Radovan Krejcir : bons baisers des Seychelles, un paradis pour millionnaires en difficulté
Le livre dont les médias tchèques ont le plus parlé pendant ces périodes de fête n'est pas l'oeuvre d'une nouvelle étoile montante de la littérature nationale. Son auteur, Radovan Krejcir, l'a « écrit » depuis les Seychelles, l'archipel de l'Océan indien où il est réfugié depuis sa fuite rocambolesque, pendant une perquisition de la police dans sa villa pragoise.
« Radovan Krejcir a obtenu la nationalité seychelloise il y a presque dix ans, à un moment où elle était octroyée par la seule volonté du président de la République, en contrepartie du paiement d'une certaine somme, conséquente mais pas énorme. Peut-être y a-t-il eu dans ce cas d'autres contreparties mais ça on ne le saura jamais. Il est évident que ce mécanisme de vente de la nationalité à des gens qui avaient besoin d'un point de repli pour une raison ou pour une autre n'a trompé personne. Tout le monde savait que ceux qui allaient se tourner vers l'achat de cette nationalité-là, c'était pour faire un investissement sur l'avenir, soit pour éviter les ennuis chez eux, soit pour couler une retraite tranquille, soit pour profiter de l'opportunité d'évasion fiscale par rapport à leur propre pays. »
En plus d'être soupçonné de fraudes fiscales diverses, Radovan Krejcir est accusé dans son pays natal d'avoir commandité le meurtre d'un douanier. s'ils l'ont laissé s'échapper malgré leur nombre, dans sa maison, les policiers ont retrouvé plusieurs armes automatiques et de la fausse monnaie en quantité non négligeable. La semaine dernière, Krejcir a donc sorti un livre pour raconter son évasion et surtout pour dénoncer la corruption à tous les niveaux de l'Etat tchèque, en affirmant notamment avoir abondamment arrosé le Parti social-démocrate (CSSD) aujourd'hui au pouvoir. Quelles sont les chances que cet homme s'explique un jour devant la justice tchèque ? Minimes, selon Francis Soler :
« La nationalité seychelloise donne surtout des garanties de non extradition dans des cas où il n'y a pas d'accord d'extradition, comme avec la République tchèque. Donc légalement, les autorités seychelloises n'ont aucune raison aujourd'hui d'extrader Radovan Krejcir. Il faudrait qu'il ait commis un crime localement, puis soit jugé là-bas et déchu de sa nationalité. Ou qu'un accord d'extradition soit conclu, et là se poserait des problèmes juridiques sur la rétroactivité de l'accord. Mais surtout se pose un problème politique plus important : si les Seychelles veulent apparaître comme un pays qui offre des garanties en vendant sa nationalité, et que face au premier cas problématique, ils extradent, alors ils se tirent une balle dans le pied... »
Très récemment pourtant, le ministre de la Justice tchèque, Pavel Nemec, se montrait optimiste et affirmait à la télévision publique que les autorités seychelloises étaient prêtes à conclure un accord d'extradition avec Prague dans les prochains mois. En attendant, Radovan Krejcir ne semble pas s'inquiéter outre mesure, et promet de donner des preuves de ce qu'il avance dans son livre dès le début de l'année prochaine...