Prix Nobel de la paix : « Et vous, les Tchèques, pourquoi êtes-vous dans l’Union européenne ? »

Photo: CTK

Lundi 10 décembre, l’Union européenne a reçu le prix Nobel de la paix 2012, pour son rôle dans la transformation d’un continent de guerre en continent de paix. La République tchèque fait partie des quelques rares pays à avoir boudé la cérémonie tenue dans la capitale norvégienne : celle-ci serait un acte insignifiant pour le président de la République Václav Klaus qui, quelques jours plus tôt, avait refusé de signer le Mécanisme européen de stabilité, étant ainsi le seul dirigeant européen à avoir empêché son pays de ratifier le traité créant ce fonds de soutien permanent de l’UE. Tout au long de cette semaine, les médias tchèques s’interrogent sur ce message tchèque et, plus généralement, sur la place du pays au sein de l’Europe.

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Une vingtaine de chefs d’Etat et de gouvernement ont assisté, lundi dernier, à l’Hôtel de Ville d’Oslo, à la cérémonie de remise du prix Nobel de la paix à trois hauts représentants de l’Union européenne. Celle-ci a donc été récompensée pour son action menée depuis plus de soixante ans pour faire avancer la paix et la réconciliation, la démocratie et les droits de l'homme. Six dirigeants d'Etats membres dont le Premier ministre britannique David Cameron, étaient absents de cet acte solennel. Parmi eux, le président tchèque Václav Klaus pour qui le refus de l’idée d’une Europe unie est une question de principe. Le Premier ministre Petr Nečas, lui, a expliqué son absence par un agenda surchargé.

Si le Nobel de la paix pour une Union européenne engluée dans une profonde crise ne fait pas l’unanimité, le président tchèque se range parmi ses critiques les plus virulents. L’attribution du prix à une institution bureaucratique serait, d’après lui, « une erreur tragique ». On écoute Václav Klaus :

Václav Klaus,  photo: CTK
« Je suis sûr que personne n’aurait remarqué notre absence à la cérémonie, si les médias tchèques n’avaient pas joué leur jeu habituel, s’ils n’avaient pas relayé cette information. C’est un fait insignifiant qui ne mérite aucun débat. »

Alors que le chef de la diplomatie tchèque Karel Schwarzenberg, qui aurait pu remplacer le chef de l’Etat et le Premier ministre à Oslo, à l’instar du vice-Premier ministre britannique Nick Clegg, a refusé de s’exprimer sur la question, l’absence tchèque à la remise du prix Nobel a été vue d’un très mauvais œil par l’opposition social-démocrate. On écoute le vice-président de la Chambre des députés Lubomír Zaorálek :

Lubomír Zaorálek,  photo: CTK
« Notre entrée dans l’UE, en 2004, a été suivie de la plus importante croissance économique de notre histoire. Notre pays, de par sa taille, n’est pas capable d’assurer lui-même sa sécurité et sa prospérité. Or, notre comportement est inapproprié et immature. En plus, c’est une attitude qui se répète. Les Tchèques ne viennent à Bruxelles que lorsqu’il s’agit de distribuer de l’argent. Lors du dernier sommet européen consacré au budget de l’Union pour les sept prochaines années, personne ne s’intéressait à l’avis de la République tchèque. Cela veut dire une chose : nous vous laissons indifférents, alors nous, nous adopterons la même attitude envers vous. »

Petr Honzejk, l’envoyé spécial du quotidien économique Hospodářské noviny à Oslo, confirme, dans son reportage, les propos du vice-président du Parti social-démocrate. « Pourquoi êtes-vous dans l’Union européenne, alors que vous faites semblant de ne pas y être ? », lui a demandé un journaliste japonais.

José Manuel Barroso  (au centre),  photo: CTK
Quelque peu frustré par l’absence de délégation de Prague, son collègue tchèque a quand même eu droit à une certaine satisfaction : dans son discours, le président de la Commission européenne José Manuel Barroso a rappelé que ce sont les idées de l’ancien président tchèque Václav Havel qui constituent les bases de l’intégration européenne.

Enfin, dans la récente édition de l’hebdomadaire Respekt, Jiří Sobota écrit : « Il est facile de ne pas se rendre à Oslo. Mais d’autres démarches, beaucoup plus difficiles, attendent désormais les adversaires d’une Europe unifiée : expliquer comment ils voient l’avenir de notre pays dans le cas où nous y serions isolés. » Une question qui ne sera peut-être plus vraiment d’actualité après le départ de Václav Klaus du Château de Prague, en mars prochain.