Prix « Mémoire de la nation » - le devoir de ne pas oublier

Photo: Lukáš Žentel

Pour la quatrième année consécutive, les prix « Mémoire de la nation » ont été attribués dimanche à l’occasion de la fête nationale du 17 novembre marquant le début des manifestations qui ont abouti à la chute du régime communiste en Tchécoslovaquie en 1989. Les prix ont été créés par Post Bellum, une association civique qui regroupe journalistes et historiens et s’occupe de l’archivage des déclarations des témoins de l’époque totalitaire. Cette année, quatre personnes ont été récompensées pour leur activité de résistance. Radio Prague vous livre un aperçu de ces quatre lauréats et rappelle le pourquoi d’une telle initiative.

Dana Němcová,  photo: CT
Depuis 2001, Post Bellum rassemble des témoignages d’époque. En collaboration avec la Radio tchèque et l’Institut pour l’étude des régimes totalitaires, l’association a mis en place une base de données numérique accessible à tous sur Internet. Depuis le lancement de ses activités il y a douze ans de cela, les membres de Post Bellum ont recueilli les témoignages de 3 581 personnes victimes des régimes fasciste ou communiste. Chaque 17 novembre depuis 2010, l’association distingue également plusieurs personnes dont l’histoire peut servir d’exemple aux générations futures. Cette année, quatre personnalités ont été mises à l’honneur : Felix Kolmer, František Weindl, Jiří Stránský et Dana Němcová.

Survivant des camps de concentration d’Auschwitz, de Birkenau et de Friedland, Felix Kolmer a aidé, lorsqu’il était âgé de 22 ans, plusieurs dizaines de Juifs à s’échapper du ghetto de Terezín après y avoir découvert une sortie secrète par un tunnel. S’il est lui aussi parvenu à s’échapper à deux reprises du ghetto, il y est toujours revenu par la suite. Lui-même a été déporté à Auschwitz en 1944. Lors de la cérémonie de la remise des prix dimanche, Felix Kolmer est toutefois resté modeste :

« Je voudrais remercier Post Bellum et l’initiative La Mémoire de la nation d’avoir pensé à moi, même si je ne me sens pas comme un héros. Pour moi, sauver ces personnes était tout à fait normal. »

Felix Kolmer,  photo: CT
Âgé de 91 ans, Felix Kolmer a profité de l’occasion pour faire passer un message aux plus jeunes :

« Je voudrais seulement dire à la jeune génération qu’elle protège sa liberté. Même si la liberté possède certains aspects qui ne sont pas tout à fait agréables à l’heure actuelle, l’essentiel reste la liberté en elle-même. »

Dissidente et mère de sept enfants ayant compté parmi les fondateurs de la Charte 77, Dana Němcová, elle, a été emprisonnée en 1979 pour une durée de six mois avant de rester sous constante surveillance policière. Avec son mari, Dana Němcová a créé un centre d’opposition au régime communiste dans son propre appartement. Pour justifier ses actions de résistance, Dana Němcová invoque non seulement ses enfants, mais aussi le mot « évidence » :

« Nous étions capables de solidarité pour défendre certains principes de base et prendre soin les uns des autres, sans rester silencieux devant l’injustice et les torts permis par le passé. C’est un grand honneur pour moi de recevoir ce prix, même si, personnellement, je l’attribuerais plutôt aux jeunes gens qui se concentrent sur le passé afin d’en puiser des éléments. »

František Wiendl,  photo: CT
Autre récompensé, František Wiendl, résistant de la Seconde Guerre mondiale, a fait passer vingt-huit personnes à l’Ouest en février 1948, au moment de la prise du pouvoir par les communistes. Reconnu coupable de trahison, František Wiendl a passé dix ans en prison à partir de 1950. En novembre 1989, il a été un des fondateurs de la Confédération des prisonniers politiques.

Enfin, la quatrième personne distinguée dimanche a été l’écrivain et scénariste Jiří Stránský. Avec l’avènement du régime communiste, Jiří Stránský a été torturé, accusé de haute trahison puis condamné à huit ans de prison, dans un procès monté de toutes pièces. Le régime lui avait ensuite proposé une remise en liberté en échange de sa signature sur sa demande de grâce. Il avait refusé, en argumentant qu’il ne pouvait pas solliciter une demande de grâce en étant innocent. Jiří Stránský dévoile ce qui lui a aidé à survivre dans les moments les plus difficiles :

Jiří Stránský,  photo: CT
« Même quand on se sent terriblement mal, on ne veut pas offrir ce plaisir à ceux qui nous oppriment et montrer à aucun moment que l’on est à genoux. Ce principe m’a aidé de nombreuses fois. »

D’autres institutions, ainsi que des particuliers de République tchèque et de l’étranger, fournissent par d’autres données les archives numériques de la « Mémoire de la nation » ; des données qui font ainsi partie de la Communauté de la mémoire européenne. La volonté de ne pas négliger les histoires personnelles qui se sont déroulées sur un arrière-plan historique, mais ont surtout été provoquées par celui-ci, est le principal moteur de cette initiative. Vingt-quatre ans après la chute du communisme en République tchèque, la conservation de la mémoire des citoyens tchèques s’avère plus qu’indispensable.