Presse : légaliser le mariage pour tous, une mission difficile en Tchéquie

Cette nouvelle revue de la presse s’intéressera d’abord à la position des politiques tchèques sur le mariage pour tous. Trois mois après le début de la guerre en Ukraine, le ressentiment de la population tchèque envers les réfugiés ukrainiens a-t-il tendance à s’accroître ? Réponse dans ce magazine qui s’intéresse aussi à l’intégration des enfants ukrainiens dans le système scolaire tchèque. La « culture de la bière» est-elle une spécificité tchèque méritant d’être inscrite sur la liste du patrimoine immatériel de l’UNESCO ? Cette revue de presse se terminera avec un point sur le Covid-19.

A l’approche du débat prévu en juin au Parlement et qui portera sur la légalisation du mariage pour tous, le journal Hospodářské noviny de ce jeudi rapporte que la Tchéquie s’apprête à vivre une étrange guerre culturelle :

« La majorité de la société tchèque est favorable à cette libéralisation. Toutefois, le débat s’annonce houleux. Les chrétiens-démocrates et les membres du parti SPD (Liberté et démocratie directe) sont contre, tandis que les autres partis à l’exception des Pirates sont divisés. Or, il se peut que la Tchéquie continue à refuser de faire partie de ces pays d’Europe occidentale où, à l’exception de l’Italie, les mariages homosexuels sont possibles. »

L’éditorialiste du journal remarque que la motivation de cette position réticente des politiciens tchèques demeure un mystère, car la Tchéquie est un pays sécularisé qui prêche une certaine rationalité. Les arguments des adversaires de cette évolution de la législation sont, d’après lui, dérisoires :

« Le principal argument le plus souvent avancé et qui veut que les mariages homosexuels menaceraient la famille traditionnelle, est faux. Les conservateurs défendent également l’idée que l’Etat devrait soutenir uniquement les unions qui peuvent donner naissance à de nouveaux contribuables. Selon une autre affirmation répandue, les familles de deux pères ou de deux mères n’offriraient pas à leurs enfants de bons exemples à suivre. »

Au lieu d’être percutants, ces arguments sont insignifiants, selon l’éditorialiste de Hospodářské noviny. « Ils cherchent tout simplement à dissimuler une forme de dégoût vis-à-vis d’une autre orientation sexuelle ou à rationaliser la nostalgie des temps ‘où les choses étaient immuables’ », écrit-il avant d’ajouter :

« L’argument en faveur du mariage homosexuel est en revanche irréfutable : cette nouveauté qui ne ferait de mal à personne aiderait beaucoup de gens, tout en augmentant le taux de bonheur au sein de la société ».

En Tchéquie, le ressentiment à l’égard des réfugiés ukrainiens est faible

A une exception près, le ressentiment à l’égard des réfugiés ukrainiens est étonnamment faible en Tchéquie. C’est ce que souligne une note mise en ligne sur le site Seznam Zprávy dans laquelle on peut lire :

Les réfugiés d’Ukraine | Photo: René Volfík,  iROZHLAS.cz

« Cette semaine, près de trois mois se sont écoulés depuis l’arrivée des premiers réfugiés ukrainiens sur notre territoire. Certains scénarios sombres prévoyaient qu’avec le temps qui passe, la société tchèque allait être beaucoup moins accueillante qu’au début. La fatigue d’une situation qui n’est pas très confortable et les fake news devaient attiser cette tendance. Tout donne pourtant à croire qu’un tel scénario ne se réalise pas. Certes, la vague de solidarité n’est plus la même qu’au début de la guerre. Il y a moins de gens à offrir un hébergement, on voit également s’engager moins de volontaires. C’est naturel et compréhensible. D’un autre côté, on ne voit pas pour autant s’accroître une quelconque animosité ouverte à l’égard des Ukrainiens. »

Cela dit, une forme d’aversion à l’égard des réfugiés existe en Tchéquie quand même. Pour le confirmer, le chroniqueur du site Seznam Zprávy donne un dernier exemple de la rhétorique habituelle de Tomio Okamura, chef du parti d’extrême droite Liberté et démocratie directe (SPD). Dans une récente interview pour la Télévision tchèque, celui-ci a habilement évité de critiquer directement la présence en Tchéquie des Ukrainiens pour s’en prendre à celle des Rom ukrainiens, « inadaptables » selon lui et « trop nombreux ». Le texte indique en conclusion :

