Prêt-à-porter : « la crise a amené beaucoup d’opportunités pour entrer dans les centres commerciaux »

Palladium

Petr Fuksa est directeur commercial de la société Exico, une société tchèque qui détient également une franchise pour les magasins de lingerie Women’secret et Etam. A l’heure du bilan des soldes en cette mi-août, il décrypte les particularités du marché du prêt-à-porter en Tchéquie.

« Au début des années 1990, il n’y avait quasiment aucune marque étrangère présente en République tchèque. Ça a commencé petit à petit avec les premières galeries commerciales mais c’était surtout des marques que l’on connaissait d’Autriche et d’Allemagne. Dans le prêt-à-porter par exemple, il y avait Palmers, il y avait Triumph. Ça a donc commencé petit à petit. Aujourd’hui, le marché est très saturé. Il faut voir que la Tchéquie représente 10 millions d’habitants, donc 10 millions de consommateurs potentiels, et pour ces 10 millions, il y a toutes les marques que vous pouvez imaginez. Des marques qui sont en France mais aussi en Allemagne. Donc il est bien plus difficile de gagner ces parts de marché, d’autant plus pour des marques qui ne sont pas tellement connues et qu’il faut lancer et présenter aux clients et clientes. »

Effectivement, depuis quelques années, depuis environ 10 ans, on a vu les rues de Prague – ne serait-ce que pour Prague – s’enrichir d’énormément de magasins de marques que l’on retrouve dans toutes les capitales européennes. Les Tchèques achètent-ils beaucoup de vêtements, sachant que les vêtements sont relativement chers par rapport au salaire moyen tchèque. Quel est donc le profil du consommateur moyen tchèque ?

« Le profil ne diffère pas tant d’un consommateur ou d’une consommatrice en France. La différence, c’est le revenu. Lorsqu’on compare le prix d’un soutien-gorge pour une Parisienne, ce n’est pas la même chose que pour une Praguoise. Malgré le fait que souvent les prix sont un peu plus élevés, les clientes apprécient la qualité et les marques. Si bien que les chiffres d’affaire par mètre carré ne sont pas tellement différents entre Prague et Paris, si je ne prends pas les extrêmes comme les meilleurs centres commerciaux à Paris. Mais en moyenne, ce n’est pas tellement différent. Il est vrai que la perception de la marque n’est pas la même en Tchéquie et en France. En République tchèque, Etam est un produit moyen-haut de gamme, ce qui n’est pas le cas en France, ou c’est plutôt un produit moyen-bas de gamme. »

Etam est une marque française. Sur le marché tchèque, il y a d’autres enseignes françaises, comme Camaieu ou Promod. Il y a aussi beaucoup de sociétés espagnoles comme Zara ou Mango. Le fait d’être une marque française, venant de Paris, capitale de la mode, est-il toujours un bon argument pour séduire les consommatrices tchèques ?

« On peut l’espérer. Il est vrai que l’on présente Etam comme une marque française, de Paris. Mais Madrid est aussi une ville de mode, au moins européennement reconnue. Nous avons aussi une franchise espagnole, Women’ secret, aussi dans la lingerie, et là, on joue plus le côté soleil, le côté mode à l’espagnole. »

Y a-t-il des marques de prêt-à-porter tchèques qui réussissent à résister sur le marché tchèque ? On a l’impression de voir un marché composé presque exclusivement de marques étrangères.

« Il y a des marques. Notre marque de chaussures, qui existe depuis 1968, est un exemple. Il y a du prêt-à-porter masculin et féminin, Pietro Filipi, par exemple. Il y en a, mais il est vrai, sauf exception, que ces marques sont remplacées sur le marché par les grandes marques internationales. »

On parle beaucoup de crise et de restriction. Sentez-vous une baisse sur le marché tchèque ? Est-ce de plus en plus difficile pour les consommateurs tchèques d’acheter des vêtements ?

« On le sent. Les deux dernières saisons ont été moins bonnes que les saisons précédentes. Il n’y a pas de vrai raison, c’est plutôt une question psychologique. Il n’y a pas tant d’augmentation du chômage en Tchéquie pour justifier une telle baisse dans les chiffres d’affaire. Néanmoins, la crise a amené beaucoup d’opportunités pour rentrer dans les centres commerciaux ou c’était difficile ou impossible, parce qu’il y a des marques qui disparaissent, qui font faillite, et qui libèrent des places et des beaux emplacements dans les beaux centres commerciaux. Et pour ceux qui sont prêts, c’est une occasion unique qui ne va pas se répéter dans les quinze ans à venir. »

La période des soldes est pratiquement terminée. Est-ce un moment important pour les magasins en République tchèque ? Quelle est le bilan cette année ?

« Les soldes sont importantes. La différence entre la France et la Tchéquie, c’est qu’en Tchéquie, il n’y a pas de loi qui limite les soldes. Vous pouvez donc les faire à n’importe quel moment. Mais comme partout dans le monde, les soldes ne sont pas faites pour gagner de l’argent mais plutôt pour éliminer les dégâts, pour revenir à zéro, pour vider les stocks et pour laisser la place à la nouvelle marchandise. C’est un phénomène, avec la crise peut-être un peu plus, mais avec les deux, trois ou quatre dernières années, on sent que le consommateur s’habitue très vite aux soldes et souvent il attend. C’est une réaction logique, mais nous, en tant que commerciaux, on n’en est pas très heureux. Mais nous n’avons pas le choix. »