Privatisation de la société minière de Most : 600 millions de francs suisses saisis et 7 inculpés
Sept personnes, parmi lesquelles six hommes d’affaires tchèques, ont été inculpées en Suisse dans une affaire supposée de blanchiment d’argent et de criminalité économique. Communiquée, lundi, par le ministère public de la Confédération helvétique, l’information a fait les gros titres de la presse tchèque mardi. 600 millions de francs suisses (environ 12,2 milliards de couronnes) répartis sur une centaine de comptes bancaires ont été bloqués en Suisse. Cette somme proviendrait de la privatisation douteuse, à la fin des années 1990, de la société minière de Most, en Bohême du Nord, Mostecká uhelná společnost.
A l’époque, Mostecká uhelná a été rachetée par des membres de ses organes dirigeants au moyen de fonds appartenant à la société houillère même. Journaliste à l’hebdomadaire Respekt, Jaroslav Spurný suit le dossier depuis le début :
« Les six Tchèques inculpés sont d’anciens managers de la société qui ont privatisé celle-ci en deux fois à la fin des années 1990 puis au début des années 2000. Ils ont d’abord utilisé l’argent de la société pour en acquérir une première partie avant d’en acheter une seconde partie au gouvernement à un prix établi très bas, quinze fois inférieur au moins à la valeur réelle de la société à l’époque. »
Plus qu’à la privatisation même, les enquêteurs suisses se sont toutefois surtout intéressés aux flux d’argent, et ce depuis 2005 et la découverte de virements et transferts de plusieurs milliards dans certaines banques suisses. Jaroslav Spurný :
« Les enquêteurs suisses se sont effectivement surtout intéressés aux mouvements d’argent. Plus de 10 milliards de couronnes ont par exemple disparu du fonds destiné à l’assainissement du paysage prévu après l’exploitation des mines. Cet argent a été partiellement utilisé par les managers pour racheter la société. Il a ensuite bougé sur différents comptes bancaires en Suisse et dans d’autres pays. C’est la raison pour laquelle le parquet suisse a ouvert une procédure pénale. »
Après « six ans d’enquête financière internationale complexe », comme mentionné dans son communiqué publié lundi, le ministère public de la Confédération, l’organe d’investigation et accusateur public en Suisse, a considéré que les soupçons établis étaient suffisants pour engager une accusation. Concrètement, le parquet reproche donc aux six hommes d’affaires tchèques, ainsi qu’à un autre belge, ancien administrateur au Fonds monétaire international, « d’avoir mis sur pied une structure de sociétés particulièrement complexe dans différents pays dont la Suisse » avec pour but de « détourner à des fins privées des avoirs de la société, afin de leur permettre d’en devenir propriétaire sans débourser un centime ». Toujours selon l’accusation, une partie importante de ces avoirs a donc été transférée et blanchie en Suisse, d’où le blocage provisoire des 600 millions de francs suisses en attendant l’ouverture d’un procès.En République tchèque, la justice, qui avait elle aussi mené une enquête, avait classé l’affaire en 2008, après n’y avoir rien trouvé d’illégal. Quant à l’Etat, qui était co-propriétaire de la société minière de Most au moment de la privatisation, il a fait savoir, par la voix du ministre des Finances, Miroslav Kalousek, qu’il ne se sentait pas lésé…