Guerre de Sept ans : les dépouilles de plus d’un millier de soldats prussiens découvertes à Prague
C’est une découverte unique en Tchéquie, voire en Europe, qui a été faite à Prague au monastère de Břevnov. A l’occasion de fouilles réalisées entre juillet et novembre 2024 dans la cour du bâtiment côté sud-ouest, les archéologues ont mis au jour une nécropole où repose plus d’un millier de soldats prussiens tombés pendant la Guerre de Sept ans.
C’est un des monuments de Prague moins connus des touristes, un peu isolé dans un quartier éloigné du Château de Prague, au nord-ouest de la capitale tchèque, et de nos jours inélégamment situé le long d’une grande artère où défilent les voitures et les tramways. Outre le fait qu’il vaut le détour pour son architecture baroque, mais aussi pour son restaurant avec sa bière brassée sur place, Benedikt, rappelant que ses occupants suivent la règle de Saint-Benoît, le monastère de Břevnov a été le témoin d’un certain nombre d’événements guerriers au cours du XVIIIe siècle. Parmi ceux-ci, sous le règne de l’impératrice Marie Thérèse d’Autriche, le siège de Prague par les Prussiens à partir de 1757, comme le rappelle Michal Tryml, archéologue au sein de l’Institut national du patrimoine :
« La Guerre de Sept ans est le premier conflit global de l’histoire moderne. Les historiens l’appellent parfois la Guerre mondiale zéro car ce sont quatre continents qui ont été concernés. D’un côté, vous aviez la Prusse et le l’Angleterre et de l’autre une coalition formée par la France, l’Autriche et la Russie. C’est une guerre qui a bouleversé toute l’Europe, et pas seulement. Elle a commencé en 1756 et dès la deuxième année du conflit, le roi Frédéric II de Prusse, a envahi la Bohême afin d’essayer de vaincre les Autrichiens avant que la Russie ne leur vienne en aide. Les Prussiens ont remporté la bataille de Štěrboholy puis ont assiégé la ville de Prague. »
Après cette bataille et pendant le siège de Prague qui s’en est suivi, les Prussiens ont choisi d’installer leur infirmerie entre les murs du monastère de Břevnov : dans la prélature, dans le couvent mais aussi dans l’église Sainte-Marguerite. Un cimetière a ensuite été aménagé à l’extrémité sud-ouest du monastère, derrière le grenier baroque. C’est là qu’une immense nécropole a été mise au jour au cours des cinq mois de fouilles préventives avant la construction sur ce site d’une chaufferie centrale.
En réalité, l’existence d’un vaste cimetière était connue, et classé comme « cimetière militaire » par le ministère de la Défense en 2004, mais longtemps, sans savoir précisément où il se trouvait. Le projet de travaux et la découverte des dépouilles ont incité les membres de la communauté bénédictine à demander le déplacement des ossements – et donc, à faire réaliser des fouilles en amont. Michal Tryml :
« Nous avons mis au jour les dépouilles de 1 055 personnes inhumées à cet endroit. Ce sont des gens qui sont passés par l’infirmerie militaire établie au sein du monastère. Ils sont donc enterrés avec les affaires qu’ils avaient lorsqu’ils sont morts dans cette infirmerie : des restes d’uniformes, des objets personnels, quelques pièces de monnaie cousues dans leurs vêtements qui datent d’avant le début du conflit. Nous avons retrouvé deux tabatières aussi, mais aussi de très nombreux boutons : plus d’un millier que nous devons nettoyer, conserver. Les fouilles se sont achevées fin novembre, donc nous n’en sommes qu’au tout début de nos recherches… »
La plupart de ces soldats prussiens inhumés – environ 80 % des dépouilles mises au jour – étaient de jeunes hommes âgés de moins de 30 ans. Outre que les scientifiques vont pouvoir désormais étudier la façon dont ils s’alimentaient ou s’habillaient, les prochaines recherches vont également permettre d’en savoir plus sur le niveau de la médecine – de guerre en particulier – pratiquée à l’époque. Des projectiles de différents calibres, en fer et en plomb, ont été en effet retrouvés dans les tombes. Outre les nombreuses fractures par éclats causées aux soldats par ces munitions, les ossements montrent également que certains ont souffert de blessures par entailles, d’autres encore ont vu un de leur membre amputé, mais de toute évidence, sans que celle-ci n’empêche leur décès, comme le relève Michal Tryml :
« Les ossements vont être étudiés par des spécialistes de l’histoire de la médecine. Nous avons très peu de connaissances sur la façon dont fonctionnait le système médical au sein des armées engagées dans ce conflit. Donc cette étude va clairement nous permettre d’en apprendre davantage sur le sujet. »
Les ossements sont actuellement conservés dans les locaux du monastère : après leur étude approfondie, dont des analyses anthropologiques et isotopiques pouvant également déterminer l’origine des personnes enterrées là, voire leur éventuelle relation de parenté, ils seront ensuite ré-inhumés dans un ossuaire.
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