«  A l’approche des élections municipales à l’automne, on peut s’attendre à ce que cette rhétorique nationaliste et xénophobe se durcisse. D’autant plus que l’espoir d’un retour proche des réfugiés ukrainiens dans leur pays d’origine demeure très incertain. »

Les défis liés à l’intégration scolaire des élèves ukrainiens

En septembre, la Tchéquie fera face à une nouvelle épreuve en lien avec la guerre en Ukraine. Il s’agira d’assurer à l’ensemble des enfants ukrainiens qui se trouvent dans le pays une scolarité satisfaisante. « Ce défi, la Tchéquie l’affronte jusqu’ici assez bien, mais le problème va s’aggraver avec la rentrée », indique un texte publié dans l’hebdomadaire Respekt. Son auteur explique :

Photo: Eva Malá,  ČRo

« Selon les dernières évaluations, la Tchéquie compte près de 100 000 réfugiés ukrainiens qui ont l’obligation d’être scolarisés. Un nombre qui correspond à celui d’écoliers qui entrent chaque année dans le pays en première classe. La plupart d’entre eux ne sont pas encore inscrits à l’école. Un autre problème, c’est que le gouvernement a décidé de mettre un terme à la situation provisoire qui permettait d’assurer à ces enfants et adolescents une aide spéciale. Autrement dit, au lieu d’être séparés, ces derniers seront répartis dans des classes avec des enfants et des instituteurs tchèques »

Ce projet correspond à la loi sur la protection des réfugiés, auquel tous les partis représentés au Parlement ont donné leur aval. Toutefois, comme le constate l’éditorialiste de Respekt, la situation réelle est loin d’être idéale. « Le problème, c’est en premier lieu le manque de places dans les écoles », explique-t-il. Pourtant, un scénario catastrophe n’est pas à attendre selon lui :

« Ce n’est finalement pas un nouveau projet bien réfléchi qui décidera du succès de l’intégration des enfants ukrainiens dans le système scolaire tchèque. C’est la bonne volonté des gens et la capacité d’improvisation propre aux Tchèques qui seront décisives. »

La « culture de la bière » tchèque sur la liste du patrimoine de l’UNESCO ?

La « culture de la bière » en tant que phénomène de la culture populaire tchèque mérite-t-elle d’être inscrite sur la liste du patrimoine immatériel de l’UNESCO ?, s’interroge un commentateur du site info.cz :

Photo: Michaela Danelová,  ČRo

« La demande d’inscription a été soumise par l’Union tchèques des brasseries et malteries, avec le soutien de l’association des micro-brasseries. Elle a puisé son inspiration en Belgique et en Bavière. De l’avis de son président František Šámal, la bière n’est plus et ce depuis longtemps une simple boisson, les brasseries (pivnice) tchèques constituant des centres de la vie culturelle et sociale. Un endroit qui, souvent, a été le théâtre d’importants moments historiques. »

Le texte rapporte que la « culture de la bière » tchèque se rangerait aux côtés de la Chevauchée des rois. Une fête populaire locale qui a été inscrite sur la liste du patrimoine immatériel en 2011, car sa tradition méritait d’être sauvegardée. Une coutume qui a été également largement évoquée dans le roman La Plaisanterie de Milan Kundera. Mais, comme le souligne le commentateur du site info.cz, « vu la grande notoriété mondiale dont la bière tchèque jouit déjà maintenant, il s’agirait ni plus ni moins que d’enfoncer une porte ouverte ».

Le Covid-19 est toujours là

Le Covid-19 ne nous a pas quittés et il continue à tuer. Un constat dressé dans une note publiée dans l’édition de ce jeudi du quotidien Mladá fronta Dnes. Son auteure remarque :

Photo: Martin Sanchez,  Unsplash,  CC0 1.0 DEED

« En février, le Covid-19 a disparu d’un jour à l’autre des médias, pour être remplacé par la guerre en Ukraine. La Télévision tchèque a cessé d’informer quotidiennement sur le nombre de personnes contaminées et décédées, elle a aussi stoppé son massage médiatique lié à la vaccination. Un extrême nourri pendant deux ans par les politiciens l’a cédé à un autre. Ce qui n’est pas sur le petit écran semble ne plus exister. Dans cette logique, les tests antigéniques sur les lieux de travail ainsi que les tests préventifs gratuits ont été annulés. Le port du masque n’est plus obligatoire même dans les hôpitaux. »

« Ce sont évidemment les personnes les plus menacées, celles que nous avons voulu protéger pendant deux ans, qui subiront les conséquences de cette approche irresponsable», conclue la bloggeuse.