Crise migratoire : chacun voit midi à sa porte
Les ministres des Affaires étrangères des quatre pays du groupe de Visegrád, ainsi que ceux de l’Allemagne et du Luxembourg, qui assure actuellement la présidence du Conseil de l’UE, étaient réunis ce vendredi à Prague avec l’objectif de dépasser leurs divergences sur les solutions à apporter à la crise migratoire. Un objectif sans doute trop difficile à atteindre : les pays centre-européens ont réaffirmé leur opposition à la politique de quotas soutenue par Bruxelles et Berlin.
C’est par ces mots lourds de sens que le chef de la diplomatie tchèque, Lubomír Zaorálek, a mis un terme à la conférence de presse donnée en commun par les six ministres à la mi-journée, un exercice qui a donné lieu à une relative cacophonie. Tous sont d’accord pour dire que la présence de ces 350 000 réfugiés syriens en Europe, sur les 4,3 millions de Syriens contraints de quitter leur pays en guerre, nécessite une réponse commune de l’Union européenne. Trouver les termes de cette réponse est une autre paire de manches.
D’un côté, Jean Asselborn, le ministre luxembourgeois, a défendu la proposition du chef de la Commission européenne, son compatriote Jean-Claude Juncker, d’un nouveau plan de répartition entre les Vingt-Huit de 120 000 demandeurs d’asile, en plus du plan concernant 40 000 réfugiés formulé avant l’été. Des mesures d’urgence qui ont été approuvées jeudi au Parlement européen, avec le vote positif de seulement trois des vingt eurodéputés tchèques. C’est également le message de Frank-Walter Steinmeier, son homologue allemand, qui appelle les pays européens à faire preuve de solidarité. Selon lui, l’Allemagne s’apprête à accueillir 40 000 nouveaux demandeurs d’asile pour ce seul week-end à venir.
Mais les quatre pays du groupe de Visegrád ont réaffirmé leur opposition à une répartition obligatoire des réfugiés, comme la semaine passée lors d’une rencontre des chefs de gouvernement de la zone. La Tchéquie et la Slovaquie disent être solidaires mais considèrent n’être que des pays de transit que les demandeurs d’asile quitteraient sitôt l’asile obtenu. Au sein même du V4, l’entente n’est pourtant pas parfaite. La Pologne serait ainsi prête à négocier – à certaines conditions - la mise en place d’un système de quotas. Surtout, les capitales centre-européennes, et en particulier Budapest, mettent l’accent sur la nécessité de définir une politique de retour, de différencier les réfugiés politiques des migrants économiques et avant tout de protéger les frontières de l’espace Schengen pour faire cesser l’afflux de migrants.Pour le V4, la priorité n’est donc pas à l’accueil des réfugiés mais de faire en sorte qu’ils n’entrent pas sur le territoire de l’UE. C’est le souhait de la Hongrie qui renforce la clôture élevée à sa frontière avec la Serbie, met en place un appareil législatif répressif pour les personnes tentant de la franchir et qui a mobilisé son armée alors que 180 000 réfugiés se trouveraient actuellement sur son sol. La route dite des Balkans, c’est la préoccupation majeure des pays centre-européens, ainsi que l’a souligné Lubomír Zaorálek :
« J’aimerais rappeler que lors du grand sommet entre les ministres de l’Intérieur et des Affaires étrangères qui a eu lieu début juillet au Luxembourg, les pays du groupe de Visegrád ont attiré l’attention sur le fait qu’était alors sous-estimée la route migratoire des Balkans, une route qui devenait comparable à ce qui se passait en Méditerranée. Les faits nous ont malheureusement donné raison et aujourd’hui personne ne peut nier que la route des Balkans est une question clef pour la venue des migrants en Europe. Nous allons publier un communiqué suite à cette réunion et dans celui-ci nous appelons justement à une modification du financement européen au bénéfice de la Hongrie et pour trouver une solution au sérieux problème posé par cette route. »Des problématiques qui seront au centre de la réunion des ministres de l’Intérieur de l’UE à Bruxelles le 14 septembre. Pendant ce temps, le débat continue dans les médias tchèques. Ce vendredi, l’ex-président Václav Klaus, déjà à l’origine d’une pétition « anti-immigration » se fend d’un édito dans Mladá fronta Dnes, dans lequel il dit « craindre pour l’avenir de la civilisation européenne ». Voilà qui devrait apporter de l’eau au moulin de l’organisation Human Rights Watch, qui, depuis Bruxelles, déplore la qualité du débat dans les pays du V4, lesquels vivraient selon elle dans une bulle.