Prisonnier politique, Adolf Kajpr pourrait être le premier jésuite tchèque béatifié
Il y a deux ans, les jésuites tchèques ont lancé le processus menant à la possible béatification du prêtre et journaliste Adolf Kajpr, mort en prison en 1959. Début janvier, ils ont achevé la première étape de la procédure en expédiant, à Rome, des piles de documents relatifs à la vie et à l’engagement de ce personnage hors du commun, prisonnier des nazis puis des communistes.
Né en 1902 en Bohême centrale, Adolf Kajpr a perdu sa mère à l’âge de trois ans et son père un an plus tard. Orphelins, son frère et lui ont été élevés par leur tante, dans un milieu pauvre. Initié d’abord au métier de meunier, le jeune Adolf parvient ensuite à accéder, à l’âge de 24 ans, au Lycée archiépiscopal de Prague-Bubeneč. Pendant ses études secondaires, il rejoint la Compagnie de Jésus et est ordonné prêtre en 1935, après avoir été formé en Belgique et en Autriche. Il passe ensuite sa troisième probation au sein de la communauté jésuite de Paray-le-Monial, en France.
De retour à Prague, Adolf Kajpr exerce son ministère à l’église Saint-Ignace, sur la place Charles, et collabore avec plusieurs périodiques catholiques. Ses expériences, son érudition et son charisme font de lui un prêtre réputé pour ses sermons dans tout Prague, comme l’explique le journaliste Pavel Hlavatý :
« Ses talents de journaliste et de prédicateur se rejoignent. En tant que prêtre, il savait s’adresser non seulement aux intellectuels, mais à tout un chacun qui venait dans son église. Ses sermons n’étaient jamais détachés de la vie de tous les jours et il savait comment s’exprimer pour être compris par tout le monde. »
Critique vis-à-vis du régime nazi, Adolf Kajpr est interné, pendant la Seconde Guerre mondiale, dans les camps de Terezín, Mauthausen et Dachau. En mai 1945, il revient à Prague et enchaîne immédiatement avec ses activités d’avant-guerre. Il se consacre au travail avec la jeunesse et dirige le magazine Katolík (Catholique), où il publie ses brillants commentaires sur la vie spirituelle, politique et publique. Pavel Hlavatý :
« Ce travail rédactionnel était sa principale activité dans la période 1945-1948. C’était une revue remarquable qui publiait des textes polémiques sur des sujets d’actualité brûlante : sur la nationalisation des entreprises, sur les biens de l’Eglise, sur l’expulsion des Allemands de la Tchécoslovaquie ou encore sur l’époque de la Première république.
Des ecclésiastiques et écrivains remarquables y contribuaient et, évidemment, leur esprit critique était vu d’un très mauvais œil par les communistes. Par conséquent, le magazine a été interdit immédiatement après leur prise de pouvoir en Tchécoslovaquie. Son dernier numéro a paru le 29 février 1948 (soit quatre jours à peine après le Coup de Prague, ndlr). »
En 1950, Adolf Kajpr a été arrêté, inculpé de haute trahison et condamné à douze ans de prison ferme à la faveur d’un procès truqué. Il est mort d’une crise cardiaque en 1959 dans la prison de Leopoldov. Ses cendres ont été transférées en 1968 au cimetière de Vyšehrad. Depuis 2019, elles reposent à l’église Saint-Ignace.
Même si Adolf Kajpr a adressé à la fin des années 1930 plusieurs messages aux auditeurs de la Radio tchécoslovaque, aucun enregistrement de sa voix ne s’est conservé jusqu’à nos jours. Toutefois, ses textes ont été publiés, ainsi que les témoignages de ses amis codétenus, pour lesquels il a organisé des conférences de théologie et de philosophie.
Considéré par beaucoup comme un martyre du régime communiste, Adolf Kajpr pourrait devenir le premier jésuite tchèque déclaré « Bienheureux » par le pape.