Quelle politique tchèque vis-à-vis de l’OTAN ?
Après le ministre de la Défense Martin Stropnický (ANO) en mai, c’est au tour du chef du gouvernement Bohuslav Sobotka (ČSSD) de s’attirer les foudres des partisans d’une politique étrangère atlantiste pour avoir émis des réserves sur les propos de Barack Obama en Pologne. Le président américain, qui y débute une tournée européenne qui doit le conduire vendredi sur les plages de Normandie pour les commémorations du débarquement du 6 juin 1944, souhaite renforcer la présence militaire de son pays en Europe. Une perspective qui n’enchante guère le premier ministre tchèque mais que le chef de l’Etat Miloš Zeman et les chrétiens-démocrates accueillent plus positivement.
En visite à Varsovie mardi, Barack Obama a tenu un discours ferme à l’encontre de la Russie, visant à rassurer les alliés des Etats-Unis dans la région dans un contexte de crise en Ukraine. Pour autant, la volonté du président américain pourrait se heurter au refus poli des Tchèques. Car le premier ministre Bohuslav Sobotka, s’il n’est opposé à la participation des armées de son pays à des exercices militaires dans le cadre de l’OTAN, a rapidement fait savoir qu’il n’était pas favorable à ce que de nouvelles troupes soient déployées sur le sol européen, et à fortiori sur le sol tchèque.
« Certains pays se tournent vers l’OTAN pour que l’organisation y renforce la présence de ses armées. Je sais que cela concerne la Pologne ou certains Etats baltes. La République tchèque n’a besoin de rien de tel. Nous avons évalué la situation, et selon nous, elle ne justifie pas un déploiement de ce type dans notre pays. La République tchèque ne fait pas et ne fera pas partie des pays qui appelleraient à un renforcement de la présence de troupes militaires en Europe. »Les communistes, opposés à la participation tchèque à l’OTAN, partagent cet avis et considèrent que les propositions du président américain risquent seulement de créer de nouvelles tensions sur le Vieux Continent. Le chef du gouvernement est également soutenu par son ministre de la Défense Martin Stropnický (ANO), qui dit néanmoins comprendre les intérêts des autres capitales. Ce dernier avait d’ailleurs essuyé de nombreuses critiques quand, à la mi-mai, il avait déjà refroidi les ardeurs de l’OTAN à vouloir positionner ses forces en Europe centrale et orientale. A l’époque, M. Stropnický estimait que les Tchèques seraient peu disposés à les accueillir au regard de leur mauvaise expérience avec les armées étrangères stationnant dans leur pays.
C’est un tout autre son de cloche qui se fait entendre du côté des chrétiens-démocrates (KDU-ČSL). Le plus petit parti de la coalition attache en effet une importance particulière à la relation avec le partenaire nord-américain. C’est ainsi que Pavel Bělobrádek, le leader de cette formation, qui est également vice-premier ministre, évoque des propos inacceptables et irresponsables. Il poursuit :
« Ce sujet n’a pas fait l’objet d’une consultation, il n’a pas été étudié au niveau gouvernemental. En fait, c’est une position qui va à contre-sens de l’intérêt à long-terme de la République tchèque en matière de défense. »
Pour le chef de l’Etat Miloš Zeman également, les propos de M. Sobotka sont une erreur. Le président de la République voit dans la démarche américaine une portée avant tout symbolique :« C’est un geste qui signifie que si la Russie venait à occuper l’est de l’Ukraine, cette occupation ne resterait pas sans réponse. »
Miloš Zeman aura peut-être l’occasion de toucher deux mots à ce sujet à son homologue américain Barack Obama, puisqu’ils participeront tous deux le vendredi six juin prochain aux cérémonies du soixante-dixième anniversaire du débarquement de Normandie.