement ANO, de la coalition gouvernementale, a présenté la candidature de Jakub Kulhánek au poste de ministre des Affaires étrangères. Il a été choisi pour remplacer Tomáš Petříček, partisan d’une politique pro-européenne et pro-occidentale, limogé après avoir occupé les fonctions de chef de la diplomatie pendant plus de deux ans.

Tomáš Petříček | Photo: Ministère des Affaires étrangères

« Ce n'est pas un secret que j'ai été un problème pour le président de la République, notamment concernant la centrale nucléaire de Dukovany ou la question des vaccins », a indiqué Tomáš Petříček après sa révocation, en référence aux relations tchéco-russes. Tout cela encore avant l’éclatement de l’affaire d’espionnage des explosions de dépôts de munitions à Vrbětice.

La social-démocratie a rapidement trouvé le remplaçant du ministre sortant : le vice-Premier ministre, ministre de l’Intérieur et président du parti Jan Hamáček ayant opté pour son proche collaborateur Jakub Kulhánek.  Diplômé de l’Université de Georgetown à Washington, et spécialisé entre autres des pays de l’ex-URSS et des relations de la Russie avec l’OTAN et l’UE, Jakub Kulhánek avait précédemment occupé des postes importants au sein de plusieurs ministères, dont celui des Affaires étrangères entre 2014 et 2016.

Jakub Kulhánek | Photo: Michal Kamaryt,  ČTK

La journaliste politique tchèque Kateřina Šafaříková revient sur cette étape de sa carrière :

« Jakub Kulhánek a été l’adjoint du ministre, chargé de la sécurité et des services de renseignement. C’est un agenda qui est évidemment peu présenté en public. Donc nous en savons très peu sur ses opinions, ses mérites et ses démarches. (…) Mais je crois bien qu’à cette époque, il proposait déjà un suivi plus important du travail de l’ambassade de Russie à Prague, dont le nombre d’employés très élevé suscite des interrogations. »

Beaucoup reprochent à Jakub Kulhánek sa collaboration avec le groupe chinois controversé CEFC Europe, pour lequel il a travaillé comme consultant externe après avoir quitté le ministère des Affaires étrangères. Kateřina Šafaříková remarque :

« Là encore, nous en savons très peu sur son travail pour CEFC dont il ne parlait même pas à ses amis proches. Mais il n’était pas le seul : l’ancien euro-commissaire tchèque Štefan Füle a travaillé lui-aussi pour ce groupe après avoir quitté l’administration publique. Il est difficile de dire à quel point cet engagement du nouveau ministre a été controversé. Nous avons peu d'informations, car CEFC était une société privée. »

Jakub Kulhánek et Miloš Zeman | Photo:  Twitter de Jiří Ovčáček

Après avoir nommé le nouveau ministre des Affaires étrangères, le président Miloš Zeman s’est félicité du fait que Jakub Kulhánek avait l’habilitation de sécurité de niveau « très secret », avant de lui recommander de se concentrer sur la diplomatie économique et d’encourager les exportateurs tchèques.

« Je commence mon mandat dans une période extrêmement difficile pour la diplomatie tchèque. Voilà pourquoi je relève ce défi avec humilité et le plus grand respect envers la fonction du ministre des Affaires étrangères », a dit Jakub Kulhánek lors de son premier point de presse au palais Černín.

Parmi ses priorités figurent la continuité de la politique étrangère du pays, l’agenda lié à la pandémie du Covid-19, ainsi que l’engagement de la République tchèque au sein de l’UE et l’OTAN. C’est d’ailleurs avec le secrétaire général de l’Alliance atlantique que Jakub Kulhánek s’est entretenu quelques heures après sa nomination, pour recevoir le soutien des Alliés en lien avec les accusations de Prague à l’encontre des services de renseignement russes, considérés comme responsables de l’explosion de Vrbětice en 2014.