20 ans dans l’OTAN : à Prague, la menace russe au cœur des célébrations

Miloš Zeman, János Áder, Andrej Kiska, Andrzej Duda, photo: ČTK/Krumphanzl Michal

Les Tchèques ont mis les petits plats dans les grands, mardi à Prague, pour célébrer le vingtième anniversaire de l’adhésion de leur pays à l’OTAN, en présence notamment des présidents hongrois, polonais et slovaque et de l’ancienne secrétaire d’Etat américaine Madeleine Albright. Si la Russie, et la menace qu’elle incarne toujours vingt ans après, a été au cœur du débat, tous les invités n’ont cependant pas exprimé les mêmes craintes.

Madeleine Albright,  photo: ČTK/Ondřej Deml
De nombreux Pragois ont été surpris mardi matin sur la route de leur travail ou de l’école en empruntant les transports en commun. Tandis que des petits drapeaux tchèques et de l’OTAN ornaient les tramways comme lors des jours de fête nationale et qu’un grand drapeau de l’Alliance flottait sur la façade de la mairie, un message du maire de la ville, le Pirate Zdeněk Hřib, a été diffusé durant toute la journée dans le métro. Histoire de rappeler à ses usagers toute l’importance pour l’orientation pro-occidentale de la République tchèque et sa capacité de défense de son adhésion à l’OTAN il y a donc désormais vingt ans de cela.

Née à Prague et proche de l’ancien président Václav Havel, Madeleine Albright a grandement contribué à ce rapprochement, en 1999, de la République tchèque, de la Hongrie et de la Pologne avec les Etats-Unis et leurs alliés. Dix ans après la chute des régimes communistes et cinq ans avant leur entrée dans l’Union européenne, beaucoup pensaient alors que l’intégration de ces trois pays d’Europe centrale à l’organisation politico-militaire – intégration que Madeleine Albright a qualifiée mardi de « réparation d’une injustice historique » - permettait d’éloigner la menace russe pour de bon. Or, l’occupation de la Crimée et la guerre du Donbass notamment rappellent à tous que cette menace est toujours bien présente. Présente – et même décorée - aux cérémonies organisées à Prague, l’ancienne secrétaire d’Etat américaine a donc mis en garde, une nouvelle fois, contre les activités de la Russie et l’affaiblissement de la démocratie :

« Nous ne pouvons pas nous permettre de laisser faire Vladimir Poutine, qui s’efforce de diviser notre alliance et de saper les systèmes démocratiques qui sont les fondations sur lesquelles repose notre force. »

Andrzej Duda,  photo: ČTK/Ondřej Deml
« Notre sécurité n’est pas une évidence » était d’ailleurs l’intitulé de la conférence qui s’est tenue au Château de Prague et à laquelle avaient été conviés les présidents des quatre pays du groupe de Visegrád. Sans surprise, c’est le président polonais Andrzej Duda qui a été le plus concret quant aux dangers que représente à ses yeux la Russie de Poutine :

« Nous assistons incontestablement à un retour de la politique impérialiste de la Russie, à une expansion de sa sphère d’influence via l’occupation d’autres pays. Tout cela, ce sont des provocations, un moyen de tester la sécurité et de voir si nous réagissons, ou non. Mais si nous cessons de réagir, alors nous verrons bientôt des avions russes voler dans le ciel de Prague, de Varsovie et après-demain peut-être même de Berlin. »

La vision des choses d’Andrzej Duda n’a toutefois été partagée que par son homologue slovaque, Andrej Kiska, chef d’un pays qui s’apprête à élire un nouveau président et qui a fait de son orientation pro-européenne une de ses priorités diplomatiques. Et si la Slovaquie n’a adhéré à l’OTAN que cinq ans après ses voisins tchèque, hongrois et polonais, elle compte néanmoins aujourd’hui parmi les pays de la région qui expriment le plus clairement leur position. Les propos d’Andrej Kiska à Prague ont confirmé cette lecture géopolitique :

« L’objectif de la Russie est de briser l’unité de l’Alliance atlantique. Elle redoute son unité et sa force et elle utilise pour parvenir à ses fins toutes les armes possibles qui existent dans le cadre de la guerre qu’elle mène, que celle-ci soit hybride, militaire, économique, diplomatique ou de propagande. Tout ! »

Miloš Zeman,  János Áder,  Andrej Kiska,  Andrzej Duda,  photo: ČTK/Krumphanzl Michal

Comme cela pouvait être attendu, Miloš Zeman s’est montré plus modéré sur la question. Le président tchèque, favorable à une levée des sanctions contre la Russie, est partisan en effet d’une attitude plus souple à l’égard de l’ogre de l’Est. C’est donc en restant fidèle à ses idées – qui ne sont toutefois pas celles du gouvernement - qu’il a réagi aux propos de ses homologues polonais et slovaque :

« Celui qui craint les provocations, ne fait qu’exprimer sa propre faiblesse. Un pays fier et sûr de lui a la possibilité de se défendre seul en coopération avec ses alliés et n’a pas à avoir peur. »

Dans cette « bande des quatre », la position de la Hongrie apparaît comme la plus ambiguë. Son président János Áder a ainsi expliqué que si Budapest s’est jointe aux sanctions contre la Russie en raison de la crise en Ukraine et que l’armée magyare participe bien à la protection de l’espace aérien des pays baltes dans le respect de ses engagements vis-à-vis de l’OTAN, son intention n’était toutefois certainement pas de se couper de Moscou :

« Il est dans l’intérêt de la Hongrie de maintenir le dialogue avec la Russie et de réduire la tension politique autant que faire se peut et aussi rapidement que possible. ».

Un intérêt qui est plus généralement celui de tous, et c’est peut-être bien là le seul point concernant la Russie sur lequel tout le monde s’est entendu mardi à Prague.