Quotas, visas turcs : à Prague, les pays du V4 continuent de faire front commun contre Bruxelles
Prague, qui achève en juin sa présidence tournante du groupe de Visegrad (République tchèque, Slovaquie, Pologne, Hongrie), accueillait une réunion élargie, composée des ministres des Affaires étrangères du V4, mais aussi des pays-membres du Partenariat oriental. Parmi les personnalités invitées à cette réunion également, les ministres des Affaires étrangères des Pays-Bas, de la Suède et de l’Allemagne, ainsi que le commissaire européen à l’élargissement Johannes Hahn et la vice-secrétaire générale pour la politique étrangère et de sécurité de l’UE, Helga Maria Schmid. Au programme de ces discussions notamment : toujours et encore la crise migratoire, et la question de l’exemption de visas dans l’UE pour les ressortissants turcs qui y est étroitement liée.
Si une grande partie des discussions a tourné autour de la coopération entre les pays du groupe de Visegrad et ceux du Partenariat oriental, sur la situation en Ukraine, ou les projets bilatéraux, ce sont surtout les questions de politique européenne qui sont restées brûlantes.
Ainsi, les pays du groupe de Visegrad ont vigoureusement réagi à la nouvelle proposition de la Commission européenne sur la répartition de l’accueil des réfugiés entre les Vingt-Huit. Pour contrer la mauvaise volonté des Etats, Bruxelles a en effet proposé mercredi d'instaurer une « contribution de solidarité » de 250 000 euros par réfugié pour contraindre les pays récalcitrants à l'accueil de réfugiés sur leur territoire. La Hongrie, la Slovaquie, la Pologne et la République tchèque, sont en première ligne en raison de leur réticence affichée. Le ministre des Affaires étrangères, Lubomír Zaorálek a réagi :« Selon moi, le changement de la politique d’asile est un changement fondamental des règles de l’UE. Je pense que la Commission européenne devrait plutôt se baser sur ce qui nous unit, sur des projets qui font consensus. Ici, on nous ressort le principe d’une répartition obligatoire des réfugiés entre les Etats-membres, or c’est quelque chose sur lequel il n’y a pas de consensus. Je suis dont très surpris par cette proposition. »
Des propos assez généraux et relativement modérés côté tchèque, ce qui était loin d’être le cas côté hongrois, où Péter Szijjárto, le chef de la diplomatie du gouvernement Orban, farouchement anti-migrants, n’a pas mâché ses mots :
« En ce qui concerne les amendes proposées par la Commission européenne, c’est du chantage pur et simple. C’est inacceptable et c’est une proposition qui va à l’encontre de la réglementation européenne. C’est déjà le cas du principe des quotas qui est en violation de celle-ci et qui est une voie sans issue. C’est d’ailleurs pour cette raison que la Slovaquie et la Hongrie se sont tournées vers la Cour européenne. »Inextricablement liée au problème de la crise migratoire, la question de l’exemption de visas pour les ressortissants turcs était aussi au cœur des discussions. En effet, l’accord signé en mars dernier entre la Commission européenne et la Turquie engage Ankara à reprendre tous les migrants arrivant en Grèce. En échange de quoi, Bruxelles avait décidé d’une levée accélérée du régime des visas pour les Turcs, qui devrait entrer en vigueur d’ici fin juin. Encore une fois, côté hongrois, on rappelle la nécessité pour la Turquie de remplir tous les critères fixés par l’UE, alors qu’il en reste à l’heure actuelle huit sur 72 :
« En ce qui concerne cette question, notre position est claire. Les pays qui respectent tous les critères peuvent bénéficier d’une exemption de visas. Ce serait inacceptable, selon nous, que la Géorgie et l’Ukraine soit exemptées de visas après la Turquie. Nos deux partenaires ici présents ont fait de gros efforts pour remplir tous les critères. Pour nous, il est impensable de ne pas leur accorder une levée des visas plus tôt. »
Le chef de la diplomatie tchèque, de son côté, a tenu à rappeler que les critères à respecter étaient valables pour tout le monde :
« La Commission européenne a fait savoir que ces dernières semaines, la Turquie avait fait un grand pas en avant. Selon la Commission, si la Turquie continue sur cette bonne lancée, le reste des critères à remplir le seront. C’est la base : si les critères sont respectés, nous pouvons envisager la levée des visas. Les règles aussi doivent être respectées : si l’on voit que certains pays remplissent les critères demandés, comme l’a dit Péter Szijjárto, alors cela doit être valable pour tout le monde. »