Que la joie (de la danse baroque) demeure
C'est au théâtre Archa que le public de Prague a eu l'occasion d'assister ce jeudi au spectacle « Que ma joie demeure », présenté par l'ensemble « Les fêtes galantes », ensemble qui fait revivre sur scène la danse baroque. Béatrice Massin, la chorégraphe de l'ensemble :
Quelles musiques et quelles danses présentez-vous ces jours-ci à Prague? « Le spectacle que nous présentons à Prague est vraiment parti des musiques de Jean Sébastien Bach, essentiellement les Concertos Brandebourgeois qui sont pour moi la musique qui m'a accompagné et m'accompagne toujours avant même de découvrir la danse baroque de laquelle je suis partie pour réaliser ce spectacle. C'est la jubilation, la tonicité de la musique de Bach qui m'a toujours séduite et qui m'a amené à danser un jour. »
Quelles sont les sources dont vous disposez pour reconstituer la danse et la musique baroques ?
La musique ce sont des partitions musicales. Pour ce spectacle, c'est un enregistrement de Ton Koopman avec l'ensemble d'Amsterdam que j'ai choisi. Par rapport à la danse, on a énormément de sources de cette époque, même si on n'a pas tout et même s'il y a encore beaucoup de questions qu'on se pose, parce que à cette époque-là on a inventé une écriture de la danse pour permettre à la danse française de rayonner sur toute l'Europe. Les maîtres à danser français étaient partis pour s'installer dans les cours étrangères et à la demande de Louis XIV on a inventé une écriture de la danse qui nous est parvenue aujourd'hui et qui nous donne énormément d'informations. »
Parlons maintenant de vos chorégraphies. Dans quelle mesure vous vous inspirez de ces sources baroques et dans quelle mesure utilisez-vous votre propre invention ?
C'est un peu comme une relation amoureuse. Dans un premier temps on rencontre quelqu'un et on ne veut pas le quitter, on est au plus près de ce qu'il fait, on est collé à lui. Ma première relation au baroque, quand je l'ai découvert alors que je venais de la danse contemporaine, c'était tellement une relation de respect, de découverte et d'amour que je n'osait rien en faire. Bien que je me rendais compte qu'il y avait des tas de choses à essayer d'imaginer, parce que je pense que cette danse peut être complètement actuelle et toucher tout le monde aujourd'hui. Mais c'était une relation très «en osmose». Et puis au fur et à mesure des années de travail il y a une liberté et un détachement qui sont venus comme une relation où la complicité peut jouer même si l'on est très loin, très éloigné. Je crois que c'est un peu cette relation que j'ai établie avec la danse baroque. Elle est toujours là, elle est toujours dans mon travail avec la musique, dans mon rapport au sol en ce qui concerne cette spécificité de la danse baroque qui sont les pas très glissés, très rythmiques aussi. Je crois que je suis maintenant capable, comme une femme qui a quelques de années de vie commune avec la danse baroque, de prendre un liberté qui m'amène à la préoccupation d'aujourd'hui.
Depuis l'époque baroque la danse a beaucoup évolué. Est-ce que la danse moderne se reflète d'une certaine façon dans vos chorégraphies baroques?
« Complètement. Je pense que la danse a beaucoup évolué en effet depuis l'époque baroque mais je pense aussi qu avec la matière baroque on n'est pas éloigné du travail de Lucinda Childs, c'est à dire c'est un travail sur l'économie du mouvement mais en même temps sur un rapport au sol et sur un rapport au temps et à l'espace qui sont des préoccupations complètement contemporaines et de tous les chorégraphes contemporains. »
Et encore une dernière question : qu'est ce que la danse baroque peut donner au spectateur et au danseur modernes?
« Un immense enrichissement. Je pense que pour les danseurs contemporains, et notamment ici à Prague puisqu'un grand travail se fait ici avec l'association SE.S.TA de Marie Kinsky, c'est une découverte de l'exigence, c'est une découverte de la précision du temps et de la coordination du corps mais je crois aussi que c'est une école de comprendre comment tout un style de danse a pu exister autour d'un rapport très très précis au rythme et au temps. »