Qualité de l’eau : à Prague, la Vltava n’est pas aussi polluée que la Seine, mais...

La rivière Vltava et le pont Charles

Les Jeux olympiques de Paris continuent de battre leur plein et, ce mercredi, les premières épreuves de triathlon ont même finalement bien pu bien se tenir avec, comme inititalement prévu par les organisateurs, la partie natation dans la Seine. La faute à une qualité de l’eau du fleuve insuffisante, malgré les nombreux investissements réalisés, la course a failli être transformée en un duathlon, avec seulement cyclisme et course à pied. Reste cette question : la Seine constitue-t-elle une exception ou la pollution des rivières dans les grandes villes constitue-t-elle un problème global ? En Tchéquie, la Vltava fait preuve de plus d’exemplarité, mais peut-être plus pour très longtemps.

Sur les bords de la Vltava ou depuis les ponts qui l’enjambent, se faire une idée digne de ce nom de la qualité de l’eau de la rivière n’est pas chose aisée. On y voit tout à la fois des animaux qui semblent apprécier leur baignade, mais aussi, par exemple, des déchets plastiques, dans une eau plutôt opaque.

Hana Zvěřinová Mlejnková | Photo: Institut de recherche sur la gestion de l’eau T. G. Masaryk de Prague

Selon Hana Zvěřinová Mlejnková, directrice du département de microbiologie à l’Institut de recherche sur la gestion de l’eau T. G. Masaryk de Prague, la Vltava, à l’instar de la Seine, est en proie à de nombreuses sources de pollution. « La qualité de la Vltava est principalement influencée par l’homme et les déchets qu’il produit, souligne la chercheuse. Les eaux usées sont la principale source de pollution des grandes rivières comme la Vltava : celles des égouts, des industries et de l’agriculture. »

Et si la rivière peut en éliminer une grande partie elle-même grâce à son important débit, il reste néanmoins parfois une trop grande quantité de polluants : « La rivière est polluée par des nutriments, des polluants organiques ou inorganiques, des polluants synthétiques et d’autres polluants spécifiques ainsi que par une pollution fécale. Ces sources de pollution peuvent inclure des micro-organismes qui peuvent être à l’origine de maladies graves. »

La Seine pendant les Jeux Olympiques | Photo: Kateřina Srbková,  Radio Prague Int.

À Paris, par exemple, les seuils des bactéries Escherichia coli et entérocoques étaient encore trop élevés mardi, faisant ainsi courir un trop grand risque aux athlètes qui se baigneraient dans la Seine.

En Tchéquie, la qualité de l’eau de la Vltava s’est améliorée durant les dernières décennies. « La première étude bactériologique sur la Vltava a été réalisée en 1931. Dans cette étude, une surveillance ponctuelle de la présence de micro-organismes a été réalisée dans la section allant du pont de Zbraslav au barrage de Roztoky. Par rapport à l'étude réalisée dans les années 1990 et à l'état actuel, on a constaté une diminution de la contamination microbienne de plusieurs ordres de grandeur, ce qui est très positif », commente Hana Zvěřinová Mlejnková.

Station d'épuration des eaux usées de Prague | Photo: ŠJů,  Wikimedia Commons,  CC BY-SA 3.0

Ces améliorations sont imputées à l’amélioration des technologies de traitement des eaux usées (stations d’épuration, traitement de l’eau par lumière à ultraviolet…), à la diminution des rejets des eaux industrielles et à un changement plus global des mentalités sur le respect de l’environnement.

Ce qui différencie surtout Prague de Paris, c’est son système de traitement des eaux usées municipales. Même en cas de fortes pluies, les égouts de Prague et ses stations d’épuration arrivent à traiter de grandes quantités. À Paris, les lourds investissements réalisés par la municipalité restent encore insuffisants pour améliorer davantage la situation. Quand il y a des fortes précipitations, comme lors des orages en été, l’eau est souvent rejetée directement dans la Seine, sans avoir pu être traitée.

La réserve naturelle Podhoří | Photo: Miloš Turek,  Radio Prague Int.

C’est également le cas parfois à Prague, mais ces rejets sont plus rares et en moins grandes quantités. « Entre 2018 et 2021, nous avons examiné la qualité de l’eau de baignade de la Vltava à Prague. Au niveau géographique, la qualité était acceptable pour nager jusqu’à Císařský ostrov. Et en dessous de l’embouchure de la station d’épuration, la qualité de l’eau se détériore, mais à Řež déjà, elle est à nouveau bonne », commente ainsi la microbiologiste.

Tout pourrait cependant basculer pour la Vltava dans un futur proche avec le réchauffement climatique, et ce, pour trois raisons principales. D’abord, « on constate une augmentation de la pollution due à la hausse des températures de l’eau » explique Hana Zvěřinová Mlejnková. Ensuite, « il pourrait y avoir davantage de rejets d’eaux non traitées si nous avons davantage de pluies torrentielles », un phénomène météorologique dont la fréquence augmente avec le dérèglement climatique.

Enfin, « la réduction des débits d’eau est problématique » car même si la Tchéquie n’augmente pas sa quantité d’eaux usées rejetées dans la Vltava, il suffit que la quantité d’eau saine qui arrive en amont diminue pour que l’équilibre soit bousculé et qu’il y ait en moyenne davantage de pollution par rapport au volume d’eau de la rivière. L’avenir de la Vltava reste donc très incertain et la qualité de l’eau de la rivière pourrait bien un jour devenir aussi problématique qu’à Paris.

Auteur: Marine Allain
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