En République tchèque, le marché de la seconde main en plein essor
Avec une nouvelle génération davantage engagée pour l’écologie, la mode est aujourd’hui aux vêtements de seconde main. Friperies, vintage stores et plateformes en ligne connaissent de plus en plus de succès à travers le monde, et la République tchèque ne semble pas en reste.
Un des points positifs à tirer de la pandémie est qu’elle a engendré de multiples modifications dans nos comportements, et ce notamment concernant le recyclage de vêtements. Dans un rapport publié par Save on Energy en 2020, la République tchèque a d’ailleurs été classée dixième meilleur pays d’Europe dans ce domaine. Cela passe, entre autres, par l’achat et la revente de vêtements d’occasion dans des magasins spécialisés (friperies ou vintage store) ou encore sur Internet. De nombreuses friperies se sont d’ailleurs développées à Prague ces dernières années. Sébastien Eloy, co-gérant du vintage store Young Dust, qui a ouvert ses portes en 2020 dans le quartier de Žižkov, témoigne :
« Le marché de la friperie basique, où ce sont des vêtements pas chers qui proviennent d’entrepôts de recyclage, est déjà assez développé. Il y en a beaucoup à Prague et partout en République tchèque, mais aucune sélection n’y est faite. Ils importent cela en masse. D’un autre côté, sur le marché du vintage, quelques-unes ont ouvert en même temps que nous, donc ça se développe de plus en plus, ça devient plus populaire. »
Une approche de la mode qui plaît donc de plus en plus en République tchèque, notamment du fait d’un engagement écologique relativement important de la part des plus jeunes qui représentent en effet une part importante de la clientèle adepte de la seconde main comme l’explique Sébastien Eloy :
« Surtout pour les jeunes entre 15 et 30 ans notamment parce qu’ils sont de plus en plus éco-conscients, et la seconde main c’est beaucoup plus écologique. A l’échelle mondiale, le marché de la mode est responsable pour 10 % des émissions de gaz. C’est une industrie qui pollue beaucoup, la production en masse, la fast-fashion est très polluante, donc les gens commencent à penser à cela. Je pense que le vintage plaît aussi beaucoup parce que c’est comme une chasse au trésor. Tu vas dans une boutique vintage ou une friperie et tu recherches des pièces qui sont uniques, pour lesquelles il n’existe aucune chance de les retrouver ailleurs. C’est surtout cela qui me plaît, ainsi que les matériaux de qualité comme des jeans Levis ou des vestes en cuir qui ont une durée de vie de dix, vingt, voire trente ans. Nous sommes en compétition avec la fast-fashion, et non avec les autres friperies, et nous essayons de changer cet état d’esprit. Il y a encore beaucoup de travail à faire ; même si ça commence à se développer, je pense qu’il y a encore du travail. »
Des explications qui se retrouvent dans le discours de plusieurs clients. En effet, Prune, étudiante française à Prague confie :
« Il y a deux ans j’ai décidé de ne plus acheter de vêtements neufs, donc c’est ici que j’achète principalement mes vêtements. J’ai banni la fast-fashion. C’était d’abord pour des principes écologiques, mais je m’y retrouve aussi au niveau du prix parce que c’est moins cher. C’est aussi pour l’originalité, parce que les pièces que je vais pouvoir trouver sont différentes de celles que nous pouvons trouver à Zara, celles que tout le monde porte, donc finalement c’est vraiment bien sur plusieurs points. »
Un avis partagé par Léopold, originaire de Paris, ainsi que Sacha, étudiant Erasmus lyonnais présent dans la capitale tchèque pour six mois :
« Je suis d’accord, il y a des vêtements plus originaux, et les vêtements dans les friperies ont déjà vécu donc nous savons qu’ils vont tenir longtemps, alors que dans les magasins de fast-fashion, ils ne tiennent vraiment pas longtemps. »
« Je mentionnerais le côté écologique, surtout quand on pense que la partie la plus polluante dans le secteur du textile sont les chutes de tissu. Outre cette dimension écologique, il y a aussi le côté économique qui n’est pas négligeable. Il y a quelques jours, par exemple, j’ai trouvé un pull Lacoste en très bon état, qui m’est revenu à quatre euros, ce qui est très intéressant. »
Si plusieurs motifs semblent expliquer cette volonté de se tourner désormais davantage vers des vêtements d’occasion, tous s’accordent sur l’aspect écologique de ceux-ci, notamment en comparaison avec les grandes chaînes. En effet, l’achat de vêtements déjà portés évite la surconsommation et les déchets. C’est d’ailleurs également ce que pense Maxence, qui évoque le potentiel impact que pourrait avoir la seconde main sur l’environnement.
« Un pull fait le tour du monde au moins deux fois avant d’arriver sur nos épaules, pour qu’on le porte seulement trois fois, cela pollue énormément. Je pense donc que le fait d’acheter de la seconde main aide beaucoup. L’idéal serait de ne plus autant acheter de vêtements, mais pour commencer, je pense que c’est une super option ».
Un avis partagé par Sébastien Eloy, qui mentionne également d’autres techniques pouvant donner une nouvelle vie aux vêtements et ainsi réduire l’empreinte écologique de notre armoire :
« Je pense que la seconde main est un grand pas vers l’avant, parce que la production en masse, la fast-fashion présente d’abord cet aspect de pollution. Par exemple, pour fabriquer un seul jean, il faut des centaines de litres d’eau. Nous n’y pensons pas mais cela peut paraître énorme. Il y a également la question des déchets. Beaucoup d’habits, des centaines de tonnes terminent à la déchèterie, ce qui est dommage quand on voit qu’ils peuvent être réutilisés. Beaucoup de boutiques vintage sélectives se tournent aussi vers l’upcycling, qui consiste à prendre un habit et à le retransformer en un objet différent. C’est ce que nous commençons à faire aussi : nous faisons de la peinture, du bleaching (qui signifie décolorer notamment avec de l’eau de Javel, ndlr), du tie and dye avec des couleurs. Nous essayons aussi de customiser les habits. C’est plus intéressant, et cela rend les vêtements encore plus uniques. »
Acheter des vêtements de seconde main ne passe cependant pas seulement par les friperies et les vintage stores : beaucoup de personnes s’y tournent en passant par Internet, que ce soit sur les sites web des magasins ou sur les plateformes en ligne spécialisées dans l’achat et la revente d’articles de seconde main telles que Vinted. Victime d’un franc succès en France, la plateforme a aussi sa version tchèque (Vinted.cz). La majorité des personnes interrogées affirment d’ailleurs y recourir massivement dans leur pays d’origine, et vouloir essayer cette version durant leur séjour en République tchèque.
Si la République tchèque semble légèrement en retard par rapport à la France concernant le secteur de la seconde main sélective, elle ne se laisse donc toutefois pas distancer et elle suit le mouvement vers une industrie de la mode tournée vers plus de durabilité.