Presse : Porter un autre regard sur la région des Sudètes

Cette nouvelle revue de la presse s’intéresse d’abord à la région des Sudètes, connue pour son histoire mouvementée, et à ce comment elle est vue aujourd’hui. Rappel ensuite, dans un contexte peu habituel, de l’anniversaire du 21 août 1968, date de l’entrée des chars russes dans l’ancienne Tchécoslovaquie. Quelques remarques également au sujet de la polémique provoquée par une vidéo dans laquelle apparaissait la cheffe de gouvernement finlandaise à une fête. L’aide et la compassion pour les Ukrainiens vont-elles perdurer ? Une question soulevée à la fin de cette revue de presse.

« Cessons de prendre la région des Sudètes pour celle des ruines romantiques, car il y a des gens qui vivent là-bas. » Tel est le titre d’un texte mis en ligne sur le site Seznam Zprávy, dans lequel l’auteur cherche à déjouer l’idée habituelle que se font les Tchèques de cette région frontalière de la Tchéquie, habitée avant la Deuxième Guerre mondiale majoritairement par une population germanophone, qui a ensuite été expulsée. Il explique :

Un poéziomat dans la région des Sudètes | Photo: Karel Cudlín,  Poesiomat

« En cherchant dans cette région uniquement des éléments sauvages, romantiques et mélancoliques, on enlève aux gens qui l’habitent aujourd’hui le droit de vivre leur situation authentique à leur manière et de décider de leur avenir. Un des derniers témoignages de cette approche, ce sont ce qui a été appelé ‘poéziomats’ que certains activistes ont installés dans sept localités différentes de l’ancienne région des Sudètes, et qui présentent des récits, des poésies et des chants traditionnels des anciens habitants. Evidemment, cette activité bénéfique permet d’attirer l’intérêt des visiteurs, et de maintenir des témoignages et le legs des gens qui ont été expulsés après la guerre. Mais elle est aussi un exemple typique des activités culturelles qui créent autour de ces localités un étrange mythe de mélancolie. »

La chute du régime communiste a ouvert le débat sur la question douloureuse du transfert des Allemands des Sudètes après la guerre et la dévastation ultérieure de la région. Le chroniqueur du site rappelle qu’à l’époque, beaucoup d’écrivains, de musiciens, de cinéastes et d’autres créateurs tchèques, impressionnés par l’histoire mouvementée de la région et la beauté de son paysage, se sont mis à vanter son atmosphère nostalgique et prétendument mystérieuse. Une tendance qui persiste jusqu’à nos jours. « L’obsession pour le passé et le génie du lieu empêche d’accorder de l’intérêt à sa vie présente, qui est pourtant étonnante et variée », écrit-il avant de souligner :

« La région des Sudètes ne devrait plus servir uniquement comme une toile de projection à des artistes, comme un terrain pour des randonneurs romantiques. C’est une région vivante, qui mérite la prospérité et une vie de qualité. Tous ceux qui souhaitent l’embellir de l’extérieur sont alors censés respecter les opinions et les priorités des gens qui l’habitent aujourd’hui. »

Un rappel du 21 août 1968 pas comme les autres

« Le rappel de l’invasion soviétique dans l’ancienne Tchécoslovaquie, le 21 août 1968, présentée à l’époque comme une aide internationale des troupes du Pacte de Varsovie, ne suscite désormais des émotions qu’auprès des témoins de l’événement. » Un avis exprimé par l’auteur d’une note publiée dans l’édition de samedi dernier du quotidien Lidové noviny, qui estime néanmoins que le rappel de l’anniversaire a été cette année un peu différent :

Août 1968 | Photo: Musée de la ville de Prague

« Les souvenirs du 21 août 1968, qu’ils soient personnels ou acquis, s’apprêtent à être confrontés à l’invasion russe en Ukraine. Certes, il existe beaucoup d’arguments qui confirment que ces deux invasions sont incomparables. Ils disent, par exemple, qu’à l’époque il s’agissait d’une affaire interne des pays membres du Pacte, et que l’Union soviétique – qui était le moteur de l’action – n’existe plus depuis une trentaine d’années. »

Une chose, selon le journaliste de Lidové noviny, demeure pourtant évidente : c’est que tant en août 1968 qu’en février 2022, Moscou a considéré que la sphère de son influence était perturbée et que, dans les deux cas, elle y a répondu par une opération militaire. S’il y a une différence, c’est que les Ukrainiens se défendent en combattant.

Toujours en rapport avec l’anniversaire du 21 août 1968, date de l’occupation de la Tchécoslovaquie par les chars russes, le journal en ligne Hlídací pes a posé une question pertinente : comment se fait-il qu’aujourd’hui, riche d’une expérience vieille de 54 ans, il y a une partie de la société tchèque qui sympathise avec le Kremlin et la guerre qu’il mène en Ukraine ?

Quel comportement revient à un dirigeant politique dans sa vie privée ?

Le quotidien économique Hospodářské noviny s’est penché sur la leçon tchèque à tirer de la vidéo dans laquelle apparaissait la Première ministre de la Finlande Sanna Marin en train de danser avec des amis. D’après ce qu’il écrit, la polémique qui l’accompagne prouve que nos sociétés, y compris celle de la Tchéquie, sont plus conservatrices qu’elles ne le croient :

Source: Ubaidillah,  Pixabay,  Pixabay License

« En premier lieu, le flot de critiques témoigne de l’idée enracinée qui veut qu’un dirigeant politique évite certaines choses. Ainsi, une jeune cheffe de gouvernement qui s’amuse et qui danse paraît mal à propos. C’est un écho des temps féodaux et des souverains très éloignés de la population. Aujourd’hui, c’est un homme d’âge moyen, vêtu d’une veste ou, le cas échéant, une femme pas très jeune et en costume, qui répondent le mieux à l’image courante d’un haut représentant politique. »

Dans beaucoup de pays, le jeune âge constitue en politique un point négatif. En Tchéquie, comme le précise le journaliste, cet « âgisme à l’inverse » est même fixé dans la constitution. Pour certains élus comme le président de la République et les sénateurs, en effet, la limite d’âge de quarante ans fait partie de leur qualification. « L’expérience de la vie réelle prouve pourtant que l’âge ne garantit pas forcément une sagesse supérieure, bien au contraire », remarque-t-il sur un ton ironique avant de noter :

« Il n’est donc pas étonnant que ce soit les conservateurs d’un certain âge qui sont le plus indignés par la présence de Sanna Marin à une soirée. »

Pour que l’intérêt pour l’Ukraine ne s’affaiblisse pas

La date du 24 août, marquant les six mois écoulés depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, a permis au journaliste du site aktualne.cz d’estimer que « tout en ayant déclenché un enfer, le président russe a mis en œuvre des forces qui lui résistent et auxquelles il finira par se soumettre ». Mais son optimisme, s’agissant de la future compassion pour les Ukrainiens, est prudent :

Photo illustrative: Petr Bušta,  ČRo

« A l’heure actuelle, les gens – en Tchéquie comme ailleurs – sont confrontés à beaucoup de problèmes d’ordre local, dont en premier lieu l’explosion des prix d’énergies ou la hausse des prix des denrées alimentaires. Les six mois constituent une période assez longue pour que l’on ‘s’habitue’ au fait qu’il y ait une guerre à quelques centaines de kilomètres de chez nous, et que le pays ait accueilli quelque 300 000 réfugiés ukrainiens. Certes, on ne saurait être bouleversés par les actes de Poutine comme au début. De même, on peut comprendre que notre solidarité, financière et autre, s’est amoindrie. Mais il ne faut à aucun cas se soumettre à la lassitude et à l’indifférence à l’égard de ce qui se passe en Ukraine. »

Ce sont en premier lieu les initiatives et les associations civiques, comme celle de People in Need, qui encouragent la volonté des Tchèques d’aider l’Ukraine et ses habitants. En conclusion, le journaliste indique quelque chiffres « dont nous autres citoyens tchèques pouvons être fiers » :

« Comparé au nombre d’habitants, la Tchéquie a accueilli le plus grand nombre de réfugiés ukrainiens. Elle est aussi la troisième destination sollicitée dans le cadre de l’Union européenne. En fonction de l’aide humanitaire accordée à l’Ukraine, elle occupe à l’échelle mondiale la septième place. Son aide militaire la situe dans ce même contexte à la sixième place. »