Réglementer des jeux de hasard : une nouvelle dynamique locale
Les villes qui réglementent ou interdisent les jeux de hasard sont de plus en plus nombreuses en République tchèque. Les initiatives poursuivant cette fin fleurissent depuis mai 2013, quand la Cour constitutionnelle a conféré aux municipalités la compétence de réguler la présence des jeux de hasard, un domaine où la décision ultime appartenait jusqu’alors au ministère des Finances. Après une interdiction totale à Litomyšl, Králíky ou Vysoké Mýto en Bohême de l’Est, ce lundi, c’est au tour des conseillers municipaux de Chrudim, une autre ville de la région, de se prononcer.
« Nous estimons que lorsque les jeux de hasard sont interdits, une grande partie des joueurs réduisent leurs activités, même si certains, ceux qui sont les plus menacés par tout type d’addiction, peuvent se déplacer dans des localités où les machines à sous sont toujours autorisées. »
L’interdiction des jeux d’argent et de hasard, dont les locaux se trouvent souvent dans des quartiers socialement désavantagés, ne répond pas seulement au souci d’agir sur un comportement pathologique. Ces mesures représentent aussi un enjeu financier considérable, car il s’agit d’une source de revenu importante pour les municipalités. En 2012, les jeux de hasard ont contribué au renflouement des caisses publiques à hauteur de 8 milliards de couronnes d’impôts (environ 296 millions d’euros). Les municipalités ont perçu 5 milliards de couronnes de cette somme (185 millions d’euros), l’argent qui était ensuite reversé aux secteurs notamment de la santé, de la culture et du sport. C’est d’ailleurs pour cette raison que la ville de Kutná Hora (Bohême centrale) est revenue récemment sur sa décision d’interdire totalement les jeux de hasard sur son territoire.Outre les considérations financières, les opposants à la prohibition soulignent que le jeu n’est pas voué à disparaître et qu’il passera en illégalité. Une objection à laquelle Svatopluk Bartík, de l’association civique Brnění, rétorque :
« Je pense que la police a déjà montré qu’elle savait secouer les puces des maisons de jeux illégales. En 2013, en un après-midi, elle a mobilisé une équipe de 300 personnes qui ont fermé plusieurs dizaines de ces lieux non autorisés. De plus, dans les endroits où les machines à sous ne seront plus tolérées, la présence des établissements sans licence sera encore plus facile à détecter et la police agira en vertu de la loi. »Inspirées par des précédents de plus en plus nombreux et poussées par des initiatives citoyennes, les communes tchèques et moraves ont également opté pour la réglementation de cette trouble activité. En automne dernier, Prague a décidé de n’autoriser le fonctionnement que de 348 casinos et des maisons de jeux au lieu des 1 051 précédents. En janvier dernier, vingt-trois arrondissements de Brno ont voté pour une interdiction totale des jeux de hasard, les six autres préférant réguler leur exploitation. Dans les deux plus grandes villes du pays, la réglementation en vigueur régit également l’apparence extérieure des maisons de jeux, proscrivant par exemple les vitrines transparentes ainsi que toute publicité.
Néanmoins, l’application de ces interdictions pourrait nécessiter plusieurs mois voire même années, le ministère des Finances devant entamer une procédure administrative pour l’annulation des licences de chacune des machines à sous existantes.
L’industrie des jeux de hasard fait l’objet régulièrement d’initiatives citoyennes à l’origine de plusieurs consultations publiques. Ainsi, à l’occasion des élections européennes, ces vendredi et samedi, un référendum portant sur la fermeture des maisons de jeux se tiendra dans le septième arrondissement de Prague. Dans d’autres villes, les associations citoyennes collectent encore les signatures pour organiser un référendum parallèlement aux municipales en automne 2014 ; c’est le cas notamment de l’initiative « Stop au hasard ! » (Hazardu stop) à Ústí nad Orlicí (Bohême de l’Est).Néanmoins, l’exemple du huitième arrondissement de Prague montre que l’affaire n’est pas gagnée d’avance, car même si l’interdiction des machines à sous a été votée à 96%, le résultat du référendum risque d’être invalidé en raison du faible taux de participation. Avec à peine 14% de voix, on est resté très loin des 35%, le taux de participation minimal requis pour que le résultat d’un référendum soit validé